Dans les années soixante-dix, et sur les années quatre-vingt, les relations commerciales et d’affaires des pays européens avec les monarchies du Golfe en particulier, et la zone MENA (Middle East and North Africa) en général, étaient toujours solides, fluides et continues. L’argent du pétrole coulait à flot et a permis à de nombreuses entreprises, allemandes en premier lieu, de se muer en un temps record en grandes sociétés jouant à l’échelle internationale. Il parait raisonnable de penser que les Etats Unis ont joué un rôle facilitateur pour de tels investissements. En effet, les tensions étaient au plus haut durant cette période de guerre froide et les américains se devaient de s’assurer de l’assentiment continu des officiels allemands, et ils l’avaient, sur leur politique d’endiguement de l’Union Soviétique en Europe centrale par, entre autres, l’installation sur sol allemand d’armes nucléaires de moyenne portée. Les deux parties y trouvaient leur compte.
Après la chute du mur de Berlin, et la réunification du pays, l’Allemagne, qui a perdu sa grandeur à la guerre, s’attendait naturellement à la retrouver sur le plan financier et commercial, en tant que première puissance industrielle européenne, en régnant directement sur l’Europe et en pesant sur les échanges commerciaux des pays voisins, dont la Turquie et la Russie et, par pays interposés, la France notamment, sur le Continent Africain. L’Euro devait être l’instrument idéal pour arriver à cette fin. Néanmoins, comme le Président Trump l’a reconnu sans détour, les américains ont considéré, et le pensent toujours, le lancement de la monnaie unique européenne comme un danger existentiel sans précédent sur le Dollar et, après évaluation des répercussions, ont commencé à agir en conséquence.
Ainsi, après la guerre d’Irak, qui a coûté, selon le Président Trump, des trillions de dollars aux USA, et la guerre en Syrie qui s’y est ajoutée, cet environnement de proximité des pays européens a subi des modifications irréversibles. Les points d’ancrage diplomatique et commercial habituels des puissances continentales européennes dans cette zone ont été soit détruits soit profondément endommagés. Comme conséquence, l’activité commerciale de l’UE dans la région a considérablement rétréci. Les monarchies du golfe, sortis sans grand dommage de la guerre Irako-Syrienne, ont de leur côté imprimé de nouvelles orientations à leurs échanges commerciaux avec le monde qui ne semblent plus favoriser les pays de l’UE. Par exemple, si l’Arabie Saoudite a conclu sur 2017 plusieurs centaines de milliards de Dollars en contrats commerciaux avec des pays comme la Chine, le Japon et les Etats Unis, l’Allemagne est retournée, c’est une première, les poches vides après le déplacement d’Angela Merkel au printemps passé dans le pays wahhabite. Les échanges commerciaux avec la Russie et la Turquie ont également subi une détérioration nette et la situation de l’Ukraine est loin d’en faire un client solvable pour le moment.
Mais si l’influence diplomatique, politique et, davantage encore, commerciale de l’UE a subi une régression historique sur son flanc est, l’Europe semble, vers le sud, attachée plus solidement que jamais à l’Afrique. L’UE y gère à distance l’essentiel de l’activité économique, financière et commerciale et l’Euro y est Roi directement, ou indirectement quand, par exemple, la valeur du Franc des Colonies Françaises d’Afrique (CFA) est garantie par la monnaie européenne. Les grands prestataires de service européens, SGS, Bureau Veritas, TÜV Rheinland et Intertetek, les plus connus, quadrillent le Continent et maintiennent une main mise ferme sur les transactions commerciales de nos pays représentées essentiellement par la vente de matières premières d’origine agricole et l’importation de consommables. Sous ce rapport, les exigences, liées au Processus d’Accompagnement et de Certification, étudiées dans le détail et peaufinées, permettent à ces mastodontes ubiquitaires, en plus d’être grassement payés, d’avoir accès à toutes les informations souhaitées dont ils se servent pour consolider leurs positions actuelles et pérenniser leurs privilèges, qu’ils ont arrachés aux différents pays, sur le marché continental africain. Leur ancrage colonial historique, qui leur permet une connaissance inégalée du terrain et des pratiques africaines, ajouté à une multitude de normes, de sécurité sanitaire et autres, taillées opportunément sur mesure pour favoriser la position des entreprises européennes face à la concurrence, font de l’UE, pour l’instant, un acteur « virtuel » indéboulonnable pour quelque pays que ce soit qui souhaite investir en Afrique.
Toutefois, si le « Brexit » a pu se faire il n’y a pas de raison de considérer que le mariage « d’Euro-intérêt » que l’Europe a forcé sur le Continent Africain soit indissoluble. Des relations commerciales et diplomatiques existaient entre les pays africains et avec la zone du Moyen-Orient bien avant l’ère coloniale. Ceci a également été le cas du Maroc avec les pays du sud du Sahara. Le tout est de savoir remettre ces relations à l’ordre et aux nécessités du jour en permettant une perspective meilleure pour le développement des compétences africaines pour leur permettre de jouer le rôle qui leur revient sur l’échiquier international.
Il s’agit néanmoins d’une lourde tâche, à conduire de commun accord, qui doit être prise très au sérieux. Les pays, nos voisins du sud, sont nantis d’innombrables richesses naturelles, en particulier sur le plan des ressources agricoles. Si le Maroc veut prendre une part plus active dans le décollage (agro) industriel africain, priorité des priorités pour nous tous, il lui faudra améliorer l’offre de son assistance et redoubler d’effort. Par exemple, l’Afrique dépense annuellement en devises plus de vingt pour cent de ses rentrées pour se plier aux exigences des expertises européennes, incontournables, dont celles sur le plan agro-industriel se taillent la part du lion. Cet argent est canalisé en bonne partie à travers les organismes cités, qui datent de l’époque coloniale, et d’autres qui se sont rajoutés récemment, qui bénéficient tous d’appuis, plus ou moins discrets, mais très larges et sur tous les plans de la part de leurs pays d’origines respectifs.
Mais comme dit le proverbe, Charité bien ordonnée commence par soi-même. Effectivement, si le Maroc veut que son offre d’aide et d’assistance de mise à niveau du marché africain soient prises au sérieux par les pays africains frères, il doit en appliquer les principes déjà chez lui pour commencer. Par exemple, il est anormal qu’un prestataire européen, avec pignon sur rue, qui a fait une percée fulgurante sur une certification de niche, propose, moyennant paiement, des documents de certification de quelques jours. Ce type de « certification d’épicerie » (nos archives) est simplement scandaleux. D’autres pratiques de tours de passe-passe, conçus par ces gens pour émettre des documents de sécurité sanitaire qui contournent la loi 28-07 (nos archives), sont tout aussi répulsives mais existent pourtant. La conclusion immédiate à tirer de ces agissements, qui frôlent les comportements frauduleux, est le mépris affiché de ces prestataires pour nos lois et règlements nationaux. La question qui vient naturellement à l’esprit est : Pourquoi nos autorités de tutelle ne réagissent-elles pas ? Les responsables concernés donnent l’impression d’avoir été anesthésiés par ces prestataires européens. Au fait, la crédibilité de nos organismes de tutelle, qu’ils feraient mieux de penser à améliorer, doit probablement leur avoir été fournie par des auditeurs du même genre que les prestataires évoqués plus haut. Peut-être que ceci explique cela.