Montée en puissance de l’Afrique

Depuis l’annonce de la nouvelle loi américaine dite : « Inflation Reduction Act » (IRA) de 2022, les européens  semblent éprouver des maux de tête en continu. Les hauts responsables UE ont tous exprimé, selon une nuance propre à chacun(e), leurs craintes de l’impact négatif que la loi en question aurait sur la compétitivité industrielle des pays de l’UE dans ce que l’on convient d’appeler l’Industrie verte. En effet, cette loi américaine accorde, entre autres, des avantages fiscaux aux industriels qui produisent localement des véhicules électriques qu’ils équipent de batteries fabriquées aux USA. Les pays UE considèrent que l’effet net de cette loi serait d’aspirer globalement les investissements, et les compétences, dans ce secteur d’avenir vers les Etats-Unis au détriment de la compétitivité UE. Il en découle actuellement Sous l’impulsion du Président français, Monsieur Emmanuel Macron comme un branle-bas de combat conduit par Thierry Breton, commissaire européen chargé du marché intérieur et de la politique industrielle, pour pousser les instances UE, qui sont très réceptives, à mettre en œuvre une réglementation réciproque à celle susmentionnée américaine pour empêcher une fuite supposée de capitaux et compétences vers l’Amérique. Telle qu’elle est présentée par les officiels européens, cette problématique définit l’UE comme championne toute catégorie de l’innovation pour l’Industrie verte alors que l’Amérique, qui jalouserait l’UE, voudrait lui chiper ce privilège en faisant miroiter des subsides et avantages fiscaux pour leurrer les grandes compétences européennes incluant les industriels.

Evidemment, il peut être tentant de sympathiser avec la thèse officielle européenne sus-évoquée pour considérer les Etats-Unis comme un mauvais joueur qui ferait miroiter des avantages de toutes sortes pour attirer des compétences industrielles UE sur son sol. Dans la réalité, rien n’est encore fait et les « cris d’orfraie » poussés par les européens pour le moment ne sont pas très convaincants.

D’abord, les européens n’avancent aucune preuve qui montre que les USA ont un réel besoin de capitaux ou compétences UE pour faire avancer leurs projets dans l’industrie verte.

Ensuite, en supposant (seulement) que les américains aient comme idée d’attirer des compétences européennes vers le marché US, le froissement dont les européens semblent faire preuve est davantage hypocrite qu’autre chose. Eux-mêmes appliquent cette pratique depuis toujours pour pousser nos compétences africaines à l’émigration pour le bénéfice de l’UE au détriment de l’Afrique. Alors, soit les pays UE ne savent pas de quoi ils parlent, ce qui serait étonnant, soit que, plus vraisemblablement, les raisons de leurs malaises sont ailleurs.

Sous ce rapport, au mois de Novembre passé, l’ambassadeur de France à Pékin critiquait ouvertement  contrairement au devoir de réserve exigé de ce type de fonction la « politique chinoise du zéro Covid dynamique « qui » a des répercussions sur les entreprises françaises présentes en Chine ». La France semble être le seul pays européen à s’être singularisé par cette déclaration. En effet, si la Chine avait fait une entorse aux règles de l’OMC, c’est la Commission UE qui aurait dû monter au créneau, ce qui n’a pas été le cas.

A présent, pour les doléances au sujet de la loi « Inflation Reduction Act », un autre porte-parole de Monsieur Emmanuel Macron, à savoir Monsieur Thierry Breton cité plus haut, mène la charge, cette fois contre les Etats-Unis. Cela devrait laisser penser que l’Industrie française serait davantage impactée négativement par cette loi que les autres pays de l’UE. Or, d’après un article du 13 janvier passé, le Der Spiegel indique que la France est moins industrialisée que d’autres pays UE et donc moins dépendante des marchés à l’export. Si tel est le cas, et il n’y a pas de raison de douter de l’affirmation de Der Spiegel, pourquoi, au sein de l’UE, la France est le pays le plus vociférant sur les Etats-Unis au sujet « Inflation Reduction Act » et sur la Chine au sujet de la politique « Zéro Covid ». Il ne nous est évidemment pas possible de le savoir avec exactitude. Mais l’attitude exacerbée de la France vis-à-vis de la Chine pourrait avoir des motifs différents des griefs qu’elle aurait vis-à-vis des USA. En effet, alors que l’Allemagne est devenue très attachée au marché chinois d’abord et avant tout parce qu’elle y écoule ses voitures et ses équipements pour l’Industrie; la France n’y exporte pas grand-chose d’industriel. Le problème c’est que l’approche chinoise pour faire respecter la doctrine du « Zéro Covid » a drastiquement réduit les déplacements des étrangers à l’intérieur du marché chinois. On suppose alors que des opérateurs commerciaux français se sont habitués à la souplesse d’aller où ils veulent en Chine pour, entre autres, commander toute sorte d’articles susceptibles d’être réaménagés pour un « Made in Europe » pour être écoulés sur notre continent avec de juteuses plus-values. Le durcissement des conditions de circulation des étrangers à l’intérieur de la Chine aura constitué un frein à cette pratique commerciale de nature spéculative particulièrement lucrative et sans risque.

Mais, cette hypothèse n’explique pas la rage des officiels français sur la loi américaine de « Inflation Reduction Act ». En effet, les exportations françaises de produits industriels sur le marché américain sont, contrairement à l’Allemagne, loin d’être significatifs pour expliquer les réactions exaspérées des officiels français à l’encontre de cette loi américaine sur la réduction de l’inflation. Alors, peut-être que le but des hauts responsables français est davantage de se faire entendre en Afrique qu’en Amérique et en Europe où les citoyens américains et européens  savent à quoi s’en tenir sur les intentions de l’Hexagone.

La vérité est que la tâche de la France   pour conserver sa place comme premier partenaire économique et commercial de plus du tiers de pays africains avec le rôle dévolu au franc CFA et enjoliver ainsi son rôle de « grande puissance » au sein du Conseil de Sécurité de l’ONU — devient moins simple jour après jour.

Alors que notre continent est à présent convoité par tout le monde, il était plus aisé pour la France de défendre ses positions contre la Chine, la Russie en arguant du manque de respect des principes démocratiques ou bien les droits de l’homme. Mais à présent que Joe Biden montre l’intérêt de l’Amérique de venir en Afrique, les arguments se feront plus difficiles à trouver. La loi du « Inflation Reduction Act » aura fourni un bon prétexte pour se dresser, sans en avoir l’air, contre les USA et faire d’une pierre deux coups : Apparaitre comme un leader européen aux yeux de l’opinion française devant laquelle Monsieur Macron est sévèrement jugé ces derniers temps et en même temps laisser l’impression aux africains en général, et à un Maroc qui prend ses distances en particulier, que la France est de taille à se mesurer aux plus grands de ce monde.

En réalité, la problématique de notre temps d’aujourd’hui peut se résumer au fait que les règles qui articulent notre monde actuel ont été établies il y a presque 80 ans et ont fait leur temps. Et quand quelque chose a fait son temps, on revient à la source pour établir de nouvelles règles. Or notre monde industriel a sa source dans la découverte de ressources énergétiques, charbon et pétrole en premier lieu. Mais, en absence de savoir-faire dûment établi pour exploiter correctement ces ressources, nos prédécesseurs ont dû travailler dur pour définir des voies de valorisation. Aujourd’hui, les données pour valoriser quoi que ce soit sont disponibles, accessibles et variées. L’entrée en jeu de nos pays africains qui disposent de grandes ressources va changer la face du monde en général et l’Afrique en particulier. Nous disposons en effet sur notre continent de beaucoup de Matières Premières, agroalimentaires et autres, qui ne demandent qu’à être valorisées par des méthodes et techniques qui existent et qui sont disponibles et accessibles.

L’Afrique est en mesure de se redresser pour tourner définitivement la page des misères de la colonisation et devenir un acteur qui compte dans ce nouveau monde pour peu que les africains acceptent de se libérer du joug de la propagande postcoloniale.