Le nouveau paradigme de l’Afrique

Ceux et celles qui y ont un intérêt et suivent les relations franco-marocaines ont pu se régaler ces derniers temps de la lecture de très nombreux articles en espagnol, anglais, français et arabes sur, entre autres, de nombreux journaux en ligne — https://maroc-diplomatique.net/; https://northafricapost.com/; https://atalayar.com/; https://fr.le360.ma/; https://fr.hespress.com/; https://medias24.com/; https://www.moroccoworldnews.com/; https://www.akhbarona.com/; https://alyaoum24.com/; https://24saa.ma/; https://es.rue20.com/  — qui reviennent sur ces relations depuis la préparation par la France de l’occupation du Maroc (protectorat perfidement tourné en colonisation) et l’évolution de la volonté française d’assujettissement de notre pays par tout moyen pour permettre un maximum de spoliation de nos richesses et nos biens au profit des exploitants imposés par l’Etat français. Les différents intervenants, chacun selon sa spécialité, ont concouru à documenter et mettre en évidence le degré de cupidité, de sournoiserie et de machiavélisme dont les colonisateurs français au Maroc ont fait preuve pendant leur occupation militaire de notre pays et comment ils ont continué leurs fourberies, sur le plan économique, financier, commercial et culturel, après l’indépendance du Maroc.

Sur un plan davantage personnel, mes documents de travail sont nourries d’exemples (dûment renseignés) de tentatives de  me recruter moi-même, depuis mon entrée dans l’activité privée pour mon propre compte à Casablanca en 1988, avec l’objectif devant m’être affiché de servir (d’abord et avant tout) les intérêts économiques et commerciaux français dans notre pays. Ensuite, pour ne pas avoir adhéré aux avances qui m’ont été faites (je suppose), de multiples difficultés, sortis on ne sait d’où, ont surgi sur mon chemin parce que, en essence, j’étais présumé coupable de vouloir apporter ma contribution pour faire émerger une activité d’expertise marocaine indépendante de celle de la France. Les exemples sont nombreux mais j’illustrerai par un cas seulement (dûment documenté dans mes archives) :

Il y a environ une vingtaine d’années, j’avais été sollicité par un grand groupe agroalimentaire de Fès (dont je tais le nom parce que le groupe marocain est bien connu  chez nous et que je n’ai pas demandé son accord pour le citer nommément) pour accompagnement pour une certification HACCP. J’ai passé deux jours avec les responsables et le staff qui ont payé deux nuits d’hôtel à Fès pour mon séjour. J’ai ensuite fait une proposition d’accompagnement (dont un mois de travail soutenu) comprenant ma présence dans l’entreprise une partie du temps pour la mise en place (et validation) de procédures de contrôle (les leurs devaient être revues et renforcées) en associant leur staff au travail. Qu’elle ne fût pas ma surprise ensuite de recevoir un émail (que j’ai toujours dans mes archives)  de la responsable qualité de ce groupe pour me dire qu’ils ont une meilleure offre par téléphone (qu’ils ont retenue d’ailleurs) de quelqu’un d’autre (que j’ai su ultérieurement comme étant un  professionnel français) qui s’est engagé à les certifier HACCP pour moins de la moitié de mon offre et sans se déplacer dans leur unité (condition indiquée dans le message que j’ai reçu !), ce qui est anti professionnel et contraire aux principes du HACCP qui exigent la présence sur site du certificateur retenu pour effectuer le travail. J’ai d’autres exemples documentés de la même façon qui renforcent, en quelque sorte, l’hypothèse que pour la France néocoloniale, tous les moyens fourbes sont bons (et peu importe le prix) pour stopper toute velléité de découpler l’activité d’expertise marocaine de celle de la France, la seule (exclusivement) que ces néo-colonisateurs sont prêts à reconnaître pour le travail dans notre pays.

En fait, ici et là dans plusieurs articles de ce blog, des exemples sont mentionnés qui montrent, après l’arrêt de la  phase de colonisation militaire de notre pays, quelques-uns des subterfuges dont la France s’est servis pour maintenir fermement sa main mise sur notre économie, nos finances, notre commerce et même notre culture. Mais si le Maroc a utilisé à son tour la force pour chasser la France coloniale, nos hauts responsables ont (supposément), pour des considérations que nous ne sommes pas bien placé pour en discuter, choisi une approche civilisée pour faire comprendre aux officiels français que le Maroc était un État-nation confirmé avant que ce ne fut le cas de la France et que notre pays tient à récupérer cette place dans le concert des nations. En somme, en bon prince, le Maroc semble leur dire, vous pouvez rester si vous le souhaitez et continuer vos activités chez nous, en même temps que d’autres pays UE,  mais en offrant des produits et/ou des prestations qui soient loyaux avec un rapport qualité/prix concurrentiel.

C’est exactement le genre de langage que les français refusent d’entendre tout en déniant aux marocains le droit d’avoir une telle attitude dans les rapports économico-commerciaux avec la France.

Le fait est que la colonisation relativement récente d’autres pays n’est pas une exclusivité de la France. Mais, si la Grande Bretagne, l’Espagne et d’autres pays ont renoué après coup des relations économiques et commerciales apaisées avec leurs anciennes colonies, cela ne semble pas être le cas de la France avec l’ensemble des pays de ses anciennes colonies. Il est difficile pour nous de savoir les raisons exactes de cette spécificité de la France coloniale. Nous pouvons seulement émettre des hypothèses.

Sous ce rapport, alors que j’étais Assistant-étudiant à Lausanne (Suisse) dans les années soixante-dix du siècle passé  (étudiant gradué mais non encore diplômé), je gagnais un peu d’argent (en encadrant les étudiants des premières années) mais pas suffisamment pour me payer un billet d’avion (qui coûtait cher à l’époque) pour revenir pour la fin d’année en question au Maroc (période sensible à passer seul pour un étranger). J’avais alors opté pour un voyage organisé de quelques jours pour visiter, entre autres, le Colisée et les Catacombes de Rome. Au retour, le train était plus que bondé. Epuisé de fatigue, j’avais ouvert machinalement la porte d’une cabine couchette. Je m’étais ensuite excusé et m’apprêtais à refermer la portière quand le client (allemand) qui dormait m’a prié de rester. Il m’a dit (en substance) : « Vous pouvez rester et vous asseoir ; en face (sur l’autre couchette) il y a ma femme. Nous sommes mariés depuis 49 ans et ne faisons plus beaucoup de bruit ». Ensuite, il a ajouté « Excusez mon français. Quand j’étais soldat à Paris tout le monde me parlait en allemand ».

On dit habituellement que les français parlent mal les langues étrangères. Mais là, en cinq ans (occupation allemande de la France), nombreux ont été les français et françaises qui ont avancé très rapidement dans l’apprentissage de la langue de l’occupant germanique. Ensuite, il faut bien le dire, la France a eu cette particularité (exclusive) d’être passée (sans transition) du statut de pays vassalisé par l’Allemagne à la suite d’une défaite avilissante au privilège et la charge de s’asseoir parmi le nombre restreint de puissances mondiales du Conseil de sécurité et de disposer d’un veto. Il s’agit d’une promotion fulgurante, voire enivrante, que la France voudrait maintenant conserver coûte que coûte, ce qui est parfaitement compréhensible. Mais, ne disposant pas de matières premières à faire valoir comme c’est le cas pour la Russie ou bien d’un savoir-faire industriel, économique et commercial  dont l’utilité est reconnue dans le monde entier comme la Chine, la France est réduite à vouloir asseoir son statut de « grande puissance » sur le maintien d’un Franc CFA et des relations commerciales avec ses anciennes colonies qui lui soient favorables, c’est-à-dire très préjudiciables pour nous autres ses ex-colonies. L’observation attentive de ce qui se passe actuellement dans le monde en général, et en Afrique en particulier, montre qu’il n’existe plus aucun pays sur cette planète prêt à se soumettre à ces conditions néocoloniales françaises.

D’un autre côté, les relations entre pays, commerciales et autres, sont une nécessité. Mais pour qu’elles durent,  elles doivent être basées sur une confiance éprouvée. Or, la présence coloniale militaire, ou bien économique et commerciale subséquente, de pays européens en Afrique dure depuis des siècles et a évolué d’un colonialisme basé sur la force militaire vers un néocolonialisme économique et commercial basé, entre autres, sur le mensonge, la tromperie et l’hypocrisie. Dans cette relation, nos pays africains sont toujours les perdants.

Prenant en considération la durée en siècles de  ces tromperies, mauvais engagements, hypocrisies, fourberies et autres cupidités des européens à l’égard de nous autres africains, il est très difficile pour les citoyens de notre Continent de faire confiance de nouveau aux officiels européens dont la parole a perdu toute crédibilité sur notre Continent.

Mais, en tant que gens civilisés, nous ne devons pas faire payer aux générations européennes futures le prix équivalent aux pillages et aux souffrances que leurs pays coloniaux ont occasionnées à nos nations. Cela ne remet toutefois pas en question la défiance que nos pays nourrissent à l’égard des dirigeants actuels des pays de l’Europe coloniale.

Il faudra donc, selon notre opinion, trouver un nouveau modus operandi pour remettre nos relations africaines avec les européens sur de nouvelles bases. Ceci étant, quelqu’un (pays colonial européen) qui a triché pendant des siècles trichera encore ce qui continuera de souiller durablement sa crédibilité.

Dans ces conditions, pourquoi ne pas subordonner l’acceptation de tout engagement futur d’un pays UE au cautionnement par une autre puissance (faisant office de tierce-partie habilitée) choisie de commun accord par l’Afrique et l’UE. On comprend bien qu’ils auront du mal à accepter la Russie comme parrain, mais ils pourront, par exemple, choisir entre la Chine et les USA.

La mise en forme de ce nouveau paradigme par l’Afrique pourrait mieux garantir la réussite de la mise en œuvre prochaine de la Zlecaf (zone de libre-échange continentale africaine).