Dans un article de ce blog du mois de Décembre passé – abordant l’intransigeance de l’attitude de la France, qui parlait au nom de l’UE, sur le dossier des négociations commerciales souhaitées par les USA —, nous avions prévenu contre l’isolement possible de la Métropole au cas où l’Allemagne, entre autres, venait à se montrer conciliante sur l’ouverture des négociations voulues par le Président Trump. Il se trouve que Bruxelles vient justement de recevoir, hier Lundi, le feu vert des Etats membres de l’UE pour entamer de telles tractations avec l’Administration américaine au grand dam de la France qui y a été, seule au sein de l’UE, totalement opposée. Davantage encore, il devient de plus en plus clair que les négociations chercheront également à harmoniser les normes appliquées aux produits agricoles, ce à quoi le Président Trump tient beaucoup, pour leur trouver une solution. Sous ce rapport, l’hypothèse de la mise en place, de part et d’autre, d’organes pour valider la conformité, des produits exportés/importés vers l’UE/US, à des standards qui devront être mutuellement définis, aidera sans nul doute à la dédramatisation du conflit (insoluble jusqu’à présent) sur les normes non tarifaires entre les USA et l’UE. Cela nous soulagerait à notre tour ici en Afrique.
En effet, le dilemme (traité dans d’autres articles de ce blog), des barrières non tarifaires, dont les normes appliquées par l’UE aux produits agricoles constituent une part colossale, envenime le commerce mondial, africain notamment, des produits des secteurs agricoles et agro-industriels depuis des dizaines d’années. Compte tenu de leur complexité (et politisation), il y a peu de chance que ces barrières viennent à tomber dans un court délai. Mais, s’agissant des échanges de l’Afrique avec d’autres pays extérieurs, tout rapprochement entre les USA et l’UE sur ce sujet serait bon à prendre. D’une façon ou d’une autre, cela contribuera positivement à des opportunités d’export des ressources agricoles de notre Continent vers d’autres marchés porteurs sans (formellement) froisser les responsables de l’UE.
De manière très schématique, et très succincte, nous dirions que les pays européens ont développé, au fil de la colonisation, un « syndrome possessif obsessionnel » vis-à-vis de l’Afrique et ce syndrome est, malheureusement, le plus apparent chez nos amis français. A défaut de l’excuser, nous pourrions peut-être essayer de le comprendre comme, très probablement, les américains l’ont compris. Les USA doivent, supposément, avoir déduit que la France garde dans ses dossiers des cartes importantes qui soutiennent ses relations avec ses ex-colonies et que des tentatives pour la « déraciner » de cette région seraient bien plus coûteuses en effort, argent et temps que d’essayer de travailler en intelligence avec elle pour ne plus être exclu de notre zone d’Afrique de l’Ouest. Mais la France, et c’est le problème, est à ce point chatouilleuse sur ses prérogatives chez-nous, qu’elle considère comme son pré-carré, qu’elle s’est peu souciée de préparer le terrain dans l’optique de collaborer avec d’autres pays, fût-ce les américains mêmes. Alors, les pourparlers, que le Président Trump insiste pour lancer immédiatement avec Bruxelles, pourraient constituer une occasion pour nous africains de jouer les samaritains dans le litige sur les normes qui oppose américains et européens depuis bientôt trente ans.
D’abord les faits, et des sondages d’opinions, montrent que les entreprises européennes sont de plus en plus en retrait par rapport à des sociétés d’autres continents. Le monde entier est au courant de la profonde, et persistante, déprime du marché de l’UE. Ainsi, si la BCE (Banque Centrale Européenne) a de la peine à trouver preneur pour son offre de crédit à zéro intérêt, c’est que les opérateurs européens sont à court d’idées sur comment battre leurs concurrents internationaux sur, en particulier, le marché africain. Nos amis européens, en désarroi, sont donc dans le besoin d’être sécurisés. Nous devrions leur dire, par exemple, que nous ne les laisserons pas tomber dans la mesure où nos marchandises qui leur sont livrées servent à leurs besoins propres et non pas pour des opérations de spéculation derrière notre dos.
La langue ensuite. Le français, jugé comme expression européenne, est une belle langue. Il est moins parlé que l’espagnol à l’échelle mondiale mais constitue un outil d’échange formidable entre les pays de l’Afrique de l’Ouest. Or, cette région représente une priorité pour le Maroc sur le plan commercial et le français nous sera donc utile. Bien évidemment, la maitrise de l’anglais est incontournable pour l’insertion dans le monde d’aujourd’hui. Mais, la langue de Shakespeare a la chance d’avoir ses outils propres pour être appréciée, notamment par la jeune génération, par le biais de l’internet, les réseaux sociaux, les jeux et autres canaux de divertissement. L’anglais est aussi plus simple d’accès que le français via les sources indiquées. En somme, nous devrions considérer le français comme une richesse supplémentaire et non comme un inconvénient pour notre ouverture sur l’Afrique. Du reste, les statistiques montrent que si tout le monde ou presque pratique le français au Maroc comme seconde langue, des millions parlent l’anglais et/ou l’espagnol. Les marocains pourront dans ce cas servir de trait d’union entre les investisseurs américains qui voudront venir chez nous et les français déjà installés et qui ne maitrisent pas l’anglais.
Il reste bien sûr la question des normes non tarifaires. Sur ce registre, il est bon de rappeler que les américains et les chinois sont attelés depuis des mois à rapprocher leurs points de vue au sujet des relations commerciales qui les concernent. Les normes constituent une rubrique parmi d’autres. En effet, pas plus la Chine que les autres pays asiatiques, ni l’Amérique du Sud ou l’Australie, le Canada, la Nouvelle Zélande, les pays du Golfe et autres n’ont de conflit avec les normes FDA (normes américaines pour l’agroalimentaire). Ceci constitue une majorité confortable des pays de la planète qui travaillent selon des normes harmonisées. Ceci étant, ce fait n’a jamais empêché qu’un pays ou un autre puisse recourir à des clauses de sauvegarde pour protéger ses intérêts, ce que la Réglementation Internationale du Codex prévoit opportunément. Selon cette approche, le dialogue entre partenaires et/ou adversaires commerciaux peut se passer dans des conditions relativement sereines sans surenchère ou « Principes de précautions » ouverts sur toutes les interprétations possibles et leur contraire.
En somme, si les négociations entre les USA et l’UE se passent comme l’écrasante majorité des pays qui y sont engagés le souhaitent, et comme cela se passe déjà entre la Chine et les USA, nous autres africains devrions pouvoir travailler en harmonie avec des principes qui nous permettraient d’échanger commercialement nos produits avec tout le monde sans exclusive. Un moment que l’Afrique attend depuis bien longtemps.