Lors d’une interview récente sur « TV5MONDE », le Président guinéen, Alpha Condé, qu’un journaliste questionnait au sujet de la démocratie en Afrique, a répondu sèchement « Pourquoi les Européens ne font pas de leçons sur la démocratie aux pays asiatiques ». De son côté, le Président congolais, Joseph Kabila a eu une réponse cinglante au journaliste du Spiegel ONLINE (http://www.spiegel.de/international/world/spiegel-interview-with-congo-president-joseph-kabila-a-1150521.html) qui voulait l’informer que l’Allemagne a l’idée de promouvoir un Plan Marshall pour le continent : «… je ne crois pas en cela. Les africains ont été assommés par ce type de langage depuis cinquante ans... ». Les exemples sont nombreux de ce type de réaction d’agacement et de ras le bol de responsables africains envers une attitude perpétuellement hautaine de responsables européens donneurs de leçons.
Monsieur Kabila a raison, sur ce point, de souligner que les européens cherchent simplement un moyen d’endiguer le flux de réfugiés africains poussés vers l’Europe en grand nombre par la pauvreté et la faim qui rappellent les séquelles de la colonisation européenne sur l’Afrique. Cette pauvreté peut parraitre atypique en ce sens que les pays de notre continent, indépendants depuis plus d’un demi-siècle, sont potentiellement riches de leurs ressources. Mais les pays africains sont les seuls, dans leur globalité, à dépendre excessivement de ce que génère l’export de leurs matières premières qui sont valorisées principalement en Europe. Et, au lieu de se résorber dans le temps, cette anomalie ne cesse de se renforcer. La situation, qui dure depuis des siècles, n’est évidemment pas le fruit du hasard et résulte d’une planification habilement menée et entretenue par les puissances européennes. Les exemples sont nombreux qui montrent que la cuirasse, dont l’UE s’est dotée durant les vingt dernières années, composée de normes et standards devenus pour ainsi dire indépendants du Codex, adossés à des technologies bien étudiées, permet à l’UE de filtrer à l’aise les produits qu’elle veut bien laisser passer et refouler ceux qu’elle ne désire pas sur des « bases réglementaires » inattaquables. Cette approche, hautement élaborée, permet dans le même temps aux caciques de Bruxelles, suivant leur appréciation de l’adhésion ou non d’un gouvernement à « leurs messages sibyllins », de gratifier tel pays exportateur, ou de pénaliser tel autre, parfaitement à leur guise.
Mais on peut se demander les raisons de cette dépendance quasi viscérale des européens sur nos ressources agricoles. L’explication est à chercher peut-être dans la tournure de plus en plus concurrentielle que prend le commerce international particulièrement dans le secteur agroindustriel, en plus du manque de volonté de nos dirigeants de prendre leur destin entre leurs mains. Pour rappel, la Suisse, pays riche, a expérimenté pendant la deuxième guerre mondiale les affres du rationnement alimentaire et compris, comme d’autres pays européens qui dépendent de l’import pour couvrir leurs besoins alimentaires, que cela peut être un énorme frein au développement. Bien évidemment, lorsque l’on a sur son territoire les ressources qu’il faut, on peut planifier en confiance pour la production d’aliments transformés pour l’utilisation locale et pour l’export. C’est ce que les américains et les asiatiques font et que l’UE veut concurrencer en tablant sur une importation massive, continue et bon marché des ressources africaines.
Il ne faut pas se leurrer, nos voisins du Nord ne lâcheront pas prise sur ces ressources vitales pour le maintien de leur standard de vie ni devant les américains ou chinois ou qui que ce soit d’autre étranger au continent. Le salut viendra, selon l’adage « on n’est jamais si bien servi que par soi-même ». Nous devons faire émerger une expertise propre africaine de ce secteur pour aider à son industrialisation et, par la même occasion, pousser à la valorisation de nos ressources agricoles sur place.