L’acacia est endémique des régions sahariennes comme le sud du Maroc. Cet arbre est connu pour donner la gomme arabique dont la demande à l’échelle internationale est largement au-dessus de l’offre. Ceci vient du fait que l’industrie alimentaire est gourmande de cette substance, également connue sous le code E414, qui est incorporée dans une gamme illimitée de préparations alimentaires en tant qu’additif pour ses propriétés émulsifiantes, de stabilisation, d’épaississement etc. La gomme arabique est également connue pour ses usages dans la fabrication de produits pharmaceutiques, cosmétiques et autres. Elle est récoltée de l’arbre sous forme d’exsudats naturels ou, le plus souvent, provoqués principalement pendant la période de sécheresse. La sève durcit à l’air libre pour former des nodules parfois appelés « larmes d’or » en référence à leur couleur. On ne connait pas d’effet nocif de la substance sur la santé du consommateur, raison pour laquelle la FDA (United States Food and Drug Administration) a classé ce produit sur la liste GRAS (Generally Recognized As Safe) qui implique que l’ingrédient est reconnu comme salubre et son addition en tant que complément dans les préparations de produits finis n’a pas besoin, contrairement à d’autres additifs, d’autorisation préalable. C’est sorte de feu vert pour l’export de cette substance sur l’énorme marché américain et autres marchés assimilés. Ceci, ajouté à d’autres propriétés relevant de sa facilité de préparation et d’utilisation font de la gomme arabique une matière particulièrement recherchée par les grandes centrales d’achat. Il s’en exporte annuellement plusieurs dizaines de milliers de tonnes vers le marché de l’UE où la matière est « transformée » pour vente aux utilisateurs de fin de chaine moyennant de juteuses plus-values. S’agissant de la gomme arabique générée en Afrique de l’Ouest, la France peut être considérée comme le grand « Broker » en la matière. Le pays centralise la gomme en provenance de nos régions et l’apprête pour l’export aux industriels du reste du monde dont le marché US.
En vérité, la dépendance africaine sur l’Europe en particulier pour la valorisation de nos ressources naturelles, les PAM (Plantes Aromatiques et médicinales) en premier lieu, date de plusieurs siècles et cette réalité fait partie de notre paysage socioéconomique à présent. On s’attendait peut être à ce que les USA s’intéressent davantage au continent africain après la deuxième guerre mondiale, moment où l’Amérique est devenue la plus grande puissance occidentale sans conteste. Mais, compte tenu probablement du choix de contenir en priorité l’extension de l’empire soviétique, les américains ont dû laisser les coudées franches aux européens sur notre continent. De ce fait, les ex-puissances coloniales, qui ont développé une connaissance intime du potentiel économique africain, se sont données à cœur joie de quadriller l’Afrique et de concevoir, directement et indirectement, leur positionnement en tant que carrefour incontournable de l’exploitation des richesses naturelles des pays africains. La gomme de l’acacia est un exemple parmi des centaines ou des milliers d’autres.
La mainmise de l’Europe sur nos richesses de base, bien préparée et ferme, était vraisemblablement conçue pour durer très longtemps. Mais la chute du mur de Berlin aura certainement été un facteur perturbateur de ce calcul. En effet, cette chute, qui a entériné la déliquescence de l’ère soviétique, a profondément modifié le paradigme qui caractérisait l’équilibre mondial précédent. La course effrénée sur le plan militaire s’est largement déplacée sur le terrain économique, agroindustriel en particulier. Alors, si dans le passé les américains s’accommodaient du passage obligatoire par les européens pour acheter des matières premières d’Afrique ou bien pour nous vendre des équipements et produits finis, ils ne veulent ou ne peuvent plus se le permettre aujourd’hui. Rien ne justifie plus cette « dîme » qu’ils doivent payer sur chaque transaction qu’ils veulent effectuer avec l’un ou l’autre de nos pays. Les responsables de l’Europe continentale l’ont bien compris eux qui « menacent » à présent de faire à leur tour le forcing pour s’installer en Amérique latine, pré carré habituel de l’Oncle Sam.
Cette « bataille » au leadership économique et commercial, qui couve entre l’Amérique et l’Europe continentale depuis les années quatre-vingt-dix, s’est subitement accélérée avec le lancement de l’Euro que des responsables européens avaient indiqué leur désir de le voir supplanter le Dollar. Le président Trump n’a pas manqué de leur rappeler cette préméditation lors de l’une de ses dernières interviews. Sous ce rapport, la « bataille de l’Afrique », sur un arrière-fond de valorisation de ses ressources naturelles, ne fait que commencer entre les USA et l’UE. Mais dans ce type de bras de fer, il n y a pas un gagnant et un perdant mais seulement un premier et un suivant. Le perdant éventuel en réalité c’est l’Afrique. Le Maroc peut perdre également un peu de son lustre dans le sens où il est pressenti pour un rôle de leader africain pour montrer la voie aux autres sur le chemin du décollage économique alors qu’il ne parait pas en mesure de valoriser une bonne partie de ses richesses naturelles, l’acacia entre autres, pour en faire profiter sa propre population d’abord. Dans le cas de la gomme arabique, cette valorisation, ou « transformation », signifie, peu ou prou, recueillir la sève dans des conditions correctes ensuite pouvoir la concasser et conditionner. Les européens ne font pas mieux pour pérenniser leur économie de rente sur cette substance en raflant au passage la plus grande plus-value commerciale sur la distribution de ce produit à l’international.