La FDA au secours des PME agroalimentaires africaines

Récemment, l’agence fédérale américaine pour les aliments et les médicaments (FDA) a mis en place sur son portail dédié, sous le chapitre : « Water Activity/Formulation Control Method », une procédure  pour faciliter, en même temps qu’accélérer, les enregistrements pour l’export de produits alimentaires, africains notamment, sur le marché américain dont ils étaient pratiquement exclus auparavant.

Pour mieux apprécier l’importance colossale de cette ouverture magistrale du marché US en notre direction, nous allons revenir un peu en arrière pour rappeler comment les opérations d’export se font vers le marché de l’UE, avec la France comme porte d’entrée privilégiée, pour ce qui nous concerne au Maroc et dans l’Afrique francophone, et comparer cette façon de faire, européenne à présent, avec ce qui constitue la norme dorénavant pour l’accès de nos opérateurs au marché US. Le raisonnement sera simplifié pour en étendre la compréhension également au lecteur non initié.

Au lendemain de la deuxième guerre mondiale, la France métropolitaine n’avait plus les moyens financiers et non plus, suite à son occupation humiliante par l’Allemagne, l’Aura pour faire durer la colonisation sur une bonne partie de notre continent. Elle a donc joué la montre et mis les bouchées doubles pour substituer à la colonisation armée une relation d’asservissement économique sur ses « ex-colonies » qui lui revient moins cher et qui est moins flagrante. Etant reconnue comme puissance agricole, la France cherche naturellement à perpétuer son monopole sur ce type de richesses du Continent africain, la zone francophone en premier lieu. Au premier rang de ces pays il y a bien évidemment le Maroc duquel nous allons tirer quelques enseignements pour illustrer le machiavélisme de la doctrine d’« aide et assistance » que la métropole fait valoir auprès de nos dirigeants africains.

Sous couvert de mise en place d’instruments pour booster l’export du Maroc, la France a créé l’organisme qui a pris le nom actuel d’Etablissement Autonome de Coordination et de Contrôle des Exportations (EACCE). Autrement dit, on reconnait aux marocains la liberté de fabriquer et commercer à souhait sur leur marché intérieur, mais la tâche revient à l’EACCE de veiller que ce qui s’exporte vers la France, et peut être redistribué ultérieurement dans le reste de l’Europe et au-delà, doit être contrôlé et validé par cette interface étatique, selon les normes françaises cela va de soi. Compte tenu des rouages que l’Administration coloniale a mis en place pour l’Administration marocaine (subordonnée), cela lui donne de très nombreux leviers pour intervenir pour « défendre » les intérêts « soi-disant mêlés » du couple « franco-marocain » en commençant par draper l’EACCE de la crédibilité qui lui est prêtée pour ses prestations en faveur de la Métropole. En même temps, le travail de cette instance est surveillé de près pour qu’elle ne dévie pas de la voie qui lui a préalablement été tracée, c’est-à-dire encourager les opérateurs « méritants » (fidèles aux normes françaises)  et veiller à décourager discrètement tous ceux qui ont des velléités d’exporter ailleurs qu’en Europe (mes archives). Il s’en suit que notre export de produits agricoles, et produits agroalimentaires, part majoritairement en France dont partie de la marchandise est réexportée ensuite sur d’autres lieux dont le marché américain. Et la part importante de la plus-value va aux intermédiaires français bien évidemment. Sous ce rapport, après le changement dans la réglementation américaine, opérée suite à l’attaque du World Trade Center en Septembre 2001, permettant à la FDA d’afficher le nom du fabricant au lieu (comme le cas était avant) le nom du fournisseur de seconde main, plusieurs intermédiaires français ont vu leur fructueux business, relevant de l’économie de la rente, mis à nu sans qu’ils l’aient voulu (mes archives).

Nous sommes, dans notre région de la méditerranée, victimes d’un paradoxe.  D’un côté, la zone est connue pour un régime alimentaire hautement apprécié dans le monde entier et les spécialistes s’en servent pour mettre en valeur des éléments élogieux qui caractérisent notre région sous forme d’une longévité moyenne correcte, faible obésité, nombre de maladies cardiovasculaires réduit etc. Mais sur le plan commercial, nous avons, de ce côté-ci de la Méditerranée, énormément de peine à valoriser cette richesse sur le marché globalisé. La raison, selon mon appréciation, est que les intermédiaires sus évoqués, et leurs mentors, ont dressé un tableau noir sur la « faiblesse » de notre contrôle qualité. Ils ont ensuite profité de cette mauvaise propagande, dont ils sont à l’origine, pour s’imposer comme plaque tournante du commerce des Matières Premières africaines à nos dépens. Nous avons été réduits, sur des siècles à présent, et ça continue, à leur vendre nos produits en vrac pour des cacahuètes. Dans ces conditions, en acceptant d’élargir l’accès du marché US aux produits façonnés pour nos marchés locaux, la FDA fait un grand geste de générosité à notre égard et en même temps de confiance dans nos propres compétences. En effet, une fois qu’un opérateur africain enregistre son produit sur l’interface dédiée de la FDA, le programme lui notifie immédiatement l’agrément sur son « Process »  composé, selon le jargon FDA, du « FCE » (Food Canning Establishment) relatif à la localisation de l’entreprise et le « SID » (Submission Identifier) spécifique à chaque produit. Ce code FCE/SID représente la clé qui permet à une entreprise, locale ou étrangère, d’offrir son produit selon les règles sur le marché américain et dont les donneurs d’ordre ont besoin pour passer commande. Subsidiairement, ces éléments peuvent être remis à l’EACCE pour, entre autres, diligenter le travail de ces fonctionnaires et économiser du temps et de l’argent (mes archives).

Ainsi, en acceptant que les exploitants africains, qui travaillent normalement sur le secteur agroalimentaire national pour ce qui concerne le Maroc, enregistrent eux-mêmes directement sur l’interface FDA leurs produits, sans agent ni intermédiaire, la FDA met du baume au cœur de nos opérateurs en leur faisant confiance et en même temps leur faire comprendre que dorénavant ils peuvent commercer directement avec les acheteurs américains pour un meilleur prix de vente que ce qui leur est offert jusqu’ici par les spéculateurs sus évoqués.

En y regardant de plus près, cette souplesse administrative à notre égard de la part de la FDA est de nature à tonifier l’accord de libre-échange conclu en 2006 entre le Maroc et les USA et resté jusqu’à présent sans effet sur nos échanges bilatéraux dans domaine agro-industriel. Mais les américains, en nous tendant une perche pour promouvoir notre export sur le marché US, doivent logiquement s’attendre à un traitement réciproque, c’est-à-dire vendre un peu plus leurs produits chez nous. Et c’est là où le bât blesse car le marché marocain, comme celui de toute l’Afrique de l’Ouest, est saturé par des produits européens majoritairement français. Ceci est dû en bonne partie à nos habitudes très laxistes au sujet de la réglementation française et/ou européenne. A ce sujet, il est utile de rappeler que les frictions récentes entre les USA et l’UE sur les taxes douanières ont eu le mérite de révéler des dissensions jusque-là bien cachées au sein de l’UE. Si les allemands sont pour chercher un compromis avec les USA, les français y sont catégoriquement opposés. Ceci provient, selon les explications allemandes, de la peur viscérale française que l’entente avec les américains vienne à englober le volet des produits agricoles ce qui sonnerait le glas pour l’hégémonie agroalimentaire française en Europe et en Afrique. Une belle bataille en perspective.

En tout cas, les États-Unis et l’UE ont l’habitude de trouver des solutions aux imbroglios qui les opposent. Essayons, ici en Afrique, de profiter de l’offre américaine prometteuse et sincère que la FDA met à notre disposition au profit de nos PME et coopératives agroalimentaires.