Souveraineté sanitaire de l’Afrique

Le concept de « légitime défense » nourrit à priori l’idée que si quelqu’un se trouve lui-même en situation de danger extrême, il lui est permis d’user de tout moyen pour sauver sa vie, y compris si cela se fait aux dépens de la vie de l’adversaire présumé.

Il semble donc qu’au moment de nous coloniser il y a plusieurs siècles, les européens ont considéré que leurs citoyens étaient en danger extrême parce que, entre autres,  ils n’avaient pas suffisamment de nourriture chez eux. Il leur était supposément plus simple, plus économique et plus rapide, de venir prendre possession de nos territoires et nos ressources par la force des armes et asservir nos peuples que de mettre en œuvre des projets d’amélioration de rendement agricole ou autre chez eux. Sans que nous ayons fait quoi que ce soit pour le mériter, nos colonisateurs européens ont réussi à faire de nous autres africains leurs adversaires.

Cette philosophie (chercher à mieux vivre aux dépens des autres) renvoie à la doctrine que les nazis, plus tard, ont défini sous le concept « Lebensraum », ou « Espace vital ». Les allemands estimaient alors que leur propre « Espace vital » était trop réduit pour eux. Les nazis ont donc voulu étendre cet espace aux dépens des autres pays européens pour mettre à l’aise leurs propres citoyens. Hitler a ensuite mis en avant cet « argument » (augmentation de l’Espace vital germanique) pour justifier l’invasion progressive d’autres pays européens et a déclenché,  comme conséquence, la deuxième guerre mondiale.

Mais les temps ont beaucoup changé depuis la dernière grande guerre et le discours, pour appeler de nouveaux soldats sous les drapeaux, a touché ses limites. Les jeunes n’acceptent plus dans leur majorité d’embrasser une activité militaire où le risque de perdre sa vie est bien réel. L’outil militaire pour asservir les autres a par conséquent largement perdu de son attrait au profit de méthodes de substitution  économiques et commerciales qui visent le même but. Mais ces pratiques dont il s’agit se basent toujours, plus ou moins, sur quelque interprétation self- intéressée du concept d’Espace vital évoqué plus haut.

Dans cette logique, mise à part la guerre Russie/Ukraine qui fait office d’exception, les confrontations par moyens militaires entre les Etats ont laissé la place à des joutes verbales musclées au sein de l’OMC (Organisation Mondiale du Commerce). Sous ce rapport, le cycle de négociation de Doha sous l’égide de l’OMC, portant essentiellement sur l’agriculture, aura été une suite interminable de récriminations entre les pays de l’UE d’un côté et les pays d’Asie et d’Amérique de l’autre avant de s’achever sur un échec cuisant pour tout le monde. Au jour d’aujourd’hui, l’OMC est toujours handicapé pour faire correctement son travail. Les « porte-paroles » de fait de l’UE dans ces négociations de Doha étaient les représentants de l’Etat français lequel s’est toujours montré intraitable sur tout ce qui concerne le contrôle alimentaire dont les normes françaises (drapées d’un emballage UE) sont self-considérées comme supérieures à toutes les autres normes de par le monde à commencer par celles du Codex Alimentarius sur lesquelles la France, comme les autres pays membres, doit bien évidemment avoir donné son approbation.

Mais, ce n’est pas le hasard qui a établi la France comme porte-drapeau omnipotent de l’UE pour tout ce qui relève des ressources agricoles, dont les normes en particulier. La goinfrerie des européens pour les ressources africaines à des prix modiques conjuguée à la main mise de la France sur une grande partie de notre Continent, l’Afrique de l’Ouest en particulier, par le biais du Franc CFA et la langue française, a privilégié la France pour devenir un « Hub UE » sans équivalent pour ce qui relève du contrôle postcolonial des échanges commerciaux interafricains et en direction de l’UE. Le but de ces manœuvres, qui n’a pas changé depuis l’ère coloniale et que tous les africains ont compris à présent, est de proroger à volonté le commerce très asymétrique entre les pays de notre Continent et l’UE.

Pour contribuer à cet objectif,  de nombreux organismes privés de contrôle des produits agroalimentaires, venus de différents pays européens, se sont concentrés en France — comme exemple, il y a la SGS, Bureau Veritas, Intertek, Tüv Rheinland et bien d’autres — pour continuer, comme au temps de la colonisation, la gestion de loin de  nos échanges commerciaux africains.

Or,  en s’immisçant dans nos contrôles alimentaires et de produits assimilés, la France et consort acquièrent de facto l’accès aux conditions de travail au sein de nos entreprises, comprenant les informations en rapport aux prix, à la qualité et aux conditions d’achats de Matières Premières et de ventes de Produits Finis. Ces informations, et d’autres qui en dérivent (équipement en place dans les entreprises et procédés de fabrication etc.), sont traités par les organismes de contrôle sus-indiqués et d’autres de leurs collègues pro-européens au service de leurs pays respectifs pour maintenir la mainmise des pays de l’UE sur nos richesses et, également, pour orienter le cours de notre commerce dans le sens qui leur est encore plus favorable.

Cette attitude des officiels français, d’avoir le dernier mot sur tout ce qui touche aux échanges agroalimentaires de l’UE avec l’Afrique et autres ex-colonies, dont la France tire le plus grand bénéfice pour elle-même, a grandement servi l’UE pour maintenir la vassalisation de notre Continent à leur service. Par contre, cette même attitude narcissique franco-européenne a exaspéré d’autres partenaires de l’UE de par le monde dont l’Inde, les USA, l’Amérique latine et autres. Dans le même temps, cette inflexibilité française a quelque fois heurté de front les intérêts de l’Allemagne dont les échanges agroalimentaires ne sont pas mis, contrairement à la France, en tête de ses priorités.

A ce propos, la condamnation ces derniers jours par la France de la candidature de l’américaine Madame Fiona Scott Morton en tant que prochaine économiste en chef de la concurrence au sein de la commission de Bruxelles n’a eu aucun effet sur la décision de la présidente, Madame Ursula von der Leyen, qui a confirmé le maintien de la candidate américaine pour ce haut poste de responsabilité au sein de la commission UE et ce au grand dam de Paris. Et l’Allemagne n’a pas bougé le petit doigt pour soutenir la France. En plus d’être rejeté ici et là dans le monde, l’Etat français doit se sentir à présent bien seul si ses partenaires de l’UE commencent à lui tourner le dos.

Mais la France est connue pour avoir, et vouloir garder, cette attitude hautaine depuis le lendemain de la deuxième grande guerre. Alors que la France même a perdu la guerre contre l’Allemagne, l’Etat français se flatte de faire partie des grandes puissances qui guident le monde. Et il est vrai qu’il y a une trentaine d’années en arrière et au-delà, la balance commerciale française était toujours excédentaire et justifiait l’enthousiasme de la France de se complaire dans un rôle de grande puissance. Aujourd’hui, la dette de la France avoisine celle de l’Italie et se rapproche chaque jour davantage de celle de la Grèce, pays le plus endetté des Etats de l’UE.  Et pour ne rien arranger, de plus en plus de pays africains refusent de coopérer avec les français et leur demandent de quitter l’Afrique.

Ce rejet de la présence française en Afrique s’est accentué dès lors que l’implication de la France dans les rouages de recyclage de produits importés à l’origine de Chine, d’Ukraine, de Russie et d’ailleurs a révélé au grand jour le rôle glauque que les opérateurs français, parmi une nuée de spéculateurs européens, assument dans la revente d’un très grand nombre de produits d’origine extra-européenne après leur « redéfinition » de forme sous le mode « Made in UE » pour en faciliter la vente dans nos pays africains avec des marges bénéficiaires mirobolantes pour ces intermédiaires. Les organismes de certification sus-indiqués et leurs semblables jouent  un rôle central dans ce commerce spéculatif mais hautement lucratif.

Mais de nos jours, de plus en plus de pays sont devenus conscients de cette économie de rente que les européens ont développée sur notre dos, avec le concours actif des organismes d’expertise et certification évoqués plus haut, et tiennent à mettre fin à cette mascarade. D’ailleurs, il serait hautement surprenant que ce type de trafic puisse passer inaperçu pour nos responsables gouvernementaux. Mais si tel est le cas, pourquoi ces gens (nos responsables gouvernementaux) ne font rien pour arrêter cette hémorragie des maigres finances de nos entreprises qui vont dans les poches de ces organismes nantis mais toujours avides de gagner davantage sur notre dos.

N’étant nous même pas fonctionnaire de l’Etat, nous ne prétendons pas avoir la réponse ultime à cette interrogation. Mais, s’il n’y a pas de cabale ici, il reste le raisonnement.

Il est évident que mettre un peu d’ordre dans le travail de ces cabinets conseils UE, pour le conseil, l’expertise et la certification, qui veulent continuer de nous dicter notre conduite depuis leurs sièges en Europe (en France) ne peut être que bénéfique à l’éclosion de compétences nationales africaines dans le domaine. Il ne peut en être autrement. Donc, si nos responsables gouvernementaux (au Maroc et probablement ailleurs en Afrique aussi)  concernés ne réagissent pas c’est peut-être parce qu’ils en sont incapables. Par exemple, la France n’a pas cessé depuis l’indépendance du Maroc de faire signer à nos responsables gouvernementaux marocains  des accords de partenariats de toutes sortes au nom du Gouvernement de Sa Majesté et peut-être que des clauses diaboliques ont été glissées çà et là qui handicapent la libération de certains de nos secteurs stratégiques de la tutelle française. Nous pensons en priorité à l’ONSSA (Office National de Sécurité Sanitaire des produits Alimentaires), le LOARC (Laboratoire Officiel d’Analyses et de Recherches Chimiques), Morocco Foodex (ex-EACCE, établissement de création de la France coloniale), et les organismes qui assument le même type de fonction. L’IMANOR (Institut Marocain de Normalisation), qui certifie au nom de l’Etat et contrôle son propre travail en dehors du bon sens et des normes en vigueur à l’échelle internationale devrait également faire partie de ces organismes à refondre.

Un autre scénario est plus plausible pour nous. Sous ce rapport, un de nos ex-premiers ministre vient d’être assermenté en tant qu’expert psychiatre à Casablanca. Nous saluons hautement ce médecin qui montre à tous les marocains qu’il est capable de vivre de son propre travail en dehors de la « profession de politicien ». Ils ne sont malheureusement pas nombreux dans ce cas. Le résultat est que parmi nos gouvernants, et néanmoins décideurs en notre nom, beaucoup (pas tous) sont des spécialistes de la politique politicienne. Dit autrement, parmi ces gens il y en a qui ne sauraient pas comment faire pour gagner leur vie s’ils étaient écartés de la sphère politique. Ils sont pourtant nombreux parmi cette catégorie de pseudo-responsables qui décident du choix des priorités pour l’action gouvernementale pour redéfinir la place qui revient au Maroc d’aujourd’hui parmi les autres nations.

J’ai personnellement des doutes que cette catégorie de personnes ait une conscience suffisante  comme quoi il n’y a pas place de leadership du Maroc parmi les nations africaines sans un leadership confirmé sur la souveraineté sanitaire de notre nation. Mais, cela serait sûrement au-dessus de la compréhension des esprits auxquels je fais allusion.

Bien évidemment, si les politiciens de carrière chez-nous ne se montrent pas capables de faire asseoir la souveraineté sanitaire nationale (africaine) sur des bases équivalentes à celles des pays qui nous oppriment sur les plans économique et commercial, ce n’est pas une raison pour nous, la société civile, de rester les bras croisés. Il n’est pas trop tard pour agir, à commencer par réfléchir sur les modalités de lancement d’un Cabinet de certification et d’expertises africain, bien de chez-nous, dont le but ultime sera de viser une compétition réglementaire avec les autres Cabinets pro-européens, particulièrement sur les plans de l’honnêteté et les rapports Qualité/Prix des interventions. C’est de cette façon, et de cette façon seulement, que nous aurons des chances de réussir à équilibrer au mieux les conditions de concurrence commerciales et économiques dans nos échanges commerciaux avec les autres nations extra-africaines.

Ce blog accueillera volontiers pour diffusion toute initiative qui va dans le sens de cet objectif.

 

La loi et l’application de la loi

Un haut magistrat de notre pays, le Général M. M. (Dieu ait son âme)  — qui m’a utilement aidé alors qu’il était Colonel et a contribué efficacement à faciliter ma réinsertion il y a une quarantaine d’années sur le marché marocain à mon retour au pays après un premier séjour d’études universitaires et de travail post-doc qui a avoisiné treize années en Suisse — avait l’habitude de rappeler à propos d’une question ou une autre cette précaution « Il faut voir ce que dit la loi ». D’autres responsables, que je compte parmi mes amis, ont également cette attitude.

Ceci étant, durant mon travail de dizaines d’années passées, entre autres, sur des interventions en tant qu’expert judiciaire à Casablanca et au-delà, portant sur des centaines de dossiers, relevant des domaines de la sécurité alimentaire et autres, j’ai pu observer l’insouciance ou le mépris que de nombreux acteurs du secteur agroalimentaire national affichaient de façon récurrente à l’adresse de notre réglementation —  celle embryonnaire laissée par le Protectorat français et ensuite la loi 28-07 de sécurité sanitaire des produits alimentaires actuellement en vigueur —  fréquemment au vu et au su de l’Autorité de tutelle, à savoir les services de la répression des fraudes auparavant et l’ONSSA (Office National de Sécurité Sanitaire des produits Alimentaires) actuellement. Il s’agit là (Infractions à la loi et passivité de l’Autorité de tutelle) de faits avérés que d’autres observateurs ont commenté dans divers médias nationaux sans qu’aucune action notable des autorités supérieures ne paraisse avoir été prise pour corriger sur le terrain ce sinistre constat.

D’un autre côté, il ne fait plus aucun doute qu’aujourd’hui l’Etat marocain est définitivement résolu à sévir contre la fraude, la corruption, le clientélisme, d’où qu’ils viennent. Cette démarche d’assainissement robuste  —  exigence incontournable suite à la grande ouverture du Royaume aux investisseurs étrangers de tous bords — qui se poursuit à ce jour, aura concerné la plupart des secteurs d’activité publics et privés de la nation. Mais les fonctionnaires affectés au contrôle des produits alimentaires —  qui évoluent dans la nébuleuse qui regroupe les autorités de tutelle sur le domaine agroalimentaire relevant en premier lieu du Ministère de l’Agriculture et aussi des bureaux d’hygiène et du Ministère du Commerce et d’industrie et des laboratoires officiels autonomes —  paraissent avoir été épargnés par cette campagne d’assainissement nationale et de mise à niveau.

Quelqu’un peut en déduire que le système de contrôle alimentaire et produits assimilés va bien chez-nous. Mais, à la lumière des très nombreux exemples rapportés auparavant dans plusieurs articles de ce blog et des centaines d’observations dûment documentées dans mes archives  —  traitant des infractions à la loi de sécurité sanitaire des produits alimentaires en présence d’une passivité coupable de l’ONSSA et consorts — le constat regrettable est que nous sommes en réalité encore très loin d’être proches d’un système de contrôle alimentaire comparable à ceux en vigueur dans des pays avec lesquels nous commerçons dans le cadre d’accords de libre-échange.

Mais, nos fonctionnaires du contrôle alimentaire croient, ou se laissent convaincre, que leur approche de travail pour tranquilliser les consommateurs marocains est saine. Leur stratégie, sorte d’infantilisation de nous autres adultes consommateurs, consiste encore et toujours à sortir de temps à autre une liste compilant une quantité de produits alimentaires défectueux mis au rebut par leur soin. Ces fonctionnaires oublient, ou feignent d’ignorer, que les professionnels de la fraude sur aliments, qui brassent des sommes d’argent colossales de leur business délictueux, se fichent éperdument de la promulgation des listes anonymes de ces fonctionnaires. Du moment que leurs noms n’est pas divulgué pour information aux consommateurs, cela ne les empêchera pas de continuer leurs fraudes ou de les recommencer.

Il est cependant vrai que le système de Contrôle/Qualité constitue un sujet hautement sensible. Dans ce sens que si l’exaction d’un flic ou bien un juge véreux n’a d’impact que sur un individu (un dossier) à la fois, un contrôle alimentaire défectueux impacte immédiatement l’ensemble des consommateurs, c’est-à-dire tout le monde. On comprend que l’Etat puisse faire une nette distinction entre une mauvaise action de portée individuelle dans les premiers cas et le retentissement potentiel sur l’ensemble des consommateurs en cas de mise en cause du système de contrôle qualité ainsi que le risque d’un dérapage de la réaction populaire.

Cela a été le cas, par exemple, lors de l’affaire dite du blé indien qui a défrayé la chronique dans les années quatre-vingt-dix du siècle passé et dans laquelle nous étions, sur demande des tribunaux, opposé au Staff et techniciens de contrôle concernés du Ministère de l’Agriculture de l’époque. Les éléments objectifs dans le dossier soumis aux tribunaux n’apportent aucune preuve tangible de la présence d’un contaminant dont les fonctionnaires se sont servis pour bloquer le blé au port de Casablanca. Il faut dire que ce type de transactions juteuses (importations de cargaisons de blé) est toujours revenu auparavant à des relais d’un pays européen connu. Ces gens frustrés ont alors ameuté les médias nationaux en leur servant des informations manipulées qui ont créé un sentiment de confusion et d’effroi parmi les consommateurs et le monde agricole. Pour éviter un dérapage incontrôlé des réactions populaires, l’Etat s’est alors servi de tous les moyens réglementaires à sa disposition pour interdire l’entrée officielle de cette cargaison de blé sur le territoire national.

Il est bien évidemment très difficile de spéculer sur ce qui serait arrivé si ce blé avait eu accès au marché marocain. De la même manière, il est difficile de spéculer sur ce qui arriverait si les fonctionnaires de l’ONSSA décident d’ajouter sur leurs listes récurrentes, évoquées plus haut, de produits alimentaires jetés au rebut, les noms des fraudeurs à l’origine de ces délits.

Malheureusement, le dilemme ne s’arrête pas là.

Le fait est qu’à présent, le Maroc se trouve en quelque sorte entre le marteau et l’enclume pour ce qui relève de la mise à niveau de notre système de contrôle alimentaire. Sur le plan interne, il y a bien sûr cette question de la sensibilité du sujet et la crainte de dérapage qui pourrait être source de perturbation sur la marche normale des rouages du marché local et de l’humeur de la population  qui reste profane des questions touchant au contrôle sanitaire. Mais, le Maroc est considéré à présent par les instances internationales, ONU, Banque mondiale, FMI, Banque Africaine de Développement et autres comme un leader donnant la marche à suivre à d’autres pays frères et amis africains pour, en particulier, s’industrialiser et sortir de la pauvreté. Cela devient donc une responsabilité lourde à présent pour le Maroc qui doit l’assumer dans sa totalité. Cela comprend la mise à niveau devenue urgente de notre système de contrôle qualité englobant l’ONSSA, le LOARC, l’EACCE (devenu Morocco Foodex pour brouiller les pistes), l’IMANOR, les bureaux d’Hygiène et autres.

La raison est qu’en somme, le Maroc vit à présent sa mutation industrielle et technologique à crédit grâce à l’argent des banques qu’il faudra bien rembourser. Mais l’argent, il faut d’abord le gagner en développant notre export particulièrement là où nous avons des avantages comparatifs par rapport aux compétiteurs. Ceci est évidemment le cas pour l’agro-industrie et le cosmétique où le bon Dieu a bien servi le Maroc en un grand potentiel en ressources agricoles et autres et un climat favorable. Nous pouvons produire à souhait mais le facteur limitant pour l’export c’est la qualité et la crédibilité du contrôle. Sur ce plan, il serait naïf de considérer que nos ex-colonisateurs vont rester à nous observer leur prendre des parts commerciales sur le marché africain. Ils utiliseront tous les moyens honnêtes et malhonnêtes (comme cela a été le cas sur le dossier du blé de l’Inde évoqué plus haut) pour freiner l’enthousiasme de nos opérateurs pour l’export sur le marché africain et ailleurs.

La meilleure défense dit l’adage c’est l’attaque. Or, nous avons au Maroc une ribambelle d’opérateurs d’obédience européenne qui travaille chez nous sur le secteur de l’expertise et la certification et autres conseils aux entreprises en toute illégalité. Par exemple, ils se permettent d’inonder notre marché avec des certificats produits et émis depuis l’étranger. Or, la loi sur l’exercice de l’activité d’expertise chez nous est claire. En particulier, au cas où l’avis d’un expert est remis en cause de manière fondée ce dernier doit être atteignable pour rendre compte de son travail devant « Qui de droit » en général et la justice en particulier. Cela parait difficile voir insoluble quand l’expert est domicilié à l’étranger. Alors, la chose par laquelle nos instances concernées par ce sujet doivent commencer c’est demander à ces Cabinets d’expertises visés d’appliquer la loi qui existe au Maroc sur les experts pour exercer chez-nous. Dans le cas contraire leur intimer l’ordre de cesser toute activité sur le domaine de l’expertise. C’est le prix à payer pour que notre autorité de tutelle soit prise au sérieux par les professionnels d’ici et d’ailleurs.

L’application des autres mesures évoquées plus haut dans ce texte en sera grandement facilitée.

Le nouveau paradigme de l’Afrique

Ceux et celles qui y ont un intérêt et suivent les relations franco-marocaines ont pu se régaler ces derniers temps de la lecture de très nombreux articles en espagnol, anglais, français et arabes sur, entre autres, de nombreux journaux en ligne — https://maroc-diplomatique.net/; https://northafricapost.com/; https://atalayar.com/; https://fr.le360.ma/; https://fr.hespress.com/; https://medias24.com/; https://www.moroccoworldnews.com/; https://www.akhbarona.com/; https://alyaoum24.com/; https://24saa.ma/; https://es.rue20.com/  — qui reviennent sur ces relations depuis la préparation par la France de l’occupation du Maroc (protectorat perfidement tourné en colonisation) et l’évolution de la volonté française d’assujettissement de notre pays par tout moyen pour permettre un maximum de spoliation de nos richesses et nos biens au profit des exploitants imposés par l’Etat français. Les différents intervenants, chacun selon sa spécialité, ont concouru à documenter et mettre en évidence le degré de cupidité, de sournoiserie et de machiavélisme dont les colonisateurs français au Maroc ont fait preuve pendant leur occupation militaire de notre pays et comment ils ont continué leurs fourberies, sur le plan économique, financier, commercial et culturel, après l’indépendance du Maroc.

Sur un plan davantage personnel, mes documents de travail sont nourries d’exemples (dûment renseignés) de tentatives de  me recruter moi-même, depuis mon entrée dans l’activité privée pour mon propre compte à Casablanca en 1988, avec l’objectif devant m’être affiché de servir (d’abord et avant tout) les intérêts économiques et commerciaux français dans notre pays. Ensuite, pour ne pas avoir adhéré aux avances qui m’ont été faites (je suppose), de multiples difficultés, sortis on ne sait d’où, ont surgi sur mon chemin parce que, en essence, j’étais présumé coupable de vouloir apporter ma contribution pour faire émerger une activité d’expertise marocaine indépendante de celle de la France. Les exemples sont nombreux mais j’illustrerai par un cas seulement (dûment documenté dans mes archives) :

Il y a environ une vingtaine d’années, j’avais été sollicité par un grand groupe agroalimentaire de Fès (dont je tais le nom parce que le groupe marocain est bien connu  chez nous et que je n’ai pas demandé son accord pour le citer nommément) pour accompagnement pour une certification HACCP. J’ai passé deux jours avec les responsables et le staff qui ont payé deux nuits d’hôtel à Fès pour mon séjour. J’ai ensuite fait une proposition d’accompagnement (dont un mois de travail soutenu) comprenant ma présence dans l’entreprise une partie du temps pour la mise en place (et validation) de procédures de contrôle (les leurs devaient être revues et renforcées) en associant leur staff au travail. Qu’elle ne fût pas ma surprise ensuite de recevoir un émail (que j’ai toujours dans mes archives)  de la responsable qualité de ce groupe pour me dire qu’ils ont une meilleure offre par téléphone (qu’ils ont retenue d’ailleurs) de quelqu’un d’autre (que j’ai su ultérieurement comme étant un  professionnel français) qui s’est engagé à les certifier HACCP pour moins de la moitié de mon offre et sans se déplacer dans leur unité (condition indiquée dans le message que j’ai reçu !), ce qui est anti professionnel et contraire aux principes du HACCP qui exigent la présence sur site du certificateur retenu pour effectuer le travail. J’ai d’autres exemples documentés de la même façon qui renforcent, en quelque sorte, l’hypothèse que pour la France néocoloniale, tous les moyens fourbes sont bons (et peu importe le prix) pour stopper toute velléité de découpler l’activité d’expertise marocaine de celle de la France, la seule (exclusivement) que ces néo-colonisateurs sont prêts à reconnaître pour le travail dans notre pays.

En fait, ici et là dans plusieurs articles de ce blog, des exemples sont mentionnés qui montrent, après l’arrêt de la  phase de colonisation militaire de notre pays, quelques-uns des subterfuges dont la France s’est servis pour maintenir fermement sa main mise sur notre économie, nos finances, notre commerce et même notre culture. Mais si le Maroc a utilisé à son tour la force pour chasser la France coloniale, nos hauts responsables ont (supposément), pour des considérations que nous ne sommes pas bien placé pour en discuter, choisi une approche civilisée pour faire comprendre aux officiels français que le Maroc était un État-nation confirmé avant que ce ne fut le cas de la France et que notre pays tient à récupérer cette place dans le concert des nations. En somme, en bon prince, le Maroc semble leur dire, vous pouvez rester si vous le souhaitez et continuer vos activités chez nous, en même temps que d’autres pays UE,  mais en offrant des produits et/ou des prestations qui soient loyaux avec un rapport qualité/prix concurrentiel.

C’est exactement le genre de langage que les français refusent d’entendre tout en déniant aux marocains le droit d’avoir une telle attitude dans les rapports économico-commerciaux avec la France.

Le fait est que la colonisation relativement récente d’autres pays n’est pas une exclusivité de la France. Mais, si la Grande Bretagne, l’Espagne et d’autres pays ont renoué après coup des relations économiques et commerciales apaisées avec leurs anciennes colonies, cela ne semble pas être le cas de la France avec l’ensemble des pays de ses anciennes colonies. Il est difficile pour nous de savoir les raisons exactes de cette spécificité de la France coloniale. Nous pouvons seulement émettre des hypothèses.

Sous ce rapport, alors que j’étais Assistant-étudiant à Lausanne (Suisse) dans les années soixante-dix du siècle passé  (étudiant gradué mais non encore diplômé), je gagnais un peu d’argent (en encadrant les étudiants des premières années) mais pas suffisamment pour me payer un billet d’avion (qui coûtait cher à l’époque) pour revenir pour la fin d’année en question au Maroc (période sensible à passer seul pour un étranger). J’avais alors opté pour un voyage organisé de quelques jours pour visiter, entre autres, le Colisée et les Catacombes de Rome. Au retour, le train était plus que bondé. Epuisé de fatigue, j’avais ouvert machinalement la porte d’une cabine couchette. Je m’étais ensuite excusé et m’apprêtais à refermer la portière quand le client (allemand) qui dormait m’a prié de rester. Il m’a dit (en substance) : « Vous pouvez rester et vous asseoir ; en face (sur l’autre couchette) il y a ma femme. Nous sommes mariés depuis 49 ans et ne faisons plus beaucoup de bruit ». Ensuite, il a ajouté « Excusez mon français. Quand j’étais soldat à Paris tout le monde me parlait en allemand ».

On dit habituellement que les français parlent mal les langues étrangères. Mais là, en cinq ans (occupation allemande de la France), nombreux ont été les français et françaises qui ont avancé très rapidement dans l’apprentissage de la langue de l’occupant germanique. Ensuite, il faut bien le dire, la France a eu cette particularité (exclusive) d’être passée (sans transition) du statut de pays vassalisé par l’Allemagne à la suite d’une défaite avilissante au privilège et la charge de s’asseoir parmi le nombre restreint de puissances mondiales du Conseil de sécurité et de disposer d’un veto. Il s’agit d’une promotion fulgurante, voire enivrante, que la France voudrait maintenant conserver coûte que coûte, ce qui est parfaitement compréhensible. Mais, ne disposant pas de matières premières à faire valoir comme c’est le cas pour la Russie ou bien d’un savoir-faire industriel, économique et commercial  dont l’utilité est reconnue dans le monde entier comme la Chine, la France est réduite à vouloir asseoir son statut de « grande puissance » sur le maintien d’un Franc CFA et des relations commerciales avec ses anciennes colonies qui lui soient favorables, c’est-à-dire très préjudiciables pour nous autres ses ex-colonies. L’observation attentive de ce qui se passe actuellement dans le monde en général, et en Afrique en particulier, montre qu’il n’existe plus aucun pays sur cette planète prêt à se soumettre à ces conditions néocoloniales françaises.

D’un autre côté, les relations entre pays, commerciales et autres, sont une nécessité. Mais pour qu’elles durent,  elles doivent être basées sur une confiance éprouvée. Or, la présence coloniale militaire, ou bien économique et commerciale subséquente, de pays européens en Afrique dure depuis des siècles et a évolué d’un colonialisme basé sur la force militaire vers un néocolonialisme économique et commercial basé, entre autres, sur le mensonge, la tromperie et l’hypocrisie. Dans cette relation, nos pays africains sont toujours les perdants.

Prenant en considération la durée en siècles de  ces tromperies, mauvais engagements, hypocrisies, fourberies et autres cupidités des européens à l’égard de nous autres africains, il est très difficile pour les citoyens de notre Continent de faire confiance de nouveau aux officiels européens dont la parole a perdu toute crédibilité sur notre Continent.

Mais, en tant que gens civilisés, nous ne devons pas faire payer aux générations européennes futures le prix équivalent aux pillages et aux souffrances que leurs pays coloniaux ont occasionnées à nos nations. Cela ne remet toutefois pas en question la défiance que nos pays nourrissent à l’égard des dirigeants actuels des pays de l’Europe coloniale.

Il faudra donc, selon notre opinion, trouver un nouveau modus operandi pour remettre nos relations africaines avec les européens sur de nouvelles bases. Ceci étant, quelqu’un (pays colonial européen) qui a triché pendant des siècles trichera encore ce qui continuera de souiller durablement sa crédibilité.

Dans ces conditions, pourquoi ne pas subordonner l’acceptation de tout engagement futur d’un pays UE au cautionnement par une autre puissance (faisant office de tierce-partie habilitée) choisie de commun accord par l’Afrique et l’UE. On comprend bien qu’ils auront du mal à accepter la Russie comme parrain, mais ils pourront, par exemple, choisir entre la Chine et les USA.

La mise en forme de ce nouveau paradigme par l’Afrique pourrait mieux garantir la réussite de la mise en œuvre prochaine de la Zlecaf (zone de libre-échange continentale africaine).

Montée en puissance de l’Afrique

Depuis l’annonce de la nouvelle loi américaine dite : « Inflation Reduction Act » (IRA) de 2022, les européens  semblent éprouver des maux de tête en continu. Les hauts responsables UE ont tous exprimé, selon une nuance propre à chacun(e), leurs craintes de l’impact négatif que la loi en question aurait sur la compétitivité industrielle des pays de l’UE dans ce que l’on convient d’appeler l’Industrie verte. En effet, cette loi américaine accorde, entre autres, des avantages fiscaux aux industriels qui produisent localement des véhicules électriques qu’ils équipent de batteries fabriquées aux USA. Les pays UE considèrent que l’effet net de cette loi serait d’aspirer globalement les investissements, et les compétences, dans ce secteur d’avenir vers les Etats-Unis au détriment de la compétitivité UE. Il en découle actuellement Sous l’impulsion du Président français, Monsieur Emmanuel Macron comme un branle-bas de combat conduit par Thierry Breton, commissaire européen chargé du marché intérieur et de la politique industrielle, pour pousser les instances UE, qui sont très réceptives, à mettre en œuvre une réglementation réciproque à celle susmentionnée américaine pour empêcher une fuite supposée de capitaux et compétences vers l’Amérique. Telle qu’elle est présentée par les officiels européens, cette problématique définit l’UE comme championne toute catégorie de l’innovation pour l’Industrie verte alors que l’Amérique, qui jalouserait l’UE, voudrait lui chiper ce privilège en faisant miroiter des subsides et avantages fiscaux pour leurrer les grandes compétences européennes incluant les industriels.

Evidemment, il peut être tentant de sympathiser avec la thèse officielle européenne sus-évoquée pour considérer les Etats-Unis comme un mauvais joueur qui ferait miroiter des avantages de toutes sortes pour attirer des compétences industrielles UE sur son sol. Dans la réalité, rien n’est encore fait et les « cris d’orfraie » poussés par les européens pour le moment ne sont pas très convaincants.

D’abord, les européens n’avancent aucune preuve qui montre que les USA ont un réel besoin de capitaux ou compétences UE pour faire avancer leurs projets dans l’industrie verte.

Ensuite, en supposant (seulement) que les américains aient comme idée d’attirer des compétences européennes vers le marché US, le froissement dont les européens semblent faire preuve est davantage hypocrite qu’autre chose. Eux-mêmes appliquent cette pratique depuis toujours pour pousser nos compétences africaines à l’émigration pour le bénéfice de l’UE au détriment de l’Afrique. Alors, soit les pays UE ne savent pas de quoi ils parlent, ce qui serait étonnant, soit que, plus vraisemblablement, les raisons de leurs malaises sont ailleurs.

Sous ce rapport, au mois de Novembre passé, l’ambassadeur de France à Pékin critiquait ouvertement  contrairement au devoir de réserve exigé de ce type de fonction la « politique chinoise du zéro Covid dynamique « qui » a des répercussions sur les entreprises françaises présentes en Chine ». La France semble être le seul pays européen à s’être singularisé par cette déclaration. En effet, si la Chine avait fait une entorse aux règles de l’OMC, c’est la Commission UE qui aurait dû monter au créneau, ce qui n’a pas été le cas.

A présent, pour les doléances au sujet de la loi « Inflation Reduction Act », un autre porte-parole de Monsieur Emmanuel Macron, à savoir Monsieur Thierry Breton cité plus haut, mène la charge, cette fois contre les Etats-Unis. Cela devrait laisser penser que l’Industrie française serait davantage impactée négativement par cette loi que les autres pays de l’UE. Or, d’après un article du 13 janvier passé, le Der Spiegel indique que la France est moins industrialisée que d’autres pays UE et donc moins dépendante des marchés à l’export. Si tel est le cas, et il n’y a pas de raison de douter de l’affirmation de Der Spiegel, pourquoi, au sein de l’UE, la France est le pays le plus vociférant sur les Etats-Unis au sujet « Inflation Reduction Act » et sur la Chine au sujet de la politique « Zéro Covid ». Il ne nous est évidemment pas possible de le savoir avec exactitude. Mais l’attitude exacerbée de la France vis-à-vis de la Chine pourrait avoir des motifs différents des griefs qu’elle aurait vis-à-vis des USA. En effet, alors que l’Allemagne est devenue très attachée au marché chinois d’abord et avant tout parce qu’elle y écoule ses voitures et ses équipements pour l’Industrie; la France n’y exporte pas grand-chose d’industriel. Le problème c’est que l’approche chinoise pour faire respecter la doctrine du « Zéro Covid » a drastiquement réduit les déplacements des étrangers à l’intérieur du marché chinois. On suppose alors que des opérateurs commerciaux français se sont habitués à la souplesse d’aller où ils veulent en Chine pour, entre autres, commander toute sorte d’articles susceptibles d’être réaménagés pour un « Made in Europe » pour être écoulés sur notre continent avec de juteuses plus-values. Le durcissement des conditions de circulation des étrangers à l’intérieur de la Chine aura constitué un frein à cette pratique commerciale de nature spéculative particulièrement lucrative et sans risque.

Mais, cette hypothèse n’explique pas la rage des officiels français sur la loi américaine de « Inflation Reduction Act ». En effet, les exportations françaises de produits industriels sur le marché américain sont, contrairement à l’Allemagne, loin d’être significatifs pour expliquer les réactions exaspérées des officiels français à l’encontre de cette loi américaine sur la réduction de l’inflation. Alors, peut-être que le but des hauts responsables français est davantage de se faire entendre en Afrique qu’en Amérique et en Europe où les citoyens américains et européens  savent à quoi s’en tenir sur les intentions de l’Hexagone.

La vérité est que la tâche de la France   pour conserver sa place comme premier partenaire économique et commercial de plus du tiers de pays africains avec le rôle dévolu au franc CFA et enjoliver ainsi son rôle de « grande puissance » au sein du Conseil de Sécurité de l’ONU — devient moins simple jour après jour.

Alors que notre continent est à présent convoité par tout le monde, il était plus aisé pour la France de défendre ses positions contre la Chine, la Russie en arguant du manque de respect des principes démocratiques ou bien les droits de l’homme. Mais à présent que Joe Biden montre l’intérêt de l’Amérique de venir en Afrique, les arguments se feront plus difficiles à trouver. La loi du « Inflation Reduction Act » aura fourni un bon prétexte pour se dresser, sans en avoir l’air, contre les USA et faire d’une pierre deux coups : Apparaitre comme un leader européen aux yeux de l’opinion française devant laquelle Monsieur Macron est sévèrement jugé ces derniers temps et en même temps laisser l’impression aux africains en général, et à un Maroc qui prend ses distances en particulier, que la France est de taille à se mesurer aux plus grands de ce monde.

En réalité, la problématique de notre temps d’aujourd’hui peut se résumer au fait que les règles qui articulent notre monde actuel ont été établies il y a presque 80 ans et ont fait leur temps. Et quand quelque chose a fait son temps, on revient à la source pour établir de nouvelles règles. Or notre monde industriel a sa source dans la découverte de ressources énergétiques, charbon et pétrole en premier lieu. Mais, en absence de savoir-faire dûment établi pour exploiter correctement ces ressources, nos prédécesseurs ont dû travailler dur pour définir des voies de valorisation. Aujourd’hui, les données pour valoriser quoi que ce soit sont disponibles, accessibles et variées. L’entrée en jeu de nos pays africains qui disposent de grandes ressources va changer la face du monde en général et l’Afrique en particulier. Nous disposons en effet sur notre continent de beaucoup de Matières Premières, agroalimentaires et autres, qui ne demandent qu’à être valorisées par des méthodes et techniques qui existent et qui sont disponibles et accessibles.

L’Afrique est en mesure de se redresser pour tourner définitivement la page des misères de la colonisation et devenir un acteur qui compte dans ce nouveau monde pour peu que les africains acceptent de se libérer du joug de la propagande postcoloniale.

L’agroalimentaire monte en grade

En substance, les turbulences sévères que l’Europe postcoloniale vit depuis quelque temps, sans arriver à leur trouver de solutions, montrent que les règles et principes, qui ont régi les relations internationales depuis leur mise en place sous égide occidentale au lendemain de la deuxième grande guerre, sont devenus caducs.

Ceci étant, s’il y a un Continent qui n’a pas eu de voix au chapitre pendant la mise en place des règles susmentionnées c’est bien l’Afrique. Et pour cause, la quasi-totalité des territoires de notre Continent étaient en ce temps-là encore sous occupation coloniale européenne. Ensuite, en préparant des indépendances de façade de nos pays, les européens ont pris la précaution machiavélique de substituer à leur présence militaire une stratégie d’accaparement des richesses économiques et commerciales de nos pays colonisés pour leur propre profit. Rien n’aura été laissé au hasard dans cette stratégie d’appropriation avide de nos richesses économiques, financières, commerciales et même culturelles par les maîtres colonisateurs.

Ainsi, pour ce qui concerne l’intérêt de ce blog, les standards sanitaires et assimilés que les européens continuent de nous imposer directement pour nos exportations sur le marché UE ou bien même dans nos échanges interafricains par le biais d’organismes privés totalement acquis aux standards européens —, ont été conçus, rédigés et régulièrement actualisées et peaufinés par la suite jusqu’à nos jours pour (seulement) donner l’impression d’une objectivité scientifique. La réalité est que en conjuguant des standards élaborés pour le marché UE avec l’utilisation recommandée de procédures, matériel, consommable et équipement européens spécifiquement  désignés et des normes taillées sur mesure pour avantager les opérateurs européens du marché communautaire ces spécialistes de l’entourloupe rédactionnelle se sont systématiquement arrangés pour, tout en paraissant neutres, conforter leur marge de manœuvre pour retenir, chaque fois qu’ils l’ont souhaité, la décision qui leur convient le mieux aux traitements de nos exportations commerciales (blocage, refoulement, acceptation etc.) de produits alimentaires (nos archives).

Au bout du compte, le résultat est que nos pays sont toujours contraints de vendre leurs ressources naturelles pratiquement en l’état pour des clopinettes. S’agissant des fruits et légumes frais, notre faiblesse en tant qu’exportateurs est encore plus marquée en raison du risque accru de pourrissement rapide de ces denrées périssables. Par exemple, quoique le Maroc soit bien nanti par la nature pour le domaine agroalimentaire, nous sommes aujourd’hui encore à vendre nos produits frais aux européens qui les optimisent pour la durée de vie commerciale et nous les revendent en Afrique et ailleurs à des prix usuraires. Il faut le dire et le répéter, contrairement à une perception de propagande française totalement fausse, il n’a jamais été dans les intentions de la France coloniale ou postcoloniale d’initier une agro-industrie sur une base saine pour un bénéfice partagé avec  les marocains. On peut rappeler qu’il a fallu attendre la fin de la guerre froide et la mise en place, au début des années quatre-vingt-dix du siècle passé, d’un programme d’assistance et aide américaines, par le biais de l’USAID, pour que le Maroc soit mieux éclairé sur les faiblesses structurelles qui ont toujours entravé, entre autres, la valorisation dans notre pays de plantes aromatiques et médicinales, celle des olives et autres. Il est impossible que la France coloniale n’ait pas eu pleine connaissance de ces entraves sur le chemin du développement souhaité par le Maroc. Mais, selon nous, les responsables successifs concernés de l’Etat français, qui ont reçu de l’argent pour leur conseil, ont toujours choisi de fermer les yeux sur ces obstacles et autres pour continuer à profiter en exclusivité de nos richesses.

Ce comportement est appliqué par les autres décideurs européens en Afrique coloniale, notamment l’Afrique de l’Ouest, auparavant sous domination française. Il est utile de rappeler à ce niveau que, s’agissant du secteur agroalimentaire, la position française sur les normes au sein de l’UE est prépondérante.

Au jour d’aujourd’hui, il y a une large convergence de vue à l’échelle internationale sur le fait que nous avançons à grands pas vers un nouvel équilibre entre les nations en remplacement de l’ordre mondiale imposé par l’occident il y a bientôt quatre-vingt-ans. Les Etats Unis d’Amérique et la Chine sont pressentis pour avoir la part du lion dans la gestion économique et commerciale de ce nouvel ordre à venir. Aussi, tenant compte de  l’envergure géostratégique et l’ampleur considérable de ses ressources naturelles, la Russie continuera, selon toute vraisemblance, à jouer un rôle important sur le plan international, momentanément peut être au côté de la Chine.

Par contre, l’Europe, sans ressources propres notables et à bout de souffle, devrait constituer le laissé-pour-compte dans ce nouveau partage qui se profile pour le monde de demain.

A ce propos, les auteurs d’un article du Der Spiegel daté du 22 septembre passé (voir ici ), prédisent franchement un appauvrissement inéluctable de l’Allemagne et, par voie de conséquence, celui de l’Europe dans son ensemble dans les années à venir. Toutefois, certains responsables européens, français notamment, continuent de rêver d’un maintien de la prospérité européenne en misant sur une amélioration du commerce avec l’Afrique. Sachant qu’actuellement la France et l’UE se servent à volonté de pratiquement tous les biens que nous possédons, on ne voit pas très bien ce que  cette  amélioration du commerce de l’Europe avec notre Continent veut bien dire sinon davantage d’appauvrissement pour nos citoyens africains.

Quoiqu’il en soit, les européens oublient, ou affectent d’être amnésiques, qu’après plusieurs siècles d’une occupation qui confine à l’esclavage pur et dur, nous autres africains souhaitons à présent goûter à d’autres relations économiques et commerciales moins toxiques que celles que ces gens nous ont fait subir de façon continue pendant des siècles.

Par exemple, Monsieur Joe Biden, le  Président américain, accueillera en Décembre prochain à Washington, D.C., les chefs d’Etats et de gouvernements africains pour un sommet qui liste parmi les priorités à discuter la sécurité alimentaire. La disponibilité de la nourriture de manière équitable compte beaucoup pour nous en Afrique dans la mesure où c’est dans notre Continent où il y a le plus grand nombre de famine et de malnutrition. Dans ce cadre, il peut être raisonnable de considérer que lors de ce sommet, les américains accepteront volontiers des propositions d’aide et d’assistance pour améliorer le circuit du commerce interafricain de produits alimentaires pour donner un coup de pouce à la mise en place de la Zlecaf (Zone de Libre Echange Continentale Africaine). Le Maroc est bien évidemment un fervent défenseur de la mise en place de cette zone de libre-échange avec les pays frères africains. En témoigne les centaines de camions remorques de marchandises, dont beaucoup chargés de fruits et légumes frais, qui quittent chaque jour notre pays à destination de pays subsahariens. Mais encore une fois, ces produits doivent être consommés rapidement avant qu’ils ne soient perdus. Il en serait autrement si ces denrées avaient reçu des traitements pour garantir leur durée commerciale. Mais, c’est là que le bât blesse. Sachant que la Zlecaf n’est pas encore opérationnelle et que par ailleurs, et faute d’alternative, ce sont toujours les normes coloniales susmentionnées qui régentent encore nos échanges commerciaux interafricains de produits transformés par le biais d’organismes privés imposés par l’UE, nous restons doublement à la merci des donneurs d’ordre de Paris et Bruxelles. Pour sortir de ce carcan, il faudrait mettre sur la table des standards alternatifs aux normes imposées par l’UE qui soient plus objectifs et meilleurs.

Sous ce rapport, la FDA a porté assistance à l’Europe au lendemain de la deuxième guerre mondiale pour remettre sur pied des organismes de contrôle officiels européens qui avaient tout perdu pendant la guerre. Il serait étonnant que, si on le leur demandait formellement, les américains déclineraient d’aider l’Afrique à mettre sur pied ses propres organismes de contrôle adultes et objectifs. La demande devrait, selon nous, être formulée dans les règles par un organisme équivalent de la FDA en qui les pays africains et l’Amérique ont totale confiance. Bien évidemment, le Maroc a un accord de libre-échange avec les USA qui court depuis 2006. Quelqu’un peut supposer que l’ONSSA (Office National de Sécurité Sanitaire des produits Alimentaires), a eu largement le temps de faire ses preuves pour être considéré comme un partenaire crédible auprès des autorités américaines. La réalité est malheureusement toute autre.

Parmi les bêtises commises par l’ONSSA, je me rappelle avoir eu entre les mains la copie d’une note adressée par cet organisme de tutelle sur le secteur agroalimentaire marocain à des ambassades à Rabat pour leur demander de lui adresser en avance les spécifications de produits à exporter vers le Maroc rédigées en français !

La démarche est d’abord inconvenante pour un organisme de la stature de l’ONSSA de s’adresser directement, sans passer par « Qui de droit », à des ambassadeurs. Ensuite, les pseudo-responsables ONSSA en question ignorent que si la France elle-même a quelque chose d’utile à faire savoir, elle s’empresse de le publier d’abord en anglais. Alors, veut-on être plus royaliste que les rois au sein de l’ONSSA ! Heureusement le ridicule ne tue pas. Egalement, ce n’est pas avec ce genre de comportement que notre organisme de tutelle va améliorer son image de marque auprès de la FDA ou bien devant les autres organismes équivalents africains.

Mais il n’est peut-être pas trop tard pour le Maroc pour corriger le tir.

Enfin, nous rappelons au sujet du titre de cet article que les européens ont commencé à émigrer vers nos contrées et en Amérique parce qu’ils avaient froid et faim et que leurs pays n’arrivaient pas à nourrir leurs habitants. Une fois embourgeoisés, ces émigrés européens ont ensuite réduit l’importance du domaine agroalimentaire pour se nourrir bon marché à nos dépends et, au contraire, nous vendre une grande partie de leur camelote à des prix spéculatifs fixés par eux. Aujourd’hui, ils sentent bien que le danger d’avoir de nouveau froid et faim est de retour chez eux. Il nous incombe à nous de ne pas nous faire avoir une énième fois et d’exiger une rétribution correcte pour notre travail et pour notre export.

Désillusion du colonialisme européen en Afrique

Il y a une dizaine d’années, feu le Président français Jacques Chirac résumait avec humour certains revers de fortune par la formule « Les emmerdes ça vole toujours en escadrille ». Si l’expression est entrée depuis dans le langage courant, il est probable que la situation que vit à présent l’Europe est celle qui rend le mieux cette image. En effet, les pays du Continent européen font actuellement face en même temps à de multiples difficultés et obstacles tels que le Covid-19, apparu avant la guerre Russie/Ukraine mais toujours d’actualité, pénurie de gaz et autres matières premières, inflation galopante, renchérissement inédit des prix des produits alimentaires, croissance en berne, sécheresse sévère, feux de forêts, dégringolade de l’Euro face au Dollar, frondes et grèves des travailleurs pour des augmentations de salaire et j’en passe. L’entrée éventuelle des pays UE en récession est à présent sur toutes les lèvres.

Considérant cet état de fait, l’actuel Président français, Monsieur Emmanuel Macron, vient d’annoncer lors de son premier conseil des ministres de la présente rentrée que, en particulier, l’ère de l’abondance à laquelle la France-UE1 a été habituée jusqu’à présent est révolue. L’abondance est effectivement révolue pour toute l’Europe avec un ressenti qui peut se décliner différemment d’un pays à l’autre dû à leurs différents degrés de dépendance de l’énergie et autres matières premières importées.

1 : Nous utilisons ce terme à dessein car les officiels français qui viennent au Maroc rappellent régulièrement (les deux drapeaux à côté) qu’ils parlent au nom de la France et de l’UE.

Ceci étant dit, il est difficile de croire que cette profusion de catastrophes sans précédent, qui percute aujourd’hui sévèrement les pays de l’UE, soit le résultat du hasard ou bien de la guerre Russie/Ukraine stricto sensu. Mais, faute de mettre la main sur les raisons confirmées de cette débandade économique et commerciale européenne, prélude probable à une bascule de l’UE vers l’inconnu, nous pouvons toujours conjecturer pour essayer d’y voir un peu plus clair.

Tout d’abord, pour jouir de l’abondance et du sentiment d’insouciance dont la France-UE a profité jusqu’à aujourd’hui, aux dépens de nos populations africaines, nos voisins du nord ont eu recours au départ à la politique de la canonnière, enrichie ensuite d’une stratégie plusieurs fois centenaire savamment organisée d’appropriation, pour leur bénéfice exclusif, des circuits commerciaux et économiques des pays de notre Continent. Cela leur a permis de maintenir un niveau de vie qui est largement au-dessus de leur potentiel industriel et technologique actuel. En effet, ces pays manquent pour la plupart de ressources énergétiques propres à eux et la majorité des articles de grande consommation qu’ils produisent peuvent être achetés ailleurs dans le monde à de meilleurs rapports Qualité/Prix.

Malgré ces évidences, la perception du citoyen africain moyen vraisemblablement hanté par un complexe de soumission hérité de la période coloniale, conjugué à une propagande France-UE massive, diffuse, récurrente, régulièrement actualisée et embellie est que l’Europe est prospère notamment par ses ressources agroalimentaires et donc en mesure d’aider les africains pour se nourrir au moindre coût. C’est ce qui explique aussi le nombre toujours important de migrants de la faim qui tentent de rejoindre l’Europe. Sur le même sujet, il y a le message de quelques semaines en arrière, repris en boucle par les médias de France-UE, sur la guerre Russie/Ukraine qui perturbe énormément l’approvisionnement en céréales des pays africains et du Moyen-Orient. Curieusement, le message n’évoquait aucune perturbation sur les approvisionnements de l’UE (voir plus bas).

Mais, l’Europe n’ayant pas reçu mandat pour parler au nom de l’Organisation des Nations Unies, on peut s’interroger sur les ressorts éventuels qui sous-tendent les propos de Monsieur Josep Borrell, chef de la diplomatie européenne, dans sa déclaration du 22 Juillet passé comme quoi la reprise des exportations de céréales depuis l’Ukraine est une « question de vie ou de mort ». Les préoccupations de Monsieur Borrell dans son annonce devant la presse semblent largement dépasser celles du PAM (Programme Alimentaire Mondial), Organisme des nations Unies ayant pour mission la lutte contre la faim dans le monde. C’est peut être uniquement de l’altruisme de la part du représentant de la France-UE. Mais, le passé colonial de ces puissances qui est semé de pillages, vols et cupidité chez-nous en Afrique et ailleurs peut plaider pour d’autres motifs moins glorieux quoique peut-être plus difficiles à dévoiler (voir plus bas).

Pour illustrer notre propos, nous nous référons à cet exemple tiré de nos archives personnelles. A la fin des années quatre-vingt du siècle passé, nous avons, pour des considérations non reportées ici, décidé d’investir dans la valorisation des huiles essentielles. Dans ce cadre, j’ai été reçu par le premier responsable administratif (Caïd) de la plus grande zone de production d’huile de romarin dans la région Est du Maroc. Cet officiel a eu l’amabilité de faire venir le plus grand producteur artisanal d’huile de romarin de la région et nous a réunis dans son bureau dans le but de favoriser la naissance d’une collaboration. Mais le producteur en question m’a simplement déclaré qu’il n’avait pas de produit à me vendre car toute sa production (plusieurs dizaines de tonnes par an) lui était achetée et payée une année à l’avance par ses clients français.

C’est peut-être de cette manière que la France fait figurer dans ses listes d’articles exportés des produits qu’elle ne possède pas sur son sol.

Revenons à présent à nos céréales. Tous ceux que ça intéresse savent que Genève, qui abrite une multitude de sociétés spécialisées dans le commerce de matières premières agricoles, est la plaque tournante du commerce des céréales dans la zone Afrique/Moyen-Orient, qui reste une chasse (agroalimentaire) gardée de la  France-UE. Alors, à l’instar des clients France-UE du distillateur marocain évoqué plus haut, ces sociétés de spéculation achètent les céréales longtemps à l’avance, même s’ils peuvent les garder en stock en Ukraine ou ailleurs. Habituellement, ce sont ces sociétés qui revendent en Afrique et Moyen-Orient les céréales, qui les facturent et perçoivent l’argent avec option d’indiquer éventuellement l’origine de la marchandise. Pour cette raison, beaucoup de citoyens africains ont probablement vu pour la première fois des céréales chargées dans un port d’Ukraine à destination directe de l’Afrique/Moyen-Orient et pris conscience de l’importance de ce pays en tant que fournisseur majeur de céréales en dehors de notre « fournisseur de référence »  France-UE. Comme conséquence, il n’est pas besoin d’être grand clerc pour déduire le rôle réel joué auparavant par France-UE sur une bonne partie des céréales qui nous étaient vendues en Afrique et Moyen-Orient. C’est-à-dire un rôle essentiellement d’intermédiation et de spéculation sous couvert de sauver nos populations de la faim. Sous ce rapport, nous n’excluons pas que les propos de Monsieur Josep Borrell, rapportés plus haut, soient sincères. Toutefois, nous pensons vraiment que ces déclarations doivent lui avoir été soufflées par le lobby France-UE des céréales dont les membres ont effectivement de quoi être furieux d’avoir été écartés de leur marché le plus juteux, qu’ils risquent d’ailleurs de ne plus revoir à jamais. Nous supposons que l’inquiétude de ces spéculateurs de la place genevoise et ailleurs en France-UE doit être immense après qu’ils aient réalisé que l’UE n’a eu aucun rôle à jouer dans le déblocage des exportations des céréales ukrainiennes et que, au contraire, leur mise à l’écart de ces marchés a été à l’initiative de la Russie, aidée en cela par la Turquie, archennemi de la France-UE, et avec la bénédiction de Monsieur António Guterres, secrétaire général de l’ONU.

Aujourd’hui, les prix des denrées alimentaires d’origine animale ont augmenté significativement un peu partout en France-UE ce qui a conduit les responsables concernés à reconnaître que les perturbations de l’approvisionnement en céréales ukrainiennes sont en bonne partie responsable du renchérissement du panier de la ménagère en France-UE. Comme conséquence, et pour limiter l’impact négatif du renchérissement des denrées alimentaires, la France-UE a été obligée de montrer davantage de souplesse sur les normes sanitaires à l’importation de ces produits de base.

Bien évidemment cela contrarie les stratèges français qui avaient prévu de durcir davantage les normes sanitaires à l’adresse de tous ceux qui souhaitent exporter sur le marché UE en exigeant qu’ils mettent en place ce qu’ils appellent « Mirror clauses », à savoir des normes copiées sur celles en vigueur en France-UE.

Au Maroc, nous sommes directement touchés par les changements de normes de contrôle imposés par la France-UE. Sans aller dans trop de détails qui ne seraient pas forcément utiles à tout lecteur de cet article, il est bon de rappeler ici que le Maroc, membre adhérent au Codex Alimentarius (ci-après le Codex) répugne toujours à appliquer l’esprit et la lettre des recommandations de cet organisme onusien sur le contrôle des produits alimentaires. Par exemple, depuis le milieu des années quatre-vingt-dix du siècle passé, le Codex prône l’usage de l’approche HACCP pour apprécier le degré de salubrité de la nourriture. En essence, cela implique de s’assurer que le risque sanitaire durant la production de ces aliments est le plus bas possible. La mise en œuvre de ces recommandations renvoie explicitement à la maitrise du procédé de fabrication (Process) et à sa reproductibilité dans le temps. L’instrument de base le plus indiqué pour vérifier que les recommandations du Codex sont satisfaites est l’application des principes (largement connus à présent) du système HACCP (Hazard Analysis Critical Control Point). La loi 28-07 de sécurité sanitaire des produits alimentaires en vigueur au Maroc va exactement dans le même sens que le Codex. Mais, dans le travail de tous les jours, le HACCP est peu demandé par nos entreprises nationales. Ensuite, contrairement à ce qui se pratique ailleurs, l’absence de la mise en place du HACCP n’est pas considérée comme rédhibitoire par l’ONSSA. Au contraire, des responsables de cet organisme (c’est un secret de polichinelle) se servent d’intermédiaires initiés qui font aboutir l’inscription des entreprises auprès de l’ONSSA indépendamment de la mise en place ou nom du système HACCP. Ceci pose bien évidemment un risque difficile à évaluer sur la santé des consommateurs marocains. Si les gens de France-UE qui accréditent le travail de l’ONSSA ne se sont pas rendu compte de ce défaut majeur dans les prestations de cet organisme de tutelle, eux-mêmes doivent changer de boulot ou aller exercer leur besogne ailleurs.

Par exemple, le gouvernement marocain s’est engagé à intéresser les professionnels marocains (de l’agroalimentaire en particulier) à l’étranger pour venir investir dans leur pays d’origine. Parmi ces concitoyens, il y a bien évidemment les juifs marocains qui travaillent sur la Jordanie et Israël et exportent avec grand succès sur le grand marché américain. A signaler qu’il n’est pas possible à une entreprise d’exporter sur ce marché extrêmement lucratif en l’absence (au minimum) de la mise en place du système HACCP. Sachant que le Maroc  qui a un potentiel dans l’agroalimentaire autrement plus important que la Jordanie ou Israël  jouit d’un accord de libre-échange avec les USA, il y a toutes les chances que les citoyens marocains susmentionnés veuillent bien venir investir dans le secteur agroalimentaire au Maroc. Mais si ces spécialistes de l’export réalisent que l’ONSSA ferme les yeux sur les entreprises qui n’appliquent pas la loi sur le HACCP, ils seraient en droit de considérer cela comme de la concurrence déloyale.

Pour revenir au titre de cet article, nous rappellerons que le mythe (illusion) du colonialisme qui a consisté à conquérir un pays pour s’approprier la force de travail de sa population et ses ressources naturelles peut être considéré comme révolu à présent. Les adeptes de la France-UE à cette doctrine doivent dorénavant se préparer à un long réapprentissage  à travailler dur et à compter sur soi. La bascule mentionnée plus haut devrait être mise à profit pour cela.                                                                                              

L’export de notre industrie alimentaire à l’épreuve du feu

Les efforts visibles que le Maroc effectue depuis plusieurs années ne laissent pas de doute sur l’intention arrêtée du Royaume d’aller vers la valorisation industrielle de nos ressources agricoles en tant que produits finis. Le but affiché est d’en tirer un meilleur profit à l’export sur notre Continent africain et ailleurs. Il en découle que nos exploitants agricoles devront en toute logique être correctement  encadrés et mieux rémunérés à l’avenir pour un approvisionnement régulier des Unités de transformation industrielle permettant à celles-ci de travailler de manière régulière et sereine. Certaines de ces Unités sont en gestation alors que la mise en place est en cours pour d’autres à travers le Maroc. Un immense effort a également été fourni sur le plan de préparation ou de mise à niveau des infrastructures, routes, autoroutes, ports et autres besoins en logistique.

Au vu de tout cela, on est tenté de conclure que, pour nous autres intervenants sur le secteur agroalimentaire national, le but d’exporter davantage de produits finis « Made in Morocco » est déjà dans la poche. Mais cela serait, selon notre opinion, pour le moins prématuré.

En effet, il y a quelques semaines à peine, le Ministre de l’Industrie et du Commerce, Monsieur Ryad Mezzour, se plaignait devant les sénateurs marocains de ce que nos concitoyens dédaignaient les produits « Made in Morocco », de qualité supérieure selon le ministre, au profit de produits de moindre qualité importés de l’étranger.

Nous rappelons que la loi 28-07 de sécurité sanitaire des produits alimentaires est tout à fait claire comme quoi les Unités industrielles ont l’exigence de produire leurs articles alimentaires dans le respect de la loi indépendamment de la destination des produits (marché local ou export). Or, il n’y a pas besoin d’être grand clerc pour comprendre que si nos compatriotes dédaignent les produits fabriqués chez nous, les clients d’ailleurs ne vont pas se bousculer non plus pour les acheter. Il ne fait donc pas de doute à nos yeux que la déception de Monsieur le Ministre, que nous partageons, est sincère. Les méventes sur notre marché national de produits alimentaires fabriqués localement est un fait incontestable. Mais si le constat rappelé par Monsieur le Ministre est correct, la « pose du diagnostic » qu’il fait en tant que membre du gouvernement peut être sujet à caution. Car son « diagnostic » pourrait signifier, par exemple, que le consommateur marocain préfère acheter par principe des aliments venant de l’étranger. Et cela reviendrait, en somme, à mettre en question le comportement civique des consommateurs marocains. Sauf qu’une telle supposition est largement contredite par des exemples éloquents où les marocains n’ont pas hésité à témoigner leur solidarité pleine et entière à une cause nationale qui emporte leur adhésion. Si cette adhésion manque à présent pour ce qui est des achats de nourriture « Made in Morocco », c’est probablement que les défaillances ont davantage à voir avec la qualité même des aliments industriels qui sont offerts au consommateur marocain.

Pour mieux appréhender la problématique qui sous-tend la démarche d’achat de nourriture, il est utile de se souvenir que nous vivons dans un monde ou les canaux de communication sont très ouverts. Les marocains voient donc, via un média ou un autre, que chez nos voisins européens, ceux d’Amérique et d’ailleurs, les autorités de régulation annoncent régulièrement le retrait, ou le rappel, de produits alimentaires défectueux qui se trouvent soit dans les circuits commerciaux (non encore vendus) ou bien déjà achetés par le consommateur. Dans ce cadre, il faut savoir que les statistiques d’organismes spécialisés sur la gestion de la qualité de produits alimentaires montrent qu’en moyenne jusqu’à une proportion de 5% des produits fabriqués s’avère ensuite non conforme. C’est cette catégorie de produits qui fait l’objet de retrait ou de rappel chez nos partenaires européens et autres. Ceci étant, les consommateurs marocains n’ont jusqu’à présent pas eu la chance de voir cette démarche appliquée par l’Autorité de tutelle sur le secteur agroalimentaire chez-nous. Dans les faits, et à l’échelle d’un pays comme le Maroc, cela peut représenter des dizaines de milliers d’échantillons de produits qui sont dans les circuits de distribution et qui posent un danger potentiel sur la santé du consommateur. Alors, en l’absence de garantie de l’enlèvement éventuel par l’Autorité de tutelle de tels produits défectueux, le consommateur marocain préfère orienter ses achats vers des produits d’autres compétiteurs en importation.

Ces observations laissent penser que la suspicion du consommateur marocain à l’égard de la nourriture « Made in Morocco » trouverait son origine dans le manque de confiance dans le travail de l’Autorité de tutelle sur le secteur agroalimentaire.

Or, d’après la loi, cette charge revient formellement à l’ONSSA (Office National de Sécurité Sanitaire des produits Alimentaires), relevant du Ministère de l’Agriculture, qui est responsable de l’application de la loi 28-07 de sécurité sanitaire des aliments dans les entreprises et les établissements de production de nourriture.

Toutefois, les apparences sont parfois trompeuses. La réalité est que le contrôle de la qualité de ce que nous mangeons relève d’une autorité composite et éparpillée dont l’ONSSA constitue l’une des composantes seulement. A côté, d’autres organismes exercent au sein de cette tutelle nébuleuse sans que l’on sache qui dépend de qui et si ces fonctionnaires sont vraiment connectés entre eux. A titre d’exemple,

Il y a le Morocco Foodex — il s’agit du nouveau nom de l’EACCE (Etablissement Autonome de Contrôle et Coordination des Exportations), organisme crée dans les années quarante du siècle passé par le protectorat français pour veiller à la qualité des produits importés du Maroc par la métropole — qui est toujours là et fait un travail en principe supprimé par la loi 28-07 de sécurité sanitaire des aliments.

Il y a les Bureaux d’Hygiène municipaux, qui relèvent du Ministère de l’Intérieur, qui donnent les autorisations d’exercer aux traiteurs, aux restaurants et autres.

Il y a le LOARC (Laboratoire Officiel d’Analyses et de Recherche Chimiques), non lié directement à l’ONSSA. Ce laboratoire assume supposément l’entière responsabilité sur le travail de contrôle analytique des produits qui lui sont remis comprenant en cela les prélèvements d’échantillons. Ceci étant, le LOARC a souscrit à la délégation de sa responsabilité des prélèvements au profit d’entités privées sans responsabilité bien définie sous l’angle de la Sécurité Sanitaire des Aliments. Le laboratoire justifie cette mesure par une surcharge de travail. C’est possible. Mais cet organisme, qui a un monopole de fait sur les analyses de laboratoire, est parfaitement rentable et peut bien évidemment recruter plus de techniciens préleveurs s’il le souhaite. Selon nous, la raison de ce subterfuge (délégation des prélèvements à des organismes séparés) — hérité du service défunt de la  Répression des fraudes travaillant sous la défunte loi coercitive 13-84 du même nom — est ailleurs. En cas de défaillance sur les résultats de contrôle analytique, la détermination de la source de l’erreur, entre l’acte de prélèvement et les opérations d’analyses de laboratoire, s’avère inextricable. Cela permet à ces fonctionnaires de justifier de nombreuses années de service sans n’avoir jamais été inquiété par des mesures disciplinaires ou de justice.

Il y a également l’organisme appelé Imanor, relevant justement du ministère du commerce et d’industrie de Monsieur Ryad Mezzour, qui distribue à tous ceux qui le souhaitent toutes sortes de certifications. Or, la certification d’Unités privées par un organisme étatique (c’est-à-dire l’Etat) heurte de front les Bonnes Pratiques en vigueur ailleurs dans le monde.

En effet, la certification représente un service qu’un prestataire habilité fournit à une entreprise qui remplit les conditions réglementaires pour cela. Il s’agit d’un travail contractuel. Dans ce cadre, en cas où l’une des parties contractantes n’est pas satisfaite de sa relation avec le partenaire, éventualité qui fait partie de ce Business, il y a litige qui peut être résolu à l’amiable ou, à défaut, devant les tribunaux de commerce. Ces tribunaux ont pour mission d’agir vite pour garder un circuit commercial fluide. Mais dans le cas où un opérateur serait amené à  porter plainte contre l’Etat certificateur, il devra le faire devant les tribunaux administratifs dont le travail s’écarte notoirement de la rapidité d’exécution dévolue aux tribunaux de commerce. Ensuite, un litige avec l’Etat peut trainer des années ce qui est à l’opposé des attentes des opérateurs. Par ailleurs, l’Unité certifiée par l’Etat peut avoir la fausse impression d’être dans une position confortable qui n’exige pas de se faire assurer pour des cas de défaut sur ses produits. Cette impression est fausse, car selon la loi c’est le juge qui décide, au regard du dommage subi, de la compensation à  apporter au plaignant. Sans assurance, l’Unité peut donc être poussée à la faillite et la certification étatique ne lui sera d’aucun secours.

Si on regarde les choses de l’autre côté, un client étranger, par exemple, lésé par un fournisseur privé marocain certifié par l’Etat, aurait, en l’absence d’assurance, moins de garantie d’être compensé correctement en cas de litige commercial. Or, cette perspective fait partie des examens que les importateurs font avant de faire leur choix sur le fournisseur retenu d’un pays ou un autre.

Ce que nous venons d’évoquer dans ce qui précède est un  résumé succinct des incohérences et déficiences qui ternissent le travail des responsables chargés de veiller sur la qualité des aliments que nous consommons.

Il va sans dire que les organisations d’obédience européenne, comprenant les organismes d’accréditation, de certification, de lobbying et autres, qui pullulent chez nous, sont bien instruites de ces faiblesses de notre système de contrôle et d’expertise.

Pour le moment, le Maroc ne pose pas de risque commercial sur les exportateurs UE puisque les  Matières Premières que nous leur vendons leur servent plutôt de se remplir les poches. Mais au moment où le Maroc commencera sérieusement, comme il l’a planifié, à exporter des produits transformés, il sera catalogué comme un concurrent qu’il faudra abattre. Nul doute que les incohérences et faiblesses sus-évoquées seront alors soigneusement distillées pour nuire à la qualité et la salubrité de nos produits à l’export.

 La réalité est que nous manquons, en tant que nation, de crédibilité sur notre travail de contrôle et d’expertise pour le secteur agroalimentaire. Il devient urgent de mettre correctement en place ces structures en question et penser, dans le même temps, aux mesures d’accompagnement pour les pérenniser tout en les rendant plus robustes.

Notre ambition comme futur pays exportateur qui compte pour les produits alimentaires transformés  est à ce prix.

La démocratisation du savoir

Durant ces deux dernières années, la pandémie du Covid-19 a largement épuisé l’énergie, les ressources et la patience de la plupart des Etats de la planète. Ensuite, juste au moment où l’acuité du fléau semblait faiblir, et les pays affectés entrevoir un retour progressif à la vie habituelle, voilà que la guerre Russie/Ukraine vient chambouler ces prévisions optimistes et faire replonger de nombreuses nations dans l’incertitude du lendemain. Mais, contrairement au Covid-19, dont on ne sait pas grand-chose avec certitude sur l’origine, le déclenchement de la guerre sur l’Ukraine, que la Russie considère comme une simple  « opération militaire spéciale » pour stabiliser l’ethnie russophone de son voisin, est bel et bien revendiqué par la Russie.

Or, derrière les horreurs et le drame humain indescriptibles de cette guerre (non considérés ici), qui s’intensifient de jour en jour, il y a, en substance, des raisons et des calculs d’ordre politiques et géostratégiques, qui n’entrent cependant pas dans nos compétences ni dans le focus de ce Blog.

Par contre, les données d’information accessibles publiquement, que ce conflit armé est en train de révéler au grand jour au niveau des secteurs agricole et agroalimentaire européens et au-delà, sont d’un grand intérêt pour cet article. Nous allons donc essayer d’éclairer quelques facettes du chamboulement en cours au sein de l’Europe, qui affectent déjà leurs échanges dans les secteurs agro-industriel, énergétique et autres, pour mieux apprécier les changements considérables qui préfigurent à coup sûr l’arrivée d’un nouvel ordre mondial. L’ordre dont il s’agit, qui rejoint selon nous le but visé par le NMD (Nouveau Modèle de Développement) dont l’installation avance au Maroc (voir ici), est pressenti pour apporter plus d’équilibre dans les échanges entre les donneurs d’ordres actuels, l’UE en particulier, et nos différents Etats africains.

On peut déjà déduire à ce stade que l’ordre planétaire actuel,  sur lequel les pays de l’UE continuent  de régner en grande partie, basé sur l’exploitation effrénée (spoliation) des matières premières de pays pauvres, notablement africains    pour nous maintenir dans une situation de vassalisation pérenne vis à vis des lobbies européens   peut d’ores et déjà être considéré comme obsolète.

N’oublions pas que les pays européens qui nous ont colonisés, qui ont pillé nos ressources et maintiennent à ce jour les économies de nos territoires sous leur tutelle, ont toujours clamé haut et fort, la main sur le cœur, y compris devant des instances onusiennes, qu’ils ne veulent que du bien à nos pays africains et que toutes leurs actions sont prévues pour nous venir en aide et permettre progrès et développement à l’Afrique. Evidemment, nous comprenons mal pourquoi, à contrecourant de cette thèse, les métropoles en question ont systématiquement refusé d’investir dans l’amélioration de nos Ecoles supérieures et Universités publiques. Ils continuent de préférer la formation de nos élites locales dans leurs propres structures. A y regarder de plus près, c’est peut-être plus facile pour eux dans ces conditions de faire le tri, parmi les candidats en formation, entre celles et ceux qui sont acquis au paradigme de l’« Indépendance dans l’interdépendance » (autre forme de subordination), qui devront ensuite être aidé(e)s par tout moyen pour une insertion réussie dans leur pays d’origine (vassal) pour servir les intérêts de ces Métropoles et celles et ceux qui sont réfractaires à ce dictat et qui doivent être tenus à l’œil.

Nous avons des informations robustes dans nos archives qui montrent le recours à cette dernière pratique.

Sur ce plan, on peut aussi mentionner que le soin que les Etats de l’UE apportent à la formation d’une bonne partie de l’élite de notre Continent résigné, pour en faire sorte de « courroie de promotion » de la conception UE de coopération avec nos pays au bénéfice des lobbies européens, est une vision définitivement coloniale. Cette approche, que les pays UE essaient de faire perdurer coûte que coûte, aura été intimement liée à la disponibilité et aux conditions de circulation de l’information (ou savoir), notamment de type scientifique et technique.

Dans ce cadre, et jusqu’à récemment, le savoir était obtenu principalement par le biais d’organismes étatiques  spécialisés : Ecoles supérieures, Universités, Bibliothèques et autres. Or, les européens, qui ont activement travaillé au délabrement de nos sociétés depuis des siècles, savent très bien que les prestations de nos structures susmentionnées ont été rarement efficientes à cause, principalement, du manque de moyens. Donc, pour les membres de l’UE, le maintien de nos institutions en question en l’état était en soi un gage de la continuité de notre vassalisation vis-à-vis de nos ex-colonisateurs. Ceci évidemment avec la précaution supplémentaire de tenir  sous contrôle les « élites réfractaires » évoquées plus haut pour que « elles » ou bien « ils » ne perturbent pas ce « statu quo » en favorisant la transmission du savoir une fois rentré(e)s chez eux. Autrement dit, les responsables des pays européens, « équivalents modernes » des romains des temps anciens, semblent avoir défini une fois pour toutes la place des pays de notre Continent et celles des pays de l’UE. A nous les africains devait revenir le travail informel, bâclé et sous-payé pour une consommation locale et à eux, les « nantis du savoir », devait revenir « par essence » le travail supposément structuré, de qualité et bien rémunéré, éligible à une exportation. Il en découle que les pays de l’UE ressentent comme un besoin vital pour eux de continuer à disposer exclusivement du Savoir-faire, par exemple de comment mettre en valeur les matières premières pour les conserver plus longtemps et en tirer commercialement le meilleur profit, et que nous, les incompétents, devrions continuer à nous contenter de leur vendre ces ressources pour des clopinettes.

Ensuite, nous sommes bien sûr obligés de leur racheter nos propres Matières Premières sous forme de « Produits Finis » en Euro et à des prix spéculatifs.

Ceci étant, le monde évolue et la remise en cause du « statu quo », tant craint  par les ex-colonisateurs, est finalement venue de là où on ne le soupçonnait pas. Il s’agit du développement de l’Internet où les Etats Unis d’Amérique ont le plus lourdement investi. Ce réseau informatique mondial a largement contribué à démocratiser le savoir et le Savoir-faire. Sous ce rapport  considérant que les performances des plates-formes électroniques pour l’importation sur le marché US de produits agroalimentaires ont une bonne longueur d’avance sur les portails européens censés jouer le même rôle , il est plus facile didactiquement d’exporter les produits alimentaires africains sur le marché US que de le faire sur le marché UE. Nous comprenons par-là qu’un producteur et/ou fabricant et/ou fournisseur et/ou distributeur, qui a fait un petit effort en anglais, qui travaille selon les règles, qui est en mesure d’utiliser quelques outils que procure l’Internet, peut très bien gérer les opérations d’enregistrement de ses produits et obtenir sans délai sur le portail FDA les numéros de codes correspondants pour l’export. Ensuite, l’intéressé(e) est en droit de démarcher les acheteurs potentiels de son choix pour vendre et écouler les produits en question à l’international sur les marchés US et/ou d’obédience FDA, qui sont les plus nombreux dans le monde. Ce professionnel peut, dans le même temps, s’informer sur la validité de protocoles de fabrications (Processes) d’intérêt pour lui et retenir le procédé qui convient le mieux à son produit en conformité de la loi.

Tout cela peut être fait par biais de l’Internet gratuitement et sans intermédiaire.

Au contraire, l’export sur le marché UE est loin d’offrir, selon notre opinion, autant d’informations utiles et didactiques ainsi que des conditions d’accès aussi rapides et sans frais. De plus, le passage par le facteur humain (intermédiaire) reste très largement répandu pour l’accès au marché européen. Ce handicap génère des frais supplémentaires pour le producteur/fabricant, renchérit son prix de revient et diminue sa compétitivité.

Par ailleurs, le passage forcé par des intermédiaires peut également constituer une porte ouverte sur toutes sortes de fraudes ou d’abus financiers et autres. Sous ce rapport, cet exemple tiré de nos archives : Un exportateur marocain, chez qui nous avions antérieurement effectué une prestation, nous a confié (et montré des échantillons du produit en question) que sur demande expresse d’un acheteur domicilié à Paris, il a été amené à préparer et lui vendre de l’huile d’argan dans des conditions particulières. Le produit exporté en bouteilles d’un demi-litre (emballage courant pour l’alimentaire) devait aller (soi-disant) pour la consommation humaine. En fait, l’intermédiaire le reconditionnait sur place en plus petits formats pour une vente (beaucoup plus rentable) en tant que produit cosmétique*. L’opération est frauduleuse bien évidemment mais il est intéressant de noter que l’initiation de la fraude vient de ces personnes mêmes qui nous reprochent notre manque d’adhésion à la loi ! Tout ceci au nez et à la barbe de leurs services de répression des fraudes.

*: La vitamine « E », dont les vertus sont recherchées dans la version cosmétique de l’huile d’argan, est en fait détruite suite au traitement par la chaleur exigé réglementairement pour la version alimentaire de l’huile.

En réalité, la vision que les européens continuent d’avoir de nous autres africains dérive du fait que ces gens persistent, contrairement à tout bon sens, à nous voir à travers le prisme du colonisateur et, pour eux, nous devons rester éternellement une vache à lait. Dans cet esprit, le maintien du statu quo susmentionné est censé rassurer ces gens qu’ils ont toujours la haute main sur nos ressources et nos activités économiques.

Curieusement, c’est là aussi que réside, selon nous, le mauvais calcul des européens. La mauvaise idée aura consisté  à croire qu’ils peuvent empêcher indéfiniment, en particulier, tout le Continent africain d’accéder aux connaissances dont nous avons besoin pour nous faire une place correcte parmi les nations. A ce propos, plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest s’évertuent depuis des décennies pour réaliser dans cette partie de notre région une industrie laitière mais sans succès. Les ex-colonisateurs ont non seulement gardé la possibilité, par moyen du système de gestion du Franc CFA qu’ils ont mis en place, de bloquer des crédits bancaires pour des projets de ce type dont ils n’en veulent pas ; Mais ils persistent à ce jour à inonder les marchés de cette zone de poudres de lait en dumping commercial pour enterrer toute perspective de rentabiliser l’émergence d’une telle industrie locale.

Aujourd’hui on sait, d’après les informations révélées au cours de ce conflit Russie/Ukraine, que la surabondance de poudre de lait UE était possible parce que, en bonne partie, les européens s’approvisionnaient en céréales ukrainiennes (maïs, orge et autres) pour leurs vaches laitières à des prix dérisoires,  comme les prix ridicules qu’ils paient pour nos matières premières africaines. Nous savons également que depuis le déclenchement de la guerre susmentionnée, la possibilité d’acheter des céréales ukrainiennes à un prix bas imposé par les structures de l’UE a définitivement pris fin. Pire encore pour les européens, il est très peu probable que l’UE puisse revoir à l’avenir ce type d’opportunités n’importe où dans le monde.

En somme, l’Afrique de l’Ouest pourra enfin envisager de réaliser ses unités de production laitière et autres projets industriels loin des interférences UE. En effet, nos voisins du nord seront probablement très occupés dans les prochaines années à réfléchir sur les moyens de survivre selon les règles à venir que le nouvel ordre mondial ne manquera pas d’imposer à tout le monde.

En définitive, les européens ne sont pas vraiment des équivalents modernes de l’Empire romain. Ce dernier a duré huit cent ans alors que l’«Ambition impériale UE» aura été stoppée après moins de quatre siècles.

En guise de conclusion, les pays de l’UE doivent dorénavant, selon nous, se préparer sérieusement — comme la Chine le leur faisait comprendre auparavant et la Russie actuellement — à accepter, dans le nouvel ordre mondial en cours de mise en place, de prendre la position que leurs propres ressources leur permettront d’occuper. Et pour nous autres africains, le temps est venu de comprendre que notre ambition entrepreneuriale aura de meilleures chances d’aboutir en puisant nos  informations (raisonnablement vérifiées) dans le réseau de  l’Internet, comprenant le Codex-Alimentarius, la FAO et autres, qu’en nous remettant à l’assistance déficiente de l’Europe.

Le Maroc à la croisée des chemins

Au Maroc, et vraisemblablement ailleurs aussi, nous savons tous que les conflits relatifs aux questions de l’héritage sont parmi  les plus durs à résoudre. Ceci parce que bon nombre d’entre nous connaissent, de près ou de loin, une histoire ou une autre d’héritage qui a altéré le sentiment d’appartenance à une famille ou une tribu.

Ceci étant, la problématique de l’héritage dans son acception globale, indépendamment de toute autre considération, dérive de codes et de coutumes qui remontent loin dans le temps aussi bien chez nous en Afrique que chez nos voisins de la rive nord de la méditerranée. Ainsi, chez des européens, il était admis que quelqu’un puisse revendiquer un terrain comme sa propriété (et en jouir comme d’un héritage) s’il a exploité l’endroit en question pendant quelques dizaines d’années en l’absence d’une autre réclamation formelle. En prenant cette perspective, il est permis de déduire que les descendants de peuplades européennes, qui ont colonisé pendant plusieurs siècles et partagé le continent africain selon leur désir, en étouffant dans l’œuf toute velléité de contestation — avant d’accorder à nos pays des indépendances souvent de façade — en soient venus à considérer nos territoires comme les leurs sans partage. On comprend mieux ensuite comment ces gens  peuvent trouver insupportable que d’autres puissances comme la Chine, la Russie, la Turquie, l’Inde, le Japon et autres tentent, à leurs yeux, de leur disputer la prééminence sur les échanges d’ordre économiques et commerciaux avec notre Continent. L’UE semble avoir développé envers nos pays africains un sentiment de possessivité étouffante.

Dans cette perspective, le 6ème sommet UE-UA (Union Européenne-Union Africaine) de ce mois de Février (initialement prévu en 2020 et reporté à deux reprises) doit servir à l’UE, selon des informations préliminaires disponibles, de montrer sa détermination à reprendre la main sur les puissances citées plus haut et autres, qui n’ont cessé ces dernières décennies de gagner des parts de marchés africains aux dépens des européens. Le plus grand bénéficiaire des échanges commerciaux et économiques avec notre Continent à présent est la Chine. Comme conséquence, l’Empire du milieu pose dorénavant le risque le plus sérieux sur la continuation comme avant des échanges commerciaux UE avec l’Afrique, particulièrement  par son initiative des « Nouvelles routes de la soie » (Belt and Road Initiative) en cours de réalisation.

L’UE affirme vouloir concurrencer ce projet chinois et, dans ce but, a promis de mettre sur la table plusieurs centaines de milliards d’Euro d’investissement sur le moyen terme au bénéfice des pays africains à travers leur projet dénommé « Global Gateway ».

Mais, coïncidant avec les nombreux problèmes soulevés par la présence indésirable de soldats de plusieurs pays européens au Mali et ailleurs, il y a ici en Afrique peu d’échos aux sollicitudes européennes susmentionnées. Nos pays n’ont pas l’air de donner énormément de crédit à ces propositions et semblent plutôt adopter une attitude sage de « wait and see » pour l’instant. Il n’y a pas d’explication formelle sur l’absence d’enthousiasme de nos dirigeants à l’égard de ces promesses de financements à venir de l’UE chez-nous. Ceci nous laisse libre de conjecturer sur les raisons derrière ce qui peut être perçu comme des réserves africaines sur de possibles investissements à venir des européens dans notre Continent.

Parmi les raisons possibles à ces réticences, il y a bien évidemment la pandémie du Covid-19, toujours là sans que l’on sache quand elle prendra fin. En soi, cette incertitude handicape l’activité économique normale, complique la prise de décisions sur des investissements et oblige par conséquent à une réflexion de la part de nos pays africains au sujet du choix de nos partenaires futurs pour nos échanges à l’international.

Il y a également les bruits de bottes au niveau des frontières à l’Est de l’UE. Les médias en parlent sans qu’il soit clair si l’Europe continentale trouvera un terrain d’entente avec la Russie ou, sinon, combien durera cette crispation ou bien si nous sommes à la veille d’une guerre qui va réellement éclater. Mais pour l’UE, il s’agit d’un problème de taille avec leur plus grand fournisseur de produits énergétiques auquel ils doivent trouver une issue en urgence avant de penser à l’activité économique en temps normal à travers le « Global Gateway » ou autre. Cela donne dans le même temps des arguments à nos dirigeants africains  pour surseoir aux demandes pressantes des pays UE, menés par la France, qui souhaitent, selon notre appréciation, prolonger à leur guise des pratiques commerciales, dont ils sont seuls à profiter, avec les pays de notre Continent.

Sur un autre plan, l’Afrique a bien voulu croire un temps aux promesses que les européens n’ont cessé de nous ressasser depuis plus d’un demi-siècle comme quoi  l’Europe est une superpuissance agro-industrielle et, par conséquent, agira comme une locomotive robuste pour tirer dans son sillage les secteurs agroalimentaires de nos pays africains. Mais, à voir l’exploitation, uniquement pour leurs bénéfices, que font les européens des richesses de nos secteurs en question, personne ne croit plus à ces illusions. Ensuite, vient le fait que les standards autoproclamés que l’UE s’est fabriqués pour blinder ses avantages autour de milliers de produits qu’ils ont regroupés sous les thèmes d’AOC et/ou AOP et/ou IGP — respectivement Appellation d’Origine Contrôlée, Appellation d’Origine Protégée, Indication Géographique Protégée — et autres privilèges auto-attribués, ont cessé de tromper les marchés internationaux qui commencent progressivement à ne plus en tenir compte. A titre d’exemple, le retrait de telles protections pour le Champagne en Russie et le fromage Gruyère aux Etats Unis.

Ces éléments, et d’autres rapportés chaque jour dans la presse internationale, montrent clairement que l’UE a perdu depuis un bon moment les moyens de sa politique de prestige même si sa propagande en direction de l’Afrique sur sa stature continue comme si de rien n’était. La locomotive UE est en réalité à bout de souffle mais tient encore parce que remorquée par une monnaie fiduciaire, l’Euro que, en dehors de l’Europe, nous sommes en Afrique ses utilisateurs principaux dans le monde. Mieux encore, l’UE a arrimé le Franc CFA à l’Euro pour leur permettre de maintenir davantage sous contrôle une bonne partie de l’économie et du commerce africains.

Dans ce contexte, l’exemple ukrainien, pays dont les médias parlent beaucoup en ce moment, est instructif. Voilà un pays qui a fait tout son possible pour se ranger du côté des européens et qui se trouve en fin de compte face au risque d’être réabsorbé par la Russie et revenir à la situation d’asservissement où il était du temps de l’empire soviétique. Tout cela parce que l’UE « manque de punch » et a choisi la voie facile (phénicienne) du commerce et du profit (un pays sur les 27 veut se démarquer), pour optimiser davantage encore leurs profits commerciaux, en laissant le soin d’une défense crédible des frontières à d’autres. Or, si l’Ukraine est à ce point objet de convoitises de part et d’autre c’est qu’elle constitue, en substance, une puissance agricole et agroalimentaire de stature internationale. Le pays dispose d’une surface arable plus étendue que celle reconnue à la France métropolitaine et représente pour cela l’un des principaux exportateurs mondiaux de céréales. Selon une appréciation générale, la Russie ne fait pas beaucoup de cas de l’attitude européenne dans le conflit actuel sur l’Ukraine et, si elle n’est pas déjà passé à l’acte pour annexer son voisin, c’est simplement parce qu’elle ignore le degré de nuisance que les USA peuvent lui créer dans un tel scénario.

Le cas du Maroc est, selon nous, comparable à la situation de l’Ukraine. Notre pays est également une puissance en consolidation dans le domaine agricole et agroalimentaire, comprenant le secteur de l’industrie de la pêche, et constitue l’objet d’attentions de nombreux pays à travers le monde. Mais, le maillage tissé autour de notre économie par les européens depuis plus d’un siècle nous a rendu esclave du marché de l’UE. Le NMD (Nouveau Modèle de Développement) ambitionne de nous libérer de cet asservissement et nous attendons vivement que ce souhait s’accomplisse.

Sous ce rapport, les responsables qui supervisent la mise en œuvre du NMD doivent, en ce qui nous concerne, se rappeler que nos exportations agroalimentaires, en vue de diversifier nos débouchés à l’extérieur, resteront fragilisées tant que nous manquerons d’une expertise marocaine propre. Preuve en est l’exemple qui suit, tiré de nos archives.

Au début des années quatre-vingt-dix du siècle passé, une cargaison de lait concentré, arrivée à Casablanca,  avait été bloquée par nos douanes. Le lait provenant d’Ukraine était en fait destiné au marché anglais. Mais, les autorités de ce pays l’avaient refoulé pour la raison qu’il posait un risque sanitaire d’origine nucléaire (conséquence présumée de la catastrophe nucléaire de Tchernobyl) sur la santé du consommateur britannique. Le Directeur de l’époque de la SGS à Casablanca m’avait contacté pour une entrevue et remis ensuite copie du dossier pour une éventuelle expertise à extension judiciaire. Je m’étais alors entretenu du sujet en ce temps-là  avec un haut magistrat de mes amis pour avoir son point de vue. Nous en avons longuement discuté (détails non reportés dans cet article) à la suite de quoi, j’avais décliné l’offre d’effectuer ce travail. Le produit a été refoulé également du marché marocain.

Mais la SGS de Casablanca n’avait pas expertisé le produit non plus. Renseignement pris, il s’avère que cet organisme, et d’autres structures équivalentes, qui sont ensemble des filiales d’organismes européens qui exercent sur le même créneau d’expertises chez-nous, n’ont pas la compétence juridique pour plaider ce type de dossier devant nos tribunaux. Notre loi, comme celles en vigueur ailleurs, réserve ce privilège aux experts nationaux.

Ceci dit, tous les professionnels savent que ces organismes d’obédience européenne font la pluie et le beau temps au Maroc sur le créneau de l’expertise agroalimentaire. Sur ce plan, les documents qu’ils émettent sont pris en considération par nos autorités de tutelle sur le secteur en question à commencer par l’ONSSA. On peut alors se demander si nos autorités nationales en question, dont la mission est définie par la loi marocaine, obéissent à des lois extraterritoriales chaque fois qu’ils doivent se prononcer sur la validité d’un document ou un autre émis par ces organismes qui ont pris l’habitude d’agir en  « cow-boys » chez-nous.

Cela nous conduit à poser une autre question, autrement dit si nos parlementaires savent s’occuper d’autre chose que de la politique politicienne ?

Au demeurant, le titre de cet article aurait tout aussi pu être « l’Afrique à la croisée des chemins ».

Le NMD pour booster l’export

Le Maroc a commencé la mise en place du Nouveau Modèle de Développement (NMD) auquel Sa Majesté le Roi Mohammed VI a appelé et dont nous avons parlé dans un précédent article (voir ici ). Ainsi, le nouveau ministre de l’Education nationale, du Préscolaire et des Sports, Monsieur Chakib Benmoussa, vient de procéder à la refonte des conditions de recrutement des professeurs pour enseigner dans les écoles publiques marocaines. Il est vrai que la formation scolaire au Maroc demande une mise à niveau en urgence tant cette  déficience de l’école publique chez-nous a accompagné tous les gouvernements depuis plus de cinquante ans.

Mais d’autres compétences sont mieux placées que nous pour commenter sur les tenants et les aboutissants de ce syndrome.

Ce qui retient l’attention pour le moment c’est la pédagogie sereine et tranquille, mais ferme, avec laquelle Monsieur Benmoussa aborde la remise à plat de ce chantier complexe, qui a été très politisé par différents partis politiques relayés par leurs syndicats respectifs. Pour user d’une image, nous dirions que le ministre essaie de faire comprendre à qui veut bien écouter que, en somme, quand un corps est malade, que le diagnostic a été correctement posé, le patient (ici l’enseignement) doit, pour se rétablir,  prendre les remèdes prescrits en dehors de toute autre considération.

L’argumentaire de Monsieur Benmoussa semble raisonnable et Monsieur le Ministre commence déjà à avoir de son côté les personnes de bonne volonté.

Ceci étant dit, nous ne devons pas oublier que le NMD a mis en lumière de nombreux « autres corps malades » de notre tissu économique. Il s’ensuit que, en plus de Monsieur Benmoussa, il sera nécessaire de prévoir autant de solutionneurs pour remettre de l’ordre dans nombre de secteurs d’activités vitales du Maroc.

Dans ce blog, nous nous intéressons davantage au secteur agroalimentaire dans lequel règne, jusqu’à présent, une gabegie de nature comparable à celle que vit le secteur de l’enseignement et qui nécessite à son tour la nomination rapide d’un solutionneur.

En ce qui concerne l’indigence de notre enseignement, Monsieur le ministre a indiqué, lors d’une interview dernièrement à une chaine de télévision nationale, que 70% des élèves marocains de quinze ans ne savaient ni lire ni écrire correctement ou faire des opérations de mathématiques. Sous ce rapport, le degré de performance de notre secteur agroalimentaire est tout aussi terne ! En effet, il suffit d’un simple petit tour dans une grande surface pour voir que plus de 75 pour cent des aliments produits industriellement offerts à la vente sont d’origines étrangères, ou fabriquées sous de telles licences. Cela donne la mesure de notre très haute dépendance sur l’import de cette catégorie importante de produits et, par voie de conséquence, le retard énorme que nous devons rattraper pour nous rapprocher d’une souveraineté alimentaire.

Il est légitime de rappeler ici que la crucialité de la souveraineté alimentaire pour de nombreux pays est apparue au grand jour à l’occasion de la présente pandémie du Covid-19.

S’agissant du Maroc où les matières premières alimentaires, et autres substances qui vont avec, sont produites sur notre sol et en abondance, l’impression que peut avoir le consommateur national moyen est que nous ne sommes pas bons pour mettre en œuvre chez-nous des protocoles industriels pour la fabrication de  produits finis de longue durée. En quelque sorte, nous serions des cancres pour ce type d’opérations. Ceci d’autant plus que les procédés pour fabriquer de tels produits sont dans la majorité des cas dans le domaine public, donc accessibles à tous. Comme corollaire de ce constat, des opportunistes, majoritairement européens, achètent chez-nous des légumes, fruits et autres matières, très bon marché (parce que périssables), en font des produits finis de longue conservation et nous les revendent à des prix spéculatifs générant pour eux des marges bénéficiaires mirobolantes.

A ce propos, dans l’accord commercial qui nous lie aux européens, nos exportations de produits agricoles (d’origine végétale) sont soumises à des quotas  qui limitent nos possibilités d’export de ces produits en volume et, étant obligés de les brader parce que périssables, la vente de ces produits frais ne nous rapporte pas grand-chose en valeur non plus. L’accord en question ne nous limite pas pour l’export de produits transformés de longue durée. Mais là également, notre performance sur le marché UE est médiocre.

Sur ce plan, il est intéressant de noter la divergence entre l’éloge que font occasionnellement les instances d’accréditation UE, françaises notamment, du travail de nos organismes officiels de contrôle des produits alimentaires d’un côté et, de l’autre, le blocage fréquent de l’entrée sur leurs marchés de ces mêmes produits finis déjà contrôlés au Maroc.

Mais, la médiocrité de nos prestations à l’export se voit également sur d’autres marchés extérieurs. Ainsi, Monsieur Hassan Sentissi Idrissi, Président de l’Association Marocaine des Exportateurs (ASMEX) a indiqué dans une interview en date de février 2019 au journal électronique Morocco World News que les américains profitaient mieux que nous de l’accord de libre-échange qui nous lie aux USA. D’après le patron de l’ASMEX,  nos petites et moyennes entreprises ne sont pas familières des « procédures complexes » qui régissent l’import sur le marché US. Monsieur Sentissi ajoute que, selon lui « Cet accord [de libre échange] doit être revu de manière à prendre en compte la réalité des [petites et moyennes entreprises] marocaines ». C’est, en somme, un appel du pied aux américains pour leur demander d’assouplir, voire d’édulcorer leurs règles d’accès au marché US pour rendre ces règles davantage à la portée des membres exportateurs évoqués par Monsieur Sentissi.

Bien évidemment, il n’est pas interdit à un responsable de militer au nom des membres de son association pour plus de souplesse dans les standards  d’accès à un marché donné. Mais, Monsieur Sentissi est bien placé pour savoir que la Food Safety Modernization Act (FSMA), réglementation américaine pour les produits frais et transformés du secteur agroalimentaire, déjà en vigueur au moment de son interview susmentionnée,  a apporté des solutions innovantes pour faciliter l’accès au marché US à toutes les entreprises du domaine agroalimentaire, sur le même pied d’égalité que leurs collègues américaines. En effet, la FSMA a réduit les démarches administratives et permis aux entreprises  l’inscription auprès de la FDA, directe et immédiate, de la conformité de leurs produits sans intermédiaire et sans frais pour eux. Ceci signifie qu’un responsable désigné par l’entreprise, défini dans la FSMA sous le qualificatif  de Preventive Control Qualified Individual (PCQI), est simplement invité à introduire sur la plateforme électronique dédiée de la FDA les produits que son entreprise souhaite exporter sur le marché US en indiquant les caractéristiques réglementaires de ces produits. Une fois cette opération terminée, l’entreprise est libre de proposer les produits, qui auront alors reçu un code d’enregistrement, à la vente aux importateurs américains de son choix aux conditions commerciales qui conviennent à l’entreprise productrice.

Par ailleurs, si antérieurement les questions/réponses de la FDA (en anglais), pour cerner la qualité des produits,  pouvaient freiner quelque peu l’enthousiasme de certains exportateurs potentiels nationaux, la maîtrise de l’anglais est à présent largement répandue. Pour ceux qui ont encore un retard là-dessus, la FDA a mis en place, sous ce rapport, les chapitres d’intérêt de la réglementation pour les exportateurs étrangers en versions traduites dans plusieurs langues au choix.

Il est clair cependant que les informations sur l’accès au marché américain, celles susmentionnées et autres, doivent être mieux relayées par ONSSA et Foodex-EACCE, organismes de tutelle sur le secteur agroalimentaire national dont c’est le rôle, pour permettre aux entreprises marocaines d’en profiter. L’ASMEX a donc raison de rappeler  l’archaïsme des prestations de ces organismes de tutelle sur ce plan.

Il est utile de rappeler que le défaut des autorités de tutelle sur l’agro-industrie d’apporter l’assistance souhaitée aux opérateurs pour mieux percer sur les nouveaux marchés extérieurs procède d’un laxisme que l’on observe également dans d’autres secteurs d’activités marocaines. Il y a par exemple cette boutade populaire, corrélée sur le terrain, qui consiste à distinguer deux catégories d’avocats. D’un côté, le groupe des avocats qui connaissent le droit. De l’autre, les avocats qui ont des accointances avec les juges. Ces derniers savent comment tisser des relations plus ou moins incestueuses avec les magistrats dans le but d’influer sur les décisions de justice en dehors du droit. Le résultat est une justice biaisée qui perd sa crédibilité et finit par ternir tout le système économique du pays.

Au Maroc heureusement, notre système judiciaire a amorcé la réappropriation pleine et entière de sa crédibilité grâce, entre autres, à un magistrat de référence (solutionneur), Monsieur Mohamed Abdennabaoui, Premier président de la Cour de Cassation, nommé par Sa Majesté le Roi Mohammed VI en tant que Président délégué du Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire et dont le travail est largement salué au Maroc.

Pour revenir au secteur agroalimentaire national, il y a, parmi nos très nombreuses interventions d’expert compilées sur une trentaine d’années, des observations consignées dans nos archives qui vont dans le sens de l’existence de relations plus ou moins incestueuses entre des opérateurs habitués à faire à leur guise sur le marché local, et souhaitant étendre ces pratiques aux marchés extérieurs, et certains responsables de nos autorités de tutelle. Il s’agit, selon notre appréciation, d’un reliquat de l’héritage colonial qui a posé le modèle économique qui a ruiné le Maroc et que le NMD cherche à présent à remplacer pour plus d’équité pour nous autres marocains.

En conclusion, si un solutionneur est nommé pour mettre un peu d’ordre dans ce secteur particulièrement vital pour l’économie marocaine, il devra, selon notre avis, travailler au sevrage des opérateurs accros aux contrôles de complaisance. Cela ne sera certainement pas simple. Mais ce sevrage, il ne faut pas en douter, sera plus facile à accomplir comparé à la tâche de convaincre les autorités compétentes américaines de modifier la FSMA pour ajuster leurs contrôles à la façon de travailler d’opérateurs nationaux accros au laxisme.