Il y a de cela plusieurs années, j’avais été appelé pour un travail au profit d’une société italienne des Abruzzes qui fait dans les conserves végétales. Durant mon séjour de quelques jours, j’ai appris que des entreprises locales s’approvisionnaient parfois en olives au Maroc, façonnaient le produit par des procédés simples et exportaient la marchandise obtenue sur le marché américain à un prix largement inférieur à une denrée comparable exportée depuis notre pays! Le « process » simple évoqué a trait à la préparation de ce que les anglo-saxons appellent « Pickles ». Le procédé consiste à acidifier des conserves végétales, c’est-à-dire rendre leur saveur légèrement vinaigrée, pour leur donner un goût plus agréable au consommateur par une technologie qui permet dans le même temps d’abaisser le coût de la production industrielle tout en en stoppant la multiplication des germes. Le présent article jette quelque lumière sur les caractéristiques et l’intérêt des conserves produites par ce type de technologies simples et efficaces.
Importance des conserves
Dans la vie actuelle, où chacun est tenu de toujours faire plus et plus vite, les aliments en conserves sont souvent incontournables. Ils peuvent être à des prix abordables et, surtout, permettent d’économiser le temps de préparation, particulièrement dans le cas des légumes. Ils doivent par contre être débarrassés des germes et cela constitue l’essentiel du travail de préparation des conserves. Traditionnellement, on les stérilise, c’est-à-dire on les met dans un autoclave et on applique dessus des barèmes étudiés de stérilisation pour détruire les microbes que tous les aliments frais contiennent en plus ou moins grande quantité. Le problème avec les autoclaves est qu’ils coûtent chers à l’achat, sont gourmands en électricité et occasionnent des frais d’entretien et de maintenance qui profitent essentiellement à l’équipementier et font revenir les produits soumis à l’autoclavage relativement chers. Dans un monde de plus en plus concurrentiel, la production d’un aliment salubre est un préalable nécessaire alors que la réussite de sa commercialisation reste tributaire de son prix de vente qui doit être compétitif. Dans ce but, la production des conserves évolue de plus en plus vers des technologies économes en énergie qui permettent de mieux garder aux aliments leurs qualités nutritives et de rendre meilleur marché leur production de masse. Les produits acidifiés, qui sont un bon exemple de ces technologies, peuvent rester stables et être consommés sans risque pendant plusieurs années.
Stérilisation VS Acidification
Pour détruire tous les microbes que contiendrait un produit qui font peser un risque sur la santé du consommateur, c’est-à-dire les microorganismes qui poussent et ceux qui sont inertes (spores), il faut mettre le produit en question dans un autoclave et appliquer dessus un barème de stérilisation approprié (température au dessus de 100°C sous haute pression) pendant un intervalle de temps déterminé. Le système est coûteux en énergie et le prix de revient de la conserve s’en ressent bien évidemment. Si à présent, au même aliment frais, travaillé de manière propre et hygiénique, on ajoute cette fois la quantité nécessaire d’un produit acide (comme un jus de citron par exemple) pour lui donner un goût vinaigré, les quelques rares microorganismes qui seraient éventuellement encore là ne pourront plus se reproduire et deviendront donc inoffensifs pour le consommateur. Si en plus on chauffe ce produit dans un bain marie, à pression ambiante et température inférieure à 100 °C et donc faible consommation d’énergie, il peut, s’il est fermé proprement dans un bocal, rester, et être consommé, pendant plusieurs années à venir sans problème. L’important dans tout cela est que le prix de revient d’un produit réalisé avec cette « technologie de l’acidification » peut être moins cher de 50 à 80% du prix de revient d’un produit stérilisé à l’autoclave tout en étant généralement supérieur sur le plan de la saveur. Voilà comment des exploitants du secteur agroalimentaire italien, ou autre en Europe, arrivent, à partir des mêmes aliments frais de base qui poussent sur notre sol, avec une main d’œuvre plus chère, à faire des conserves d’un coût inférieur au nôtre et à en vendre beaucoup plus que nous dans les marchés européen et américain.
Loi et technologies
La loi 28-07, et celles équivalentes d’autres pays, exige de l’exploitant de produire des aliments sains mais ne lui impose pas un procédé à suivre plus qu’un autre. En fait, les technologies sont fixées par la science et il y’en a de très variées. L’industriel sait qu’il doit produire un aliment salubre pour être conforme à la loi et sait aussi que son produit doit être vendu dans une fourchette de prix acceptable pour le consommateur. Pour composer avec ces contraintes, il lui reste à faire le choix judicieux de la technologie la plus appropriée pour le servir. Les gens de la rive nord de la méditerranée ont appris mieux que nous à se débrouiller sur ce terrain là. Si en plus leurs équipementiers ont la possibilité de nous fourguer ça et là des équipements chers (autoclaves par exemple) à tous points de vue pour nous distancer encore davantage sur le plan de la compétitivité, pourquoi hésiteraient-ils à le faire ?
Exemples de technologies simples et reconnues
Prenons par exemple le cas d’olives noires arrivées à maturation. Elles sont pour ainsi dire consommables en l’état. Mais non conservées correctement, elles développeront des moisissures et leur consommation peut donner des diarrhées loin d’être agréables. Une astuce utilisée de l’autre côté de la méditerranée consiste à les passer au four (60 °C) pendant quelques heures pour en enlever toute l’humidité. La chaleur d’un côté et l’absence d’eau (nécessaire à la pousse des microbes) de l’autre viennent à bout des germes présent dans les olives fraiches. A présent, si vous enduisez ces olives d’une fine couche d’huile d’olive et vous mettez dans des sachets sous vide, vous avez un produit qui peut être commercialisé sur une durée d’une année voir plus dont le prix de revient est juste légèrement supérieur au prix d’achat de la matière première et qui est succulent à consommer. Dans le même ordre d’idées, certaines de nos régions regorgent de champignons (le bolet par exemple) vendus (séchés) parfois plusieurs centaines d’euros le kilo sur les marchés extérieurs. Contrairement à ce que l’on peut imaginer, sécher n’est pas laisser simplement au soleil, sinon l’aliment se vide d’une bonne partie de ses valeurs nutritives et perd tout intérêt commercial. Un local simplement aménagé, à l’abri du soleil, légèrement venté mais sans excès d’humidité, pouvant servir toute l’année, fera l’affaire comme investissement en plus des ramasseurs de champignons. Est-ce que pour cela, nous avons besoin d’importer le savoir faire de la flopée d’étrangers qui s’activent chez nous dans le domaine et qui font beaucoup d’argent sur le dos de notre fainéantise ! Il y a bien évidemment de nombreux autres exemples à citer de comment valoriser les légumes et fruits par des techniques courantes accessibles également par un clic sur internet. Tout ceci pour dire qu’en utilisant la technologie appropriée pour nos produits frais, que nous bradons actuellement au profit des consommateurs européens et autres pour des clopinettes, nous serions en mesure d’en tirer un bien meilleur profit en en faisant des conserves acidifiées et autres qui peuvent être commercialisées selon les règles de l’art partout dans le monde.
En guise de conclusion, l’ONSSA, qui encourage les traiteurs dans plusieurs villes au Maroc à se mettre en associations, serait bien inspiré d’élargir cette expérience au profit des industriels de l’agroalimentaire. Mieux encore, dire à ces exploitants que pour être compétitifs et vendre davantage de produits transformés industriellement sur le marché globalisé, ils devraient s’orienter vers des technologies simples et innovantes comme évoqué plus haut et arrêter de tout vouloir faire par le biais d’un autoclave car il y a peu de chance qu’ils deviennent compétitifs dans le secteur des conserves végétales par cette approche de travail avant très longtemps.