La Cour des Comptes accable l’ONSSA

Ces derniers jours, plusieurs médias nationaux ont fait part de la sortie du Rapport-réquisitoire de 2018 de la Cour des Comptes sur le travail de l’ONSSA (Office National de Sécurité Sanitaire des produits Alimentaires). L’extrême défaillance du travail de l’Autorité de tutelle sur notre secteur agro-industriel marocain peut être résumée par la phrase dans le rapport : «la santé du consommateur se voit exposée à des dangers réels», ce qui se passe de commentaire. Ce rapport vient confirmer nos nombreuses observations concordantes illustrées par une multitude de cas détaillés dans plusieurs articles de ce blog dont un exemple piquant est rapporté sous : http://alkhabir.org/fr/lamateurisme-sommet-de-lonssa/. Ceci étant, Monsieur Driss Jettou, un responsable charmant et persuasif doublé d’un grand serviteur de l’Etat marocain, Président de la Cour des Comptes qui signe ce rapport, devrait, selon nous, être le dernier à devoir paraître surpris des éléments à charge contre les responsables de l’ONSSA. D’abord, nombreux sont ceux parmi les fonctionnaires de cet organisme, qui a vu le jour en 2009, qui continuent simplement les pratiques d’un autre âge qu’ils ont apprises alors qu’ils travaillaient sous la précédente appellation de « Direction des Services Techniques et de la Répression des Fraudes », un organe aux méthodes de travail rétrogrades laissé en cadeau par l’ex-colonisateur au Maroc. Ensuite, les verbalisateurs de cette direction en question (Dieu veuille leur pardonner) faisaient beaucoup de zèle pour distinguer entre la qualité des produits pour consommation locale, c’est-à-dire pour nous les marocains (contrôle laxiste), et ceux pour export sur la Métropole, où un contrôle serré devait être effectué (nos archives). Ces pratiques au relent colonial — longtemps assumées par l’EACCE (https://www.eacce.org.ma), qui préfère s’appeler à présent « Morocco Foodex » — abolis dans la nouvelle loi 28-07 de sécurité sanitaire des aliments de 2010 (même rigueur de contrôle pour tous les produits), étaient encore en cours alors que Monsieur Jettou était Ministre du Commerce, de l’Industrie et de l’Artisanat dans le Gouvernement de feu Monsieur Abdellatif Filali au milieu des années quatre-vingt-dix. C’est d’ailleurs en cette qualité que Monsieur Jettou, venu inaugurer à la tête d’une commission gouvernementale l’ouverture du Salon de l’Alimentaire du Maroc (SAM) de  Casablanca en Février 1996, s’était arrêté devant le stand que nous y  tenions sous l’Intitulé « Cabinet d’Expertises Dr. Essadki » à l’occasion de ce premier événement du genre au Maroc.

Lors de cette brève rencontre, Monsieur Jettou nous avait assuré, moi-même, mon Staff et le public présent, que le Gouvernement a comme priorité des priorités de transférer les opérations de Contrôle Qualité des produits alimentaires au secteur Privé. Nous n’avions aucune raison de remettre en cause une telle annonce, faite en public par un Ministre qui passait pour être le plus crédible du Gouvernement marocain du moment. Nous nous en sommes au contraire réjouis en pensant que l’ère de l’impunité avait sonné pour une institution (Répression des Fraudes) qui comptait en son sein un nid foisonnant de fonctionnaires véreux (nos archives). Nous avions même, naïvement, relayé cette information un peu partout parce que véhiculée par une source (le Ministre Jettou) que tout le monde considérait comme sûre à l’époque. Dans les faits, rien n’a changé dans les années qui ont suivi. Et en 2006, dix années plus tard, en l’absence d’une suite aux affirmations du Ministre, et en rapport avec la sortie de mon livre « Les Rouages de la Répression des fraudes » donnant d’innombrables exemples, compilées lors de mes interventions en tant qu’expert assermenté près la Cour d’Appel de Casablanca, de la continuation du travail d’obédience mafieuse de certains responsables en question, j’avais remis (à ses services à la Primature à Rabat) un exemplaire du livre (annoté de ma main spécialement pour lui) à l’attention de Monsieur Jettou, devenu entre-temps Premier Ministre. Mais, contrairement à ma note de félicitation (depuis la Suisse où j’étais en mission de travail de quelques années pour un Cabinet d’Audit américain) pour sa désignation par Sa Majesté le Roi Mohammed VI en tant que Ministre de l’intérieur, à laquelle Monsieur Jettou m’avait répondu cordialement, il n’y a jamais eu de suite ou d’écho après la remise à ses services de mon livre-réquisitoire sus-évoqué.

S’agissant du Rapport-réquisitoire de la Cour des Comptes, présidée par Monsieur Jettou, il semblerait que Monsieur le Président revisite, dans ce travail, des pratiques et comportements des services de l’ONSSA qui sont, en somme, dans la droite ligne de pratiques de leurs prédécesseurs de la Répression des Fraudes, c’est-à-dire  en dehors de la loi en vigueur sur laquelle ces fonctionnaires sont supposés veiller et qu’ils ont toujours foulée aux pieds en connaissance de cause (voir plus bas). Ceci étant, Monsieur Jettou a toujours été perçu comme un responsable sérieux et au-dessus de tout soupçon. Il n’y a donc aucune raison de considérer qu’il nous racontait des bobards en 1996 au sujet de la volonté de l’Etat de transférer (selon les règles) les activités des Contrôles-Qualités au secteur privé. Mais, à ce jour, c’est-à-dire vingt-cinq ans après, cela ne s’est pas fait. La conclusion la plus raisonnable c’est qu’il y a au sein des services de l’Etat marocain des centres de résistance farouchement opposés à ce choix. Ce qui est probable, même si personne n’ose en parler, c’est que ces résistances doivent être extrêmement fortes et assumées par de hauts fonctionnaires influents au sein des Rouages du Gouvernement.

Sous ce rapport, nous citons juste deux exemples de nos archives pour illustrer comment l’ONSSA et/ou le LOARC  (Laboratoire Officiel d’Analyses et de Recherche Chimique), qui a un monopole de fait sur les analyses de laboratoire de produits alimentaires au Maroc, laissent le Tribunal se brûler les doigts pour leur permettre de tirer les marrons du feu à leur profit. En 1996, un importateur d’une boisson alcoolisée a été mis en prison, et y a passé une année et a vu, comme conséquence, ses activités totalement détruites, avant que la Cour d’Appel de Casablanca (avec comme Procureur Général du Roi Moulay Taïeb Cherkaoui et Premier Président Hammou Mestour) ne prenne conscience (à laquelle nous avons modestement contribué) de la supercherie des documents du LOARC — pièce maitresse du dossier d’inculpation — et le libère. Sous ce rapport, le Bulletin d’Analyses en question du LOARC (dans nos archives), en porte-à-faux par rapport à la réalité intrinsèque du produit, était soit erroné soit frauduleux. Mais le directeur du LOARC qui a signé le Bulletin d’Analyses comportant, à supposer que ce soit le cas, une erreur grotesque (facile à repérer), n’a jamais été inquiété d’une manière ou une autre. Aujourd’hui, vingt-cinq ans après le dossier cité, une cargaison de thé en provenance de Chine est toujours en souffrance au port d’Agadir depuis Mars 2018, un an et six mois (voir sous : http://alkhabir.org/fr/lonssa-lignorance-de-loi/) suite à une coalition de procrastination entre l’ONSSA et le LOARC complétée par l’émission par ces gens de documents frelatés, c’est-à-dire portant des ratures et rajouts à la main (nos archives), remis au Tribunal au mépris de l’exigence que personne ne doit remettre au Tribunal des documents susceptibles d’induire la Cour en erreur ! Les responsables de ces organismes devaient savoir (il ne peut en être autrement) qu’ils n’avaient, à l’origine, aucun élément de preuve scientifique ou technique conforme à la loi pour bloquer cette cargaison. Il s’agit purement et simplement d’un abus de pouvoir abject. Ils continuent toutefois d’user et abuser de procédures dilatoires dans le but apparent d’épuiser la patience du Tribunal Administratif d’Agadir qui finirait, ils le supposent probablement, par épouser leur point de vue « officiel » ou de classer le dossier. Contrairement à l’imaginaire perturbé de ces contrôleurs (visés) à la petite semaine, les professionnels étrangers comprennent bien et savent tirer les conséquences de ce type de malversations qui visent à occulter la médiocrité de ces gens dans leur travail et, au bout du compte, les investisseurs et hommes d’affaires sérieux sont rebutés et cherchent un autre pays pour leurs affaires et il ne nous reste que les colporteurs que nous méritons. Il est étrange qu’on ne rencontre ce type d’agissement que chez nous où des responsables sans conscience au travail, au sein de l’ONSSA en particulier, épuisent les efforts et l’argent de l’Etat pour servir des desseins qui n’ont rien à voir avec les buts supérieurs qui leur sont tracés par l’Autorité suprême de l’Etat ou avec la réglementation qui encadre leur travail. Dans la mesure où cette gabegie perdure depuis toujours sans une solution en vue, il y a bien lieu de parler de services de l’Etat agissant impunément dans une zone de non-droit. Comme nous le comprenons aussi, le Rapport-réquisitoire de la Cour des Comptes  contient des éléments qui doivent renforcer cette perception de la médiocrité du travail de l’ONSSA en attente d’une solution à ce Conundrum.

Pourtant, le travail que peut faire l’ONSSA (il y a malgré tout des fonctionnaires honnêtes dans cet organisme) qui soit utile pour notre pays ne manque pas et le Président de la Cour des Comptes est bien placé pour le savoir et le faire entendre. A titre d’exemple, Monsieur Jettou a joué un rôle de premier plan, étant Premier Ministre dans les années deux mille, dans les négociations et la signature de l’accord de libre-échange entre le Royaume du Maroc et les USA en 2006. Il est donc bien placé pour réaliser tout le bénéfice que notre pays peut récolter pour sa population en orientant partie de son export sur ce marché très lucratif et sur lequel nos exportateurs bénéficient de très bons avantages concurrentiels sur nos compétiteurs de la rive nord de la Méditerranée comme l’Espagne et l’Italie (voir sous : http://alkhabir.org/fr/fda-secours-pme-agroalimentaires-africaines/). Bien évidemment, dans cet objectif, un travail préalable doit être fait par l’Etat par le biais de ses organismes dédiés au premier rang desquels il y a justement l’ONSSA pour faire ouvrir les yeux de nos opérateurs sur les opportunités qui nous sont offertes par le marché américain, particulièrement depuis la promulgation de la loi sur  la modernisation de la sécurité alimentaire, ou FSMA (voir sous :http://alkhabir.org/fr/fsma-nouveau-paradigme-controle-preventif/). Mais, peut-être que les responsables actuels de l’ONSSA ne considèrent pas cet accord d’un bon œil auquel cas nous devrions nous demander pour qui roulent ces gens ?

Pour conclure, nous dirions que Monsieur Driss Jettou n’a apparemment pas pu influer sur le projet de transfert du travail de Contrôles Qualités au secteur privé du temps où il officiait au sein de l’Exécutif. Espérons que son présent Rapport-réquisitoire sera entendu comme il se doit pour améliorer les prestations de cet organisme névralgique qu’est l’ONSSA au profit des opérateurs et exportateurs nationaux du secteur agroalimentaire marocain. Et, également, pour montrer la voie à suivre, comme le souhaite Sa Majesté le Roi Mohammed VI, à d’autres pays africains frères et amis.