Après avoir régné des siècles durant sur le commerce des esclaves, instauré dans la foulée la politique de la colonisation africaine que le vieux continent a subséquemment édulcorée en la drapant de la notion de coopération, l’Europe s’est blottie, après la dernière grande guerre, sous le parapluie nucléaire américain pendant la durée de la guerre froide. Ensuite, manquant de Matières Premières lui permettant de concurrencer valablement les grands pays comme la Chine, Etats Unis, Russie et autres, l’Europe a trouvé une solution idoine en la création du marché commun de l’Union qu’elle a pris soin de bien verrouiller, particulièrement en ce qui concerne les matières premières agricoles et produits agroalimentaires africains. Le but, devenu évident ces derniers temps, a été d’assujettir en premier lieu le secteur africain concerné au diktat de l’UE. Ce stratagème a bien joué pour le colonisateur européen jusqu’à la fin de la guerre froide. Mais il a cessé de bien fonctionner aujourd’hui en révélant des faiblesses innombrables.
Comme conséquence, l’UE n’arrête plus de gémir sur son sort. Elle en veut à toute la planète mais avant tout au Président Trump qui leur a retiré l’appui américain que l’UE prenait pour acquis indéfiniment. Les responsables au sommet de la structure UE, qui prend de plus en plus les manières de faire de l’ex-Union Soviétique, disent ne pas comprendre pourquoi l’Amérique de Trump s’acharne contre eux. Le Président Trump est décrié pour s’être retiré de l’Accord de Paris sur le climat, pour le retrait américain de l’accord sur le nucléaire iranien, d’avoir abandonné l’accord nucléaire avec la Russie et d’avoir mis en place des taxes douanières injustifiées sur l’acier européen, pour ne citer que quelques récriminations parmi les plus couramment citées. Le Groupement UE avance, pour ce qui le concerne, qu’il ne fait de mal à personne, que le Groupement est là pour servir le multilatéralisme, faire disséminer les principes démocratiques et aider à la paix et la sécurité dans le monde. Cet argumentaire, de nature à faire apparaître le Président américain comme un gamin trublion dans une cour de récréation, peut plaire à Bruxelles bien sûr. Seulement c’est trop beau et trop simpliste pour résister à un raisonnement rationnel.
S’agissant de commerce, l’administration américaine actuelle est également engagée dans un bras de fer avec la Chine. Mais, alors que les réunions se succèdent avec l’Empire du milieu et que la résolution des problèmes progresse de l’avis de chacun des deux partenaires, ce n’est absolument pas le cas avec l’UE où les discussions semblent être sérieusement grippées. Alors que les pays d’obédience germanique paraissent flexibles pour trouver une solution globale avec l’administration Trump sur les barrières tarifaires et non tarifaires (normes), la France, seule, ne veut pas entendre parler d’une discussion pour un compromis sur l’agriculture et l’agroalimentaire. S’il n’y a pas, au sein de l’UE, de contradicteur officiel de cette position française intransigeante, et par moment absurde sur le plan du simple bon sens, d’autres pays de l’Union n’ont pas manqué de la critiquer à mots couverts à de nombreuses occasions. La France semble confortée dans son dogmatisme par le sacro-saint principe que la politique commerciale est décidée par la Commission de l’UE, après consensus. Mais derrière cette échappatoire, la France considère surtout que les normes agricoles et agroalimentaires, largement de son inspiration, qu’elle inflige au nom de l’UE aux opérateurs africains, servent également les intérêts des autres pays de l’Union. Et, on peut compter sur le génie de la Métropole pour leur rappeler ce fait lors de réunions opportunes.
Ceci étant, la presse européenne se fait écho dernièrement de la tournure dramatique que les relations commerciales US/UE pourraient prendre dans les jours à venir si le Président Trump décide de taxer à hauteur de 25% les importations des véhicules automobiles européens, c’est à dire essentiellement allemands. Les constructeurs allemands sont vent debout contre l’éventualité d’une taxation supplémentaire de leurs véhicules qui ferait sûrement entrer l’Allemagne en récession si le Président Trump décidait de l’application de cette mesure dans les semaines à venir. Ils font donc pression sur leur gouvernement pour pousser la France à infléchir sa position rigide (anti-scientifique) sur les normes agroalimentaires. Jean-Claude Juncker, le Président de la Commission UE, a bien déclaré que si tel était le cas (taxation US des véhicules UE), les européens n’importeraient pas de gaz liquéfié américain ni de Soja. Concernant le gaz liquéfié, toute une infrastructure portuaire doit être mise en place au préalable en Europe – ce qui prendra des années – avant une importation quelconque de gaz liquéfié américain. S’agissant du Soja, destiné essentiellement pour le bétail, c’est principalement une question de prix qui en constituera le facteur limitant et cette problématique relève du secteur privé plutôt que la Commission. En somme, ces arguments ne devraient pas peser lourd dans la décision attendue de l’administration américaine sur les taxes à venir sur les voitures allemandes. Il revient donc aux allemands, première puissance économique de l’UE, de décider si l’alignement de leur position sur les intérêts de la « Françeafrique » est plus utile pour leur Business que de conserver la position de leader des ventes automobiles haut de gamme sur le marché US. Quant à la France, qui doit sentir le sol se dérober sous ses pieds à la perspective d’un défaut de l’appui allemand à ses causes, elle a choisi apparemment la carte du marchandage. Elle annonce vouloir, seule, initier une taxation lourde des GAFA et al. (Google, Apple, Facebook, Amazon) avec, supposément, l’espoir de faire revenir Trump à de meilleurs sentiments concernant les barrières non tarifaires de l’UE. Mais, ceci est peu probable au moment où l’administration américaine a commencé à appliquer des taxes anti-dumping (le litige est porté devant l’OMC) sur des produits du secteur agroalimentaire européen en réponse aux aides plus que généreuses de la PAC (Politique Agricole Commune) et aussi contre l’herméticité du marché UE des produits agricoles. A noter que la PAC porte une grande responsabilité sur la stagnation de l’investissement dans le secteur agro-industriel africain qui corrèle parfaitement avec les nombreux problèmes de malnutrition et le fléau de l’émigration des jeunes africains fuyant la misère sur notre continent. De plus, le pays de Voltaire doit se sentir bien seul maintenant que même des pays de l’UE, Italie entre autres, critiquent sévèrement sa politique sur notre Continent comme source principale des migrations massives de jeunes africains affamés.
Comme nous le savons tous, la France n’a pas été le seul Empire à coloniser l’Afrique. Il y a eu également les Britanniques. Mais, les sujets de Sa Majesté ont été obligés de quémander l’aide du FMI dans les années soixante-dix à l’instar des pays déshérités ce qui a servi aux anglais de bonne leçon. Ils ont accepté leur sort, fait un lobbying efficace auprès des américains pour la consolidation de la City comme grande place financière après New York et ont su garder la tête froide en conservant leur monnaie, la livre sterling, qui n’a aucune prétention de concurrencer le Dollar. L’UE, poussée par une ambition française démesurée, profitant d’un moment de faiblesse avant la réunification germanique, aura poussé le bouchon trop loin en voulant conserver un accès illimité et exclusif de l’UE aux richesses africaines, en prétendant continuer de bénéficier gracieusement de la protection américaine et, cerise sur le gâteau, en ambitionnant de remplacer le Dollar par l’Euro. Le beurre et l’argent du beurre en somme. Alors, venir jouer à présent sur la fibre de la victimisation est malvenu de la part des responsables de l’UE, le moins que l’on puisse dire. Cela revient même à insulter l’intelligence des gens et à prendre les africains pour plus naïfs qu’ils ne l’ont été.
Sous ce rapport, un responsable de l’USAID qui a passé de nombreuses années parmi nous me disait, il y a une vingtaine d’années, que le Maroc, qui exportait déjà plus des trois quarts de ses produits agroalimentaires en France, ne saura être compétitif qu’une fois qu’il se sera confronté à un vrai marché. Cette remarque peut bien s’appliquer à la plupart des pays africains. Dans ces conditions, l’élimination prévisible des normes qui nous sont imposées par l’UE n’est que le début d’un travail qui promet d’être très laborieux pour nous. Mais aussi combien est-ce qu’il sera gratifiant sur le plan de la confiance en soi et sur le plan pécuniaire.