Au commencement de mes études supérieures à Lausanne, au début des années soixante-dix, j’avais, comme d’autres étudiants, pris l’habitude de travailler pendant les vacances universitaires pour gagner quelque argent de poche. Le travail dans l’hôtellerie-restauration était très rémunérateur pour nous. On pouvait être logé, nourri, avoir un salaire fixe et glaner des pourboires. En deux mois de travail d’été dans un hôtel cinq étoiles, il était possible de gagner de quoi faire face jusqu’à six mois de dépenses scolaires ! Mais le travail était rude car il fallait tout pouvoir faire comme tâches et rester poli: Comme chasseur déjà en prenant les valises, ouvrir l’ascenseur au client, faire les menues courses, mais aussi passer l’aspirateur et cirer les chaussures laissées par les clients devant leurs chambres et autres. Parfois, en cas d’arrivage massif de clients, ou de départ, nous devions également aider à faire les lits. Nous devions être disponibles, si besoin, de jour comme de nuit. Le congé tout un week-end était rarissime. Mais dans tout cela, un travail nous était interdit en tant que temporaires, celui qui touche à la préparation et le service de la nourriture. Ce travail tombait sous la loi et exigeait des personnes qualifiées de façon réglementaire. La perspective d’une intoxication alimentaire était effectivement un réel cauchemar pour l’hôtelier restaurateur. En quinze années de séjour en Suisse, je n’ai pas le souvenir d’une telle catastrophe dans le secteur en question. De là probablement la bonne réputation de ce secteur de service helvétique qui continue à ce jour. D’ailleurs, de nombreux professionnels suisses exercent dans ce secteur chez nous et sont très appréciés et pas uniquement en restauration.
Mais il faut parfois savoir rendre à César ce qui est à César. Peu de pays ont travaillé l’art de la table, de la réception et les plaisirs de la gastronomie comme les français l’ont fait. Dans les récits, ou les films hollywoodiens, du début du siècle passé déjà, le chef cuisinier d’un Palace porte souvent un nom français, sorte d’hommage naturel aux efforts de la France dans ce domaine. Mais, et cela se comprend, cette profession devait, et doit toujours, s’exercer dans les règles de l’Hygiène et de la Sécurité Sanitaire des Aliments pour que le plaisir des repas ne soit entaché d’aucun écart aux normes susceptible d’occasionner des problèmes de santé. Le travail de Pasteur a commencé en France et les français sont fiers de donner l’exemple. A ce jour, la France reste le pays qui attire le plus de touristes dans le monde et, on le sait, les touristes reviennent parce que, en particulier, on a soigné leurs repas !
Il ne fait donc pas de doute que les français nous ont laissé, au Maroc et ailleurs en Afrique, un bon héritage dans ce domaine. Il y a une trentaine d’années, j’étais parmi des invités un dimanche au Yacht Club Mohammedia. Des dizaines de plats d’un buffet, aussi alléchants les uns que les autres, trônaient sur une grande paillasse du Restaurant-Club. L’un des convives a eu cette réflexion comme quoi il fallait des français pour sortir ces merveilles de nos ressources alimentaires et il avait bien raison. Le Chef cuisinier, dont la mère tenait cette fonction avant lui, avait en même temps des talents d’artiste. L’œil se régalait, ensuite l’estomac et la digestion se faisait bien. Ceux qui aimaient les boissons étaient également bien servis. Ainsi donc, les français sont détenteurs de ce savoir-faire, transmis de manière empirique depuis des siècles, dont ils demeurent de grands artistes.
D’ailleurs, l’activité de l’Hôtellerie-restauration était qualifiée de service au client avant les années quarante. Le lancement aux USA, après la guerre, de chaines hôtelières conçues pour servir le même jour des dizaines de milliers de repas (de mêmes types) a conduit à requalifier le travail comme une activité industrielle du même niveau que les Unités industrielles classiques du secteur agroalimentaire. Parmi les conséquences de cette requalification, il est devenu possible aux consommateurs américains d’introduire des recours collectifs (class action) au nom de clients victimes de TIAC (Toxi-Infection Alimentaire Collective). Comme des exemples l’ont montré en Amérique, une « Class Action » contre un opérateur peut signifier l’arrêt définitif de son activité. Les européens ont ensuite emboité le pas aux américains et plusieurs pays ont adapté leurs législations pour permettre justement ces recours collectifs. Par conséquent, c’est uniquement une question de temps avant que cela ne soit le cas également chez-nous. Dans ces conditions, la prise d’une assurance contre ces risques est devenue incontournable pour les acteurs de l’industrie hôtelière (Hospitality industry) américaine et le deviendra progressivement ailleurs. Ceci est particulièrement le cas pour les opérateurs qui souhaitent travailler avec les grands donneurs d’ordres comme les Tours Opérateurs. De plus, les assureurs, dont le métier est de couvrir les risques, se couvrent eux-mêmes en premier en exigeant une attestation comme quoi l’établissement à assurer effectue le travail selon les règles. Comme la Fédération Internationale des Tours Opérateurs, qui envoie régulièrement le plus grand nombre de clients aux Hôtels, a reconnu le HACCP (Hazard Analysis and Critical Control Points) comme étalon de référence pour l’appréciation de la qualité de travail pour la préparation des repas, les assureurs ont pris l’habitude de demander un certificat HACCP valide avant d’établir une assurance (mes archives).
La France a effectivement laissé au Maroc un legs positif pour ce qui est des pratiques dans l’Hôtellerie-restauration. Mais là où la France reçoit cent millions de visiteurs par an du monde entier, nous en recevons à peine les dix pourcents venant essentiellement de nos voisins du nord de la Méditerranée. Beaucoup de chemin reste donc à franchir pour faire honneur au potentiel que possède notre pays pour le secteur de l’Hôtellerie-restauration. C’est sans doute pour cette raison que le Maroc s’est doté de la loi 80-14 pour accompagner la mutation nécessaire de notre secteur touristique et d’hébergement qui se globalise de plus en plus. Une fois les textes d’application, en cours de revue, seront promulgués, nous disposerons alors des mêmes instruments que nos autres partenaires, ou concurrents, pour booster l’activité du secteur.
Enfin, les dizaines d’articles de ce blog sont souvent très critiques du travail, qui peut laisser à désirer, de responsables dans différents compartiments de notre secteur agroalimentaire. Mais, comme on dit, il y a l’exception qui confirme la règle. Dans ce cadre, une fois n’est pas coutume, cet article voudrait aussi rendre hommage à la FNIH (Fédération Nationale de l’Industrie Hôtelière) et à leur travail assidu, mené patiemment et à l’échelle nationale, pour sensibiliser les opérateurs sur l’importance de l’application des règles d’Hygiène et de Sécurité Sanitaires des Aliments pour le bien être des employés et des clients consommateurs. Encouragé par Monsieur Lahcen Zelmat, Président, le Directeur Général, Monsieur Abdelaziz Samim, un grand professionnel, fait un travail superbe avec son équipe dont, entre autres, un spécialiste en communication, Monsieur Aziz Laktebi. La campagne transrégionale de séminaires au profit des professionnels du secteur se poursuit de manière soutenue, preuve que les responsables cités veulent faire les bouchées doubles pour gagner du temps et faire en sorte que nos opérateurs soient aussi rapidement que possible au rendez-vous qui attend ce secteur pour recevoir plus de visiteurs au Royaume dans des conditions équivalentes ou supérieures que ce qu’ils peuvent avoir dans d’autres pays à vocation touristique comme le nôtre.
Un exemple à suivre pour d’autres responsables d’autres organismes en charge de la promotion d’autres secteurs d’activités de notre pays.