La crise tous azimuts générée par la maladie (ou la peur de l’attraper) au Covid-19, (SARS-CoV-2 ; Severe Acute Respiratory Syndrome Coronavirus 2), s’impose dorénavant partout, dans les discussions des professionnels de santé, des politiques, des économistes et du grand public quand ce dernier peut se réunir. Il est vrai que de telles réunions deviennent de plus en plus exceptionnelles dans beaucoup de pays de la planète pour cause de confinements décidés par les pouvoirs publics ou bien comme initiatives individuelles pour se protéger contre la progression du virus.
A l’instar des autres pays africains, le Maroc est également concerné.
Ceci dit, le recours au confinement pour lutter contre une contamination virale est une attitude récurrente. Alors que je travaillais (il y a une quarantaine d’années) comme Assistant à l’Institut de Pharmacologie Expérimentale de l’Université de Lausanne, un ancien praticien expérimenté, Dr Hans Salomon (Dieu ait son âme), nous rappelait chaque année à l’approche de l’hiver que « choper un rhume peut durer quelques jours si on se calfeutre chez-soi. Mais si on le bombarde de médicaments, il peut s’installer ».
Du reste, les signes avant-coureurs (premiers symptômes) du Covid-19 recoupent largement ceux d’un rhume habituel pour ce qui est des éternuements, maux de tête, de la fièvre, une toux etc. Il est donc difficile, à partir des signes à ce stade préliminaire, de décider sur la nature virale exacte de la maladie qui couve et, partant, la sévérité éventuelle de son impact sur la santé de la personne atteinte ou bien le degré de sa transmissibilité à d’autres personnes de l’entourage. Dans ces conditions, l’encouragement des autorités pour le confinement individuel/familial dérive du fait que c’est l’acte qui présente le meilleur rapport « Bénéfice/Risque » pour la lutte contre l’épidémie (pandémie). Car si, comme c’est fréquemment le cas, l’individu infecté (positif au test), mais en bonne santé, prend le dessus sur le virus, il sort du confinement immunisé ce qui est bon pour lui et pour la communauté. Mais dans le cas où, sur un petit nombre (famille confinée), l’une des personnes (fragile) chope le Covid-19 et développe des signes plus alarmants, il y a toujours la possibilité de la transporter dans un centre de soins appropriés (hôpital, clinique etc.).
Dans ce scénario de confinement à temps, l’avantage (si l’on peut dire) est que le risque de congestion des centres de soins est éloigné comme l’ont montré les observations en Chine où ce type de confinement a été mis en place suffisamment tôt. Le Maroc a d’ailleurs opté pour cette solution de confinement précoce.
A contrario, laisser le virus circuler sans restriction parmi la population (ou bien intervenir avec retard), en comptant sur une immunisation (hypothétique) massive et rapide des individus, produit inéluctablement un nombre élevé d’individus en détresse respiratoire dans un intervalle de temps réduit avec la conséquence inévitable de provoquer un engorgement des capacités d’accueil des centres de soins à l’exemple de ce qui s’est passé en Italie.
Ceci étant, la crise du Covid-19 a chamboulé le monde bien au-delà de l’aspect purement sanitaire de la pandémie en grippant, en particulier, les activités économiques et industrielles de bon nombre de pays affectés en touchant de manière sévère le transport et le tourisme.
Par exemple, pour les considérations qui tiennent aux confinements imposés par les autorités, ou bien comme choix individuels ou collectifs qui découlent de la peur du virus, les activités de logistique des pays européens affectés ont été partout désordonnées voire plombées. Par conséquent, les approvisionnements qui en dépendent ont été négativement impactés particulièrement pour ce qui concerne la distribution des produits agroalimentaires et de soins. Et ceci a été aggravé par le comportement de spéculateurs à l’affût pour profiter de ce type de circonstances et autres « achats de peur panique ». Le remède à ce type de perturbations tient au degré de coordination et de fermeté des organismes de gestion de la crise du pays affecté. Le cas du Maroc est intéressant en ce sens que l’approvisionnement en denrées alimentaires se poursuit pendant cette crise pour ainsi dire normalement et les exemples d’« achats de peur panique » ont été très isolés.
Dans notre région, le cas est suffisamment rare pour être souligné quand l’Europe parait s’en sortir actuellement moins bien que nous autres africains. Ainsi, le marché unique européen sur lequel Monsieur Michel Barnier, chef négociateur de l’UE sur le Brexit, pontifiait dans son interview de fin Février passé au Der Spiegel en déclarant : « Le marché unique est … l’atout commun le plus important des 27 États membres de l’UE … est la principale raison pour laquelle Donald Trump nous respecte. », a largement montré ses limites ces derniers temps.
En somme, l’atout d’hier (marché unique) s’est transformé en obstacle à la gestion UE de cette crise. La règle appliquée aujourd’hui en Europe semble être celle de « chaque pays pour soi ».
Or, selon les informations accessibles, le marché commun a été conçu et mis en œuvre d’abord pour rendre les pays européens complémentaires les uns des autres pour ce qui est de la fabrication et circulation des marchandises. Mais, comme l’a montré cette crise sanitaire, chaque pays voudrait garder le matériel de soins pour lui-même et ses propres citoyens d’abord ce qui a mis à nu le slogan UE qui promeut le concept d’un citoyen européen avec les mêmes droits et devoirs dans quelque pays européen qu’il soit. Bien sûr, dans une période de contrainte exceptionnelle, comme c’est le cas de cette crise du Covid-19, les réactions des gens peuvent être en deçà des attentes. Mais, les responsables sont en principe choisis pour répondre rapidement et bien dans ces circonstances.
Sous ce rapport, c’est nous au Maroc et ailleurs en Afrique, qui donnons à présent aux européens l’exemple de réponses mesurées et d’absence de panique sur les achats de papiers hygiéniques et autres. C’est notre manière en tant qu’africains de rendre la courtoisie à nos voisins du nord de la méditerranée de nous avoir colonisés pendant des siècles pour « nous civiliser ».
Comme corollaire, en interrompant momentanément les déplacements inter-pays, cette crise nous met en Afrique à l’épreuve de trouver des solutions à la crise par nous-mêmes. Au Maroc, et je suppose ailleurs en Afrique également, nos autorités viennent de montrer clairement qu’ils n’ont plus besoin de tuteur pour gérer une crise qui les frappent, même une pandémie, et en sortir probablement plus sereins.
Cet esprit de travail solidaire et de discipline qui caractérise nos pays africains pendant cette crise du Covid-19 doit désormais être appliqué aux autres secteurs industriels et de commerce africains pour montrer que l’Afrique possède tous les atouts pour se prendre en charge complètement et choisir dorénavant uniquement les mieux-disants pour faire des affaires avec.
Cela ne devrait pas tarder.