L’accord que le Maroc a signé ces derniers jours avec la Grande Bretagne (synonyme d’Angleterre pour cet article), qui entrera en vigueur au lendemain de la consommation, en cours, du divorce (Brexit) entre la Grande Bretagne (GB) et l’UE, a pour but « de restituer dans le contexte des relations bilatérales entre le Maroc et le Royaume-Uni, l’ensemble des avantages qu’ils s’accordaient mutuellement dans le cadre de l’accord d’association Maroc-UE ». Il s’ensuit que, d’une volonté commune, les conditions de l’accord d’association (libre-échange) entre le Maroc et l’UE seraient transposées dans le nouveau cadre des relations Marocco-Britanniques. Ceci comprend bien évidemment les échanges relevant du secteur agroalimentaire, sujet d’intérêt pour ce blog. Si la question des « Quotas » des produits agricoles (auxquels le Maroc peut être soumis), qui visent pour l’essentiel à protéger les intérêts des pays euro-méditerranéens au sein du marché UE, ne devrait pas jouer un rôle significatif dans le flux des échanges Marocco-Britannique qui se profilent, il en sera autrement de la question des normes, ou barrières non tarifaires. En effet, les britanniques seront amenés à recouvrer toute leur latitude sur l’application de leurs propres standards (en stand-by en attente du divorce en question) de Sécurité Sanitaire des Aliments que la Food Standards Agency (FSA) ne manquera pas d’appliquer aux postes frontières britanniques dès l’entrée en vigueur de l’accord signé entre le Maroc et la GB, évoqué plus haut. La GB étant un importateur net de produits agroalimentaires, les produits frais en particulier, nos exportateurs doivent donc se préparer à cette échéance relativement proche pour profiter convenablement des opportunités de ce marché aussi rémunérateur que celui des USA. Sur ce chapitre, l’approche de travail de la FSA, pour protéger la santé du consommateur britannique et veiller à l’application de la réglementation en vigueur, est plus proche du rôle de la FDA pour le marché US que de l’European Food Safety Agency (EFSA) pour le marché commun. Alors que les agences américaine et britannique ont un pouvoir réel d’intervenir chacune sur son marché cible pour l’assainir au profit du consommateur et le respect de la loi, l’EFSA a simplement un rôle de conseil auprès de la Commission de Bruxelles. L’assainissement de chacun des marchés des pays appartenant à l’UE relève strictement des lois gouvernementales de chaque pays membre. De nombreux rapports étatiques de pays membres de l’UE, ou bien de Bruxelles même, montrent que l’application de la loi sur la Sécurité Sanitaire des Aliments peut différer notablement d’un pays de l’UE à un autre. En ce qui nous concerne au Maroc, cela s’est traduit par le fait que la grande majorité de nos exportateurs de produits alimentaires sur le marché UE ont pris l’habitude d’effectuer leurs opérations selon les normes françaises. Dans ce cadre, l’observation montre qu’il n’est pas rare qu’un Bulletin d’Analyses de laboratoire, renseigné sur la base d’analyses effectuées sur le prélèvement de quelques échantillons, suffise, aux yeux de notre Etablissement Autonome de Coordination et de Contrôle des Exportations (EACCE), appelé également « Morocco foodex », pour autoriser l’export de l’ensemble du lot fabriqué sur le marché UE. Mais, cela ne sera très probablement plus suffisant pour l’export sur le marché britannique individualisé. En effet, la FSA et la FDA reconnaissent la supériorité du HACCP (Hasard Analysis and Critical Control Points), éventuellement supplémenté par des analyses de laboratoire, en tant qu’étalon de mesure de la qualité d’un produit alimentaire. Or, la confirmation de l’application du système HACCP par une Unité de production alimentaire nécessite la certification par une Autorité compétente. En conséquence, les entreprises, marocaines en particulier et africaines en général, intéressées par l’export sur le marché britannique qui s’offre bientôt à nous, feraient mieux d’intégrer dès à présent cette dimension incontournable de la certification de leurs « Processes » pour y accéder selon les règles de l’art.
Ensuite, l’adoption du travail selon la démarché HACCP améliorera, au-delà du marché britannique, les chances des entreprises de notre secteur agroalimentaire à percer sur le marché US qui présente des opportunités uniques pour nos exportateurs de produits agroalimentaires, particulièrement les produits frais. Sous ce rapport, la FSMA (Food Safety Modernization Act) a mis en place pour la première fois des règles modelées scientifiquement pour le commerce (l’export pour ce qui nous concerne) de fruits et légumes frais (non transformés) sur le marché US. S’agissant des produits issus d’une ferme, et travaillés au sein de la ferme même, les règles à respecter sont très souples et n’engagent pas de frais supplémentaires pour le management de la ferme. La même situation s’applique aux produits d’une coopérative, ou un ensemble de coopératives travaillant en collaboration. Ces règles sanitaires se durcissent dès que des acheteurs domiciliés ailleurs se mettent entre la ferme, ou coopérative(s), et le marché US. Dans ce cas, le travail à accomplir par ces gens pour se mettre en accord avec la FSMA, et les frais générés pour ce processus, augmentent considérablement. Pour dire les choses simplement, il est fini le temps où des intermédiaires, européens en particulier, nous achetaient des produits (olives, câpres, piment séché et autres) à des prix dérisoires pour les revendre sur le marché américain avec des marges mirobolantes en jouant principalement sur l’étiquetage. Par ailleurs, l’adoption par nos entreprises de la démarche HACCP les familiarisera davantage avec le raisonnement en termes de risque que peut poser le procédé de fabrication d’un produit donné dans un environnement donné. Cet effort salutaire constituera alors un préambule précieux pour aller vers l’adoption du HARPC (Hazard Analysis Risk-Based Preventive Control). Ce nouveau système, qui représente la pierre angulaire de la nouvelle réglementation américaine FSMA, est construit sur le mode du HACCP mais s’applique, au-delà des points critiques spécifiques au HACCP, à toute étape ou opération (indiquée dans l’analyse des dangers) de l’ensemble du système de fabrication dans son environnement, comprenant les cGMP (Current Good Manufacturing Practices). En quelque sorte, c’est un HACCP d’application plus large.
Sur un autre plan, si la FDA, comme la FSA d’ailleurs, se réserve la surveillance de la loi en vigueur et la protection du consommateur, l’Agence fédérale américaine met la responsabilité pleine et entière de la production d’aliments conformes à la FSMA sur les épaules des opérateurs américains. S’agissant des produits importés, c’est à l’importateur américain que la loi confie la tâche de veiller par tout moyen approprié, décrit dans la loi, sur la conformité du produit importé aux exigences de la FSMA. Le bon côté de cette réglementation est que, une fois leurs produits enregistrés sur le portail dédié de la FDA, nos exportateurs n’ont plus à se soucier de l’administration américaine mais de traiter seulement avec leur partenaire commercial américain. Dans cette perspective, l’importateur américain et l’exportateur marocain (africain) sont tous deux intéressés à ce que leurs opérations réussissent pour apporter du profit à chacun. Moins de souci administratif fait gagner du temps, de l’argent et le repos de l’esprit. Nous souhaitons donc bonne chance à nos exportateurs africains avec la FSMA.