L’ONSSA dans l’ignorance de la loi

Nous avions, il y a quelque temps, traité dans un article de l’« Amateurisme de l’ONSSA »  à l’occasion d’un dossier dont nous nous étions  occupé il y a un peu plus de trois ans.

Il y a quelques semaines, un importateur a présenté ses doléances à l’ONSSA (Office National de Sécurité Sanitaire des produits Alimentaires) suite au blocage, et confirmation de refoulement, de sa cargaison de thé vert importé de Chine. Nous allons examiner ce dossier, reçu pour expertise par mon Cabinet, qui nous montrera qu’au lieu d’apprendre de leurs erreurs pour progresser comme n’importe qui, l’ONSSA au contraire parait amnésique et, à mesure que le temps passe,  s’enfonce davantage dans la médiocrité.

Après plusieurs démarches auprès de l’ONSSA en question, restées infructueuses, la société MARTEAPACK nous a demandé, en date du 11 Juillet passé, d’expertiser par rapport à la loi leur dossier d’importation d’un lot de thé vert, bloqué au port d’Agadir depuis le 27 Avril dernier, et de voir avec l’ONSSA s’il est possible de trouver une solution acceptable pour tout le monde.

Document 1

Nous avons alors écrit, comme suite, à l’ONSSA pour leur demander de bien vouloir nous informer des éléments réglementaires qui soutiennent le blocage en question.

Document 2

L’organisme a ensuite adressé à MARTEAPACK une note (non datée) au nom du Directeur Général ONSSA, signée  par Monsieur Zakaria Abdelkader, Directeur du Département du contrôle et de la protection à l’ONSSA.

Document 3

La note du Directeur Général, qui fait référence à une demande de MARTEAPACK du 8 juin dernier (voir plus bas sous exégèse), affirme que le blocage est dicté par la présence dans le thé de l’insecticide « Triazophos » à la concentration de 0.03mg/kg dans un échantillon de la marchandise contrôlé par le LOARC (Laboratoire Officiel d’Analyses et de Recherche Chimique) à Casablanca, mais prélevé à Agadir par tierce partie non identifiée.

Document 4


Dans le même temps, la note de Monsieur Zakaria a fermé la porte sur un éventuel deuxième contrôle (expertise contradictoire) demandé par MARTEAPACK. En parallèle, et après quinze jours d’attente sur la suite à notre note (Document 2), nous avons fait un fax de rappel

Document 5

       

en date du 26 juillet. Comme réponse, l’ONSSA envoie (le jour même) directement à MARTEAPACK un « Certificat de Contrôle » portant pour toute information un cachet de « Non Admis » de la marchandise (voir plus bas sous exégèse).

Document 6

Nous rédigeons alors à notre tour une note d’avertissement sur les pratiques peu orthodoxes de l’ONSSA que nous remettons en main propre à l’ONSSA et au Ministère de l’Agriculture en tant qu’Autorité de supervision.

Document 7

Document 8

Le lendemain (27 juillet), les services des Douanes d’Agadir appellent par téléphone le transitaire de MARTEAPACK pour l’informer que les responsables régionaux de l’ONSSA Agadir les ont « instruit » de la non-admission de la  cargaison de thé vert sur territoire marocain et que MARTEAPACK devait faire connaitre immédiatement à la Douane leur préférence pour l’incinération ou le refoulement du lot de thé vert « non-admis ».  Affolé, le patron de la société m’appelle d’urgence pour avis. A notre tour, nous donnons notre appréciation dans une note  sur ces pratiques de l’ONSSA sortis d’un autre âge que nous communiquons au Président de MARTEAPACK pour remise à ses avocats. MARTEAPACK a finalement opté pour la remise de notre note en main propre de l’ONSSA.

Document 9

Exégèse

Le bulletin d’analyses du LOARC

Un document d’analyses qui ne renseigne pas sur la méthode appliquée pour les déterminations au laboratoire, appuyées sur des référentiels scientifiques appropriés et reconnus, qui ne donne pas le degré d’incertitude des mesures, qui ne fait pas une conclusion sur le travail effectué, qui n’indique pas le nom et la qualité de la personne qui le signe, ce qui semble être le cas de ce document tronqué du LOARC (Document 4) ne peut correctement prétendre à la qualification comme Bulletin d’Analyses.

La limite maximale de résidus de Triazophos qui serait accepté dans le cas du thé, ou d’un aliment assimilé, n’y figure pas non plus.

Donc, pour nous, il s’agit d’un document qui n’est pas à la hauteur de ce que l’on désigne normalement comme Bulletin d’Analyses et, par voie de conséquence, n’est pas fiable pour attester avec confiance de la présence du Triazophos et/ou de l’estimation de la concentration attribuée à cet insecticide dans le lot de thé.

Note du Directeur Général ONSSA

La note en question (Document 3), qui doit avoir motivé le « Certificat » de non-admission de la marchandise (Document 6), mérite qu’on s’y arrête un instant pour rappeler que l’avènement de la loi 28-07 de sécurité sanitaire des produits alimentaires en 2010 devait être suivi, 18 mois après son entrée en application, de l’abrogation définitive la loi 13-83 (loi précédente), y compris son chapitre sur la répression des fraudes. Il n’empêche (voir nos archives), l’ONSSA se sert toujours, un peu à la carte, du chapitre de la répression des fraudes de la loi abrogée 13-83 chaque fois que cet organisme le souhaite. Mais, alors que le chapitre de la répression des fraudes, toujours en application, prévoit bien la possibilité d’une deuxième expertise au requérant sur sa demande, Monsieur Zakaria répond que non ! (Document 3). A préciser que les services de l’ONSSA d’Agadir ont refusé d’accuser (le 8 juin 2018) réception de la note de demande de MARTEAPACK pour une deuxième analyse, obligeant la société de simplement remplir un imprimé (voir sous objet de  Document 3) dont on a refusé de leur en remettre copie comme décharge. Pour justifier son refus d’une analyse d’expertise contradictoire, Monsieur Zakaria avance  que « la marchandise a été contrôlée selon la réglementation en vigueur » ! Nous ne savons pas si en s’exprimant de façon aussi ambiguë, Monsieur Zakaria veut dire que, parfois, leurs services effectuent le contrôle mais de façon « non-réglementaire » !

Aussi, sachant que la responsabilité sur le contrôle est une et indivisible et que, par ailleurs, le contrôle d’une cargaison d’une telle importance (environ cinquante mille kilos de thé) doit porter sur plusieurs échantillons répartis sur l’ensemble de cette marchandise (plan d’échantillonnage préétabli) avec détermination, lors des analyses, d’une moyenne et d’un écart expérimental qui ne figurent pas sur le Bulletin tronqué du LOARC, le contrôle auquel se réfère l’ONSSA est, selon notre avis, tout sauf réglementaire et, en l’absence d’autres précisions, il est donc, pour nous, nul et non avenu.

Sur un autre plan, il y a lieu de rappeler que depuis l’instauration du principe de ce que l’on appelle la « Delaney clause » dans la réglementation FDA (United States Food and Drug Administration) de 1958, qui a inspiré de nombreux pays de par le monde, il est admis que si un élément chimique est reconnu potentiellement cancérigène, il ne doit se trouver, peu importe la concentration, dans aucun aliment quel qu’il soit. Le Triazophos doit échapper à cette règle puisque sa concentration (0.03mg/kg) est seule mise en cause (Document 3) par l’ONSSA. Mais dans ce cas, nous ignorons le seuil accepté pour estimer le degré de transgression de la Limite Maximale de Résidus (LMR) et Monsieur Zakaria n’apporte aucune information là-dessus. Ceci n’a pas empêché son subordonné, Monsieur Mustapha Rami à ONSSA Agadir, de décréter le refoulement de la cargaison de thé (Document 6) sur la base de cette détermination dont on ignore son positionnement par rapport justement à la LMR du Triazophos dans le cas du thé.

Tout ceci fait de leur « Certificat » mentionné un document de pacotille à des milliers d’années lumières d’un travail responsable, fait correctement.

Au moment de l’écriture de cet article, la presse nationale se fait l’écho de la dynamisation de l’accord de libre-échange signé entre le Maroc et les Etats-Unis prévu pour entrer en vigueur en 2006 déjà. Alors que Sa Majesté le Roi Mohammed VI a donné ses instructions dans son dernier discours du Trône pour que l’Administration marocaine réponde aux professionnels dans un délai ne dépassant pas un mois, ce sont donc ces responsables ONSSA, spécialistes avérés de la Procrastination, qui seront les interlocuteurs de partenaires à la FDA. Sous ce rapport, depuis toujours, la FDA, une fois qu’elle a bloqué une marchandise à l’entrée du marché US, affiche à côté du blocage le motif inscrit dans la loi qui a motivé le blocage et invite le propriétaire de la marchandise, ou bien son mandataire, à s’expliquer auprès de la FDA.

Document 10

Avec la nouvelle réglementation FSMA (Food Safety Modernization Act), mise en œuvre dernièrement par la FDA, les américains ont été très loin dans l’assouplissement des règles administratives FDA et, en même temps, dans la responsabilisation du secteur privé pour fluidifier le flux du commerce des aliments. Ce qui donne au secteur privé un surcroit de travail. Cela bien sûr demandera aux opérateurs plus de temps qu’ils ne seront sûrement pas prêts à sacrifier dans des aller-retour pour simplement satisfaire aux extravagances de l’ONSSA comme cela a été le cas pour les responsables de MARTEAPACK, et nous aussi, avec des déplacements entre Dakhla, Agadir, Casablanca et Rabat. Déplacements qui ne profitent aucunement aux opérateurs mais leur prennent du temps, de l’argent, de l’énergie simplement comme conséquence de la Procrastination et du travail médiocre de l’ONSSA.

Sous ce rapport, le dialogue qui doit se mettre en place entre nos responsables ici et ceux de la FDA de l’autre côté de l’Atlantique sera à coup sûr intéressant à suivre.