Les organisations internationales telles l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé), la FAO (Food and Agriculture Organisation), le Codex Alimentarius et d’autres préconisent aux professionnels de se conformer à la réglementation locale de leur pays avant toute chose. Dans le cas du Maroc, s’agissant de la sécurité sanitaire des produits alimentaires, cela revient à dire que les exploitants de la chaine alimentaire ont l’obligation de mener leurs opérations en conformité à la loi 28-07 de sécurité sanitaire des aliments en priorité. L’Office National de Sécurité Sanitaire des Produits Alimentaires (ONSSA), organisme de tutelle de la chaine alimentaire, est chargé de veiller sur l’application de cette loi et les textes pris pour son application. Cependant, la réalité sur le terrain montre que nous sommes encore très loin de la mise à niveau souhaitée. Il faut rappeler que l’ONSSA, comme d’autres organismes étatiques, a en son sein des gens compétents qui ont à cœur de faire leurs devoirs et d’autres peut être moins enclins à ce service. Mais est ce là l’unique raison du manque d’engouement des professionnels à procéder à leur mise à niveau ? Il est très probable que les sources de résistance soient multiples et imbriquées. Elles ont comme point commun la remise en cause progressive de certains privilèges, voir certaines situations de rentes, qui viennent de loin parfois de l’ère du protectorat (pour ne pas dire la période coloniale). Dans cette note, nous allons examiner un des facteurs de résistance, à savoir le « brouillage », selon notre opinion, activé par certains prestataires de services d’obédience étrangère qui vouent leurs énergies à rendre « inaudible » tout effort de la part de l’autorité de tutelle sur le secteur pour une mise à niveau pilotée par des marocains.
Les normes ISO à toutes les sauces
Personne ne conteste l’intérêt des normes ISO, obtenues par consensus, pour harmoniser les points de vue d’académiciens de différents pays à propos d’un élément technico-scientifique ou un autre. Sur le même registre, le concept d’accréditation est à présent galvaudé à tort et à travers et perd de plus en plus de la hauteur de vue qui lui donne sa consistance. Mais dans un cas comme dans l’autre, ces éléments ne sauraient se substituer à la loi. D’aucuns prétendent que parce qu’un exploitant a mis en place tel ou tel référentiel privé, il doit être exonéré de l’application de la réglementation nationale parce que, avancent ils, l’ISO 22000 est bien plus cossu que ne l’est la loi 28-07. Ils se gardent bien de mentionner que les organismes qui délivrent les documents visés sont à l’origine des sociétés commerciales mues d’abord par le profit. De plus, ces gens s’ingénient à signer leurs papiers depuis leurs lieux de domiciliation à l’étranger. Cette approche heurte frontalement la règle qui veut qu’un organisme privé qui pose et/ou signe un document de prestation de service peut être amené à rendre des comptes, le cas échéant, devant une instance de justice, s’il apparait qu’il a failli à son propre devoir en remettant, par exemple, un certificat de complaisance. Or comment faire quand le signataire d’un document incriminé exerce son forfait depuis un pays étranger, disons un pays européen. Ces gens visent à être payés en devises, veulent la reconnaissance de leur signature au sein d’un pays souverain qui leur est étranger et, cerise sur le gâteau, ne veulent être comptable devant qui que ce soit. C’est ce qu’on appelle vouloir le beurre et l’argent du beurre. Il s’agit en réalité de sorte de Diktat éculé qu’aucun pays qui se respecte ne saurait tolérer sur son territoire.
L’expertise ne serait pas digne des marocains
Dans leur grande majorité, les exploitants marocains répètent, sans que l’on sache avec exactitude la source de ce « brouillage », que leurs produits seraient refusés à l’export s’ils se référaient uniquement à la loi 28-07 de sécurité sanitaire des produits alimentaires et les textes pris pour son application. En clair, cela signifie qu’ils sont pour ainsi dire forcés d’indiquer la conformité de leurs produits aux normes, françaises en particulier, pour pouvoir les exporter en France et, ensuite seulement, vers les autres marchés européens. Même si la loi 28-07 dans son ensemble (dite de l’Autocontrôle) n’a rien à envier aux réglementations d’autres pays, y compris européens, il est difficile d’exclure l’existence de ce type de pressions occultes. L’ONSSA a par conséquent le devoir d’inciter les exploitants à raisonner autrement et prendre conscience que si notre balance de paiement est chroniquement déficitaire c’est en partie à cause justement du positionnement de notre export qui ne voit le marché européen qu’à travers la porte d’entrée française. Dans ces conditions, s’accrocher encore et encore à cette doctrine ne ferait qu’aggraver le problème et non le résoudre.
Comment sortir de cette souricière
Les prestations de service dont il est question relèvent essentiellement du travail d’analyses et de conseils qui sont l’apanage de laboratoires de contrôles des produits alimentaires. Il n’est toutefois pas question de réinventer la roue. Un lauréat qui a réussi haut la main ses études et son travail universitaire en décrochant, par exemple, un PhD ou un diplôme équivalent, devrait pouvoir exercer sans autres difficultés son métier dans la discipline de son Diplôme. Ceci s’applique également à l’ouverture de laboratoires d’analyses des aliments. L’ONSSA reste l’organisme qui a la charge de suivre le travail de ces laboratoires et le faire stopper, le cas échéant, dans le cas de quelqu’un qui se montrerait défaillant. S’agissant de la surveillance de ce type de prestations, l’ONSSA peut adresser aux laboratoires des échantillons appropriés à analyser selon un protocole formalisé. Si les résultats d’analyses d’un laboratoire donné s’écartent significativement de la moyenne attendue, ce dernier peut être averti ou, s’il échoue de manière répétée, l’autorisation d’exercer lui être retirée jusqu’à règlement de ses défaillances. Pour ceux des prestataires portés à remettre des certificats de complaisance, des peines financières lourdes devraient être prévues à leur encontre. Ce travail mené dans la transparence sera sans nul doute apprécié par nos partenaires commerciaux à l’international et rejaillira favorablement sur l’image de l’ONSSA.
Que l’ONSSA, en guise de conclusion, ait été désigné en tant qu’Autorité de tutelle sur la chaine alimentaire est tout à fait dans l’ordre des choses. Ceci est différent de la crédibilité, qui ne se décrète pas, mais vient plutôt récompenser un travail sérieux et continu sur le terrain et induit alors, comme gratification, le respect des autres organismes séniors étrangers équivalents.