La Zleca pour l’autosuffisance

L’entrée en vigueur de la Zleca (Zone de libre-échange continentale africaine) est annoncée pour le 30 Mai prochain. Nul besoin de souligner que les responsables de nos pays, chargés de négocier les règles qui soutiendront la concrétisation de cette ambition, ont beaucoup de travail devant eux. Ils peuvent bien évidemment, pour des raisons financières ou de convenance, faire appel à des organismes de l’UE pour les aider dans cette besogne. Il est peu probable qu’une telle démarche soit de nature à accélérer la mise en place de la Zleca, entreprise conçue pour contribuer à déficeler les liens économiques et commerciaux que l’ancien colonisateur a tissés, pour son intérêt, autour de notre continent. Surtout que l’Afrique a grand besoin d’aller vite dans le démarrage de ce projet pour profiter des opportunités immédiates et répondre au besoin lancinant de trouver du travail et la nourriture à sa jeunesse désœuvrée. Ceci aidera par la même occasion à stopper l’hémorragie de l’émigration des pauvres d’un côté et de l’élite africaine également.

Dans le commerce comme ailleurs, les opportunités sont rarement servies sur un plateau. Il faut donc surveiller la tendance des marchés et déduire les possibilités qu’il y a pour en tirer profit. Sous ce rapport, les Etats Unis considèrent, pour des raisons qui les regardent, qu’il leur revient dorénavant de prendre une part plus importante du commerce mondial. Cela a déjà été le cas après la deuxième guerre mondiale. Dans ce but, l’Administration Trump presse les Chinois de leur acheter davantage de produits à des conditions plus favorables pour rééquilibrer la balance commerciale US. Cette balance est aujourd’hui largement en faveur de la Chine. Les chinois crânent bien évidemment pour montrer leur rejet de cette sommation. Cependant, sur le plan des échanges commerciaux, ils n’achètent pas autant aux américains pour avoir un levier de pression comparable. Par ailleurs, l’empire du milieu s’est engagé devant des dizaines de pays africains, et partout dans le monde, sur un type d’assistance ou un autre, qui leur impose de mobiliser des centaines de milliards de dollars pour être au rendez-vous de leurs engagements. La Chine n’est donc pas en mesure d’intimider l’Uncle Sam en menaçant de brader le dollar, dont elle a besoin, sur la place publique. Les américains en sont conscients. D’une manière ou d’une autre, la Chine devra donc se résoudre, entre autres, à acheter davantage aux américains pour aller vers un compromis. Mais ce que la Chine achètera de plus aux américains, elle ne le prendra pas ailleurs, en Europe par exemple. Le commerce étant devenu une science en soi, les européens ne pourront alors, comme conséquence, plus vendre autant qu’avant aux chinois. A son tour, L’UE s’approvisionnera probablement moins en Chine. Si c’est le cas, les européens  devront acheter ailleurs les intrants nécessaires aux Produits Finis qu’ils nous vendent, à partir de Matières Premières achetées chez-nous. Cela poussera davantage les chinois vers nous et créera sans nul doute plus de frictions sur nos échanges avec l’UE. En somme, si nos partenaires de la rive nord méditerranéenne sont peu compétitifs sur les marchés africains aujourd’hui, il est plus que probable qu’ils le seront encore moins dans les années à venir. Ainsi va le monde, la faute n’est à personne, simplement la sélection naturelle qui pousse les plus faibles à la marge du marché globalisé. Ce processus est apparemment bien enclenché pour la « vieille Europe ».

Pour revenir à notre futur commerce avec des pays autres que l’UE, ce à quoi nos pays africains doivent se préparer, nous devons montrer aux autres que nous avons quelque chose à offrir commercialement pour participer à ces échanges. Sous ce rapport, il faut être parfaitement naïf pour considérer que la simple continuation de la vente de nos Matières Premières nous permettra d’aspirer à un quelconque développement à côté des autres pays de la planète. Nous devons mettre en priorité la valorisation bien étudiée de nos ressources naturelles en Produits Finis pour pouvoir les vendre avantageusement sur le marché mondialisé. Il me revient cette anecdote instructive. Il y a une vingtaine d’année, Travaillant alors pour PhF Specialists, Inc. (Cabinet d’Audit américain), nous avions procédé à la certification HACCP* de la société Sardisud, Unité de traitement de poisson basée à Tan-Tan (sud marocain). Quelques mois plus tard, à l’occasion d’une opération  portant sur environ cent quarante tonnes de conserves de sardines exportées sur le marché égyptien, Sardisud a eu la mauvaise surprise de voir sa marchandise en question bloquée par les autorités locales. Le blocage était motivé par le libellé (incompréhensible pour les égyptiens), sur le Bulletin d’Analyses Sardisud,  d’une opération d’analyse dite « ABVT » pour « Azote Basique Volatil Total » (Indice d’appréciation indirecte de la qualité des conserves). Cette dénomination, et la technique même, n’est pas d’usage courant en dehors de notre environnement (limité) francophone. D’autres mesures directes de paramètres de salubrité, d’inspiration FDA, sont préférés à l’« ABVT ». Le problème a finalement été réglé (après plusieurs mois) en tranquillisant les autorités égyptiennes par l’envoi d’un Bulletin d’Analyses de clarification libellé selon les termes anglo-saxons, les plus en usage dans le marché globalisé. Sardisud y avait appris une bonne leçon. Donc, produire un aliment salubre est nécessaire, mais pour le vendre à l’international, il y a lieu d’adhérer aux règles du Système HACCP tel que défini et codifié par le Codex. Le libellé des Bulletins d’Analyses doit également respecter ces règles.

En réalité, la promotion du Système HACCP a surtout porté sur la salubrité du produit que le Système permet. L’accent n’a pas été assez mis sur l’apport du HACCP pour le travail même de production en ce qui concerne, en particulier, la possibilité d’améliorer (dans le sens de diminuer) le prix de revient du produit fabriqué. En effet, le HACCP, tel que rappelé plus haut, commande la maitrise des risques sur le produit à vendre localement ou dans le commerce transfrontalier. Le HACCP ne privilégie pas un procédé de fabrication sur un autre. Autrement dit, en comparant plusieurs procédés de fabrication d’un produit souhaité, un ingénieur correctement formé, peut y sélectionner le procédé qui justifie la meilleure gestion des risques sanitaires du produit et qui, dans le même temps, permet d’obtenir le prix de revient du produit fabriqué le moins cher possible. Ce type de comparaison n’est pas aussi difficile à faire qu’on le pense car la plupart des procédés de transformation industrielle des aliments sont dans les domaines publics et accessibles aujourd’hui via des organismes tels que le Codex, des Universités, des Instituts etc. Ce travail de démocratisation des principes industriels a été largement facilité lorsque l’Etat américain, à la fin des années soixante-dix du siècle passé, a mis à la disposition des secteurs privés des procédés de production alimentaire utilisés par l’armée US pendant la deuxième guerre mondiale. Aujourd’hui encore, de nombreuses entreprises de différents pays s’inspirent des techniques en question pour la transformation industrielle des produits de grande consommation.

Il est difficile de dire si nos opérateurs marocains profitent comme il faut de cette vague de démocratisation des principes industriels dans l’agroalimentaire. Mais, des opportunités que nos opérateurs manquent sont identifiables. Comme exemple, le cas des olives de table dont le Maroc est un gros producteur de dimension internationale. Les olives noires (Matière Première) sont lavées, ensuite séchées quelques heures dans une étuve à 60°C environ. Après, elles sont enrobées d’une fine pellicule d’huile d’olive avant d’être emballées sous vide à l’attention du consommateur final. Ce procédé, que j’ai pu voir utilisé par des opérateurs européens, ajoute peu de frais sur le prix de revient du Produit Fini. Les opérateurs de l’UE, en « intermédiaires » avisés, achètent donc les olives chez nous, les préparent comme sus indiqué et nous prennent des marchés partout dans le monde. Les olives noires d’opérateurs marocains, fréquemment traitées à la chaleur (autoclavées) pour l’export, ne peuvent tout simplement pas supporter la concurrence, pour être plus chères et avoir perdu bonne partie de leur intérêt organoleptique. Et combien de cas équivalents de cet exemple peuvent être observés ailleurs en Afrique ?

Avec la bonne volonté de nos décideurs, la Zleca, couplée à une large promotion de l’utilisation du HACCP, peut faire que notre continent, riche en ressources et en eau, puisse devenir autosuffisant en quelques années seulement. Cette condition reste bien sûr un prérequis à la stabilisation de la population d’Afrique dont la jeunesse peut alors relever le défi de l’amélioration des qualités de vie sur le continent. L’AEFS (Association des Experts Africains en Sécurité Sanitaire des produits Alimentaires) est prête à s’insérer dans cette logique positive en apportant notre contribution là où il le faut pour booster le développement à l’international de nos secteurs agroalimentaire de produits dûment valorisés.

* : Récemment, le Référentiel HACCP a été rebaptisé HARPC (Hazard Analysis and Risk-Based Preventive Controls) dans la FSMA (Food Safety Modernization Act). L’approche de gestion du risque sanitaire reste la même pour ces deux systèmes.

L’espoir de la Zleca

A Addis Ababa, l’Union Africaine vient d’annoncer l’entrée en vigueur de la Zleca (Zone de libre-échange continentale africaine) pour le 30 Mai prochain. Cette date marquera d’une pierre blanche le début du processus de l’émancipation commerciale et économique de notre continent. Mais pour avancer vers une meilleure intégration des pays africains, et booster l’échange commercial entre l’ensemble des pays, beaucoup de travail reste à faire comme discuté dans ce texte.

En effet, le commerce interafricain ne dépasse pas les 15% des échanges globaux de l’Afrique pour le moment. Et, concernant le commerce avec l’UE, qui monopolise l’essentiel des échanges de notre continent, nous leur vendons majoritairement nos Matières Premières, souvent en vrac et à des prix dérisoires, et nous importons chèrement les Produits Finis qui en dérivent. Il s’en suit donc que la majorité de nos pays, qui n’ont pas grand-chose d’autre à offrir, trainent des déficits structurels de longue date. Curieusement, parmi les pays de l’UE à qui nous bradons nos ressources, la balance commerciale de certains parmi eux n’est positive qu’avec nous en Afrique. Autrement dit, sans les subterfuges d’ordre commercial et/ou économique que ces pays nous imposent, ils seraient largement déclassés en Afrique sur le plan de la compétitivité par leurs concurrents des pays asiatiques, d’Amérique et d’ailleurs. Il semble donc que le maintien des échanges asymétriques de l’UE avec nous ne soit protégé pour l’instant que par certaines barrières (voir plus bas) de conception européenne. Alors, avec la Zleca qui démarre, il est de notre devoir en tant qu’africains de trouver les moyens appropriés pour faire appliquer les règles d’une concurrence salutaire pour nos échanges commerciaux avec le reste du monde pour remédier à cette anomalie.

Il est utile de rappeler que l’assujettissement du commerce africain à la volonté UE n’est pas dû au Hazard. Ils ont leurs méthodes pour cela au premier rang desquelles il y a les normes, ou barrières non-tarifaires. Ces normes, ou standards, doivent être élaborés par un personnel scientifique et technique sur des bases objectives (neutres). Mais les politiques de l’Europe agricole se les approprient, dès qu’ils le peuvent, pour les instrumentaliser selon des protocoles alambiqués dans le seul but de maximiser les profits pour leurs pays et conserver la main mise sur les richesses africaines. Par exemple, en arguant de la lenteur de la production des normes par les organismes de référence pour le commerce international, où l’UE agit comme il lui plait d’ailleurs, les pays européens s’affranchissent fréquemment des règles du Codex Alimentarius en créant leurs propres standards dont ils nous imposent l’application via des méthodes UE inédites, voire ésotériques. De plus, ils mettent en avant des organismes particuliers de leur obédience pour surveiller notre adhésion à ces dictats, qui peuvent consister, entre autres, en des certifications selon des référentiels privés de leur choix. Ils décident également de comment appliquer ces règles à leurs frontières et à qui les appliquer sans aucune possibilité de recours indépendante pour les exportateurs africains. Tout cela au mépris des règles établies du Codex. Ces méthodes de gestion de l’accès au marché de l’UE sont proches davantage du mercantilisme que de la science et l’objectivité. Le résultat de cette politique est que les portes d’accès au marché UE des produits africains s’ouvrent au gré de décisions administratives émanant, supposément, de décideurs de Bruxelles, le plus souvent  étrangers au domaine de Sécurité Sanitaire des produits Alimentaires à proprement parler. Malheureusement, l’accès « au marché qu’ils ont mis en commun » est à ce prix.

Mais, avec le lancement de la Zleca, l’Afrique affiche sa volonté de se libérer de l’asservissement UE qui dure depuis des siècles. Dans cette démarche, il faudra bien nous affranchir, à notre tour, de toute norme non-tarifaire qui ne soit pas ancrée dans la réglementation internationale et/ou qui porte préjudice aux intérêts de nos pays. En y regardant de plus près, les clients européens, qui représentent statistiquement 6 à 7% des consommateurs de la planète, reviennent chers pour ce qu’ils rapportent au secteur agricole et agroalimentaire africain. Or, l’Afrique a un potentiel énorme dans ce domaine sur lequel la Zleca décidera de s’appuyer pour prendre notre destin continental en main. Sur ce plan, pour vendre nos marchandises sur le marché globalisé, la réglementation internationale, entérinée par l’ensemble des pays de la Planète, commande de se conformer au Système HACCP (Hazard Analysis and Critical Control Points)*. Or, les principes du Système HACCP sont accessibles gratuitement auprès du Codex Alimentarius ainsi que l’approche didactique pour les mettre en place. Il arrive parfois qu’un donneur d’ordre demande l’avis (Audit) d’une tierce partie habilitée sur le HACCP mis en place par l’exportateur et accepte, généralement, de partager les frais avec lui. Ceci est parfaitement normal dans le commerce de marchandises. Mais nous sommes bien loin des exigences sans borne des acteurs du marché de l’UE.

Bien évidemment, vendre ses Matières Premières en Vrac ou non transformées ne permettra pas à l’Afrique d’assurer son développement dans un délai raisonnable. A partir du moment où l’on possède des Matières Premières, il est recommandé de les transformer pour leur donner de la valeur et les vendre en tant que Produits Finis dans des délais commerciaux acceptables. Sous ce rapport, les techniques pertinentes pour la transformation de ressources agricoles existent et, pour une large partie, sont dans le domaine public. Autrement dit, ces techniques sont accessibles via le Codex Alimentarius et autres organismes. Certaines Universités américaines offrent des conseils gratuits sur ce qu’il est possible de faire comme produits finis à partir de Matières Premières et les « Processes » qu’ils peuvent conseiller sont recevables par les organismes de contrôle officiel. Nous sommes également, au sein de l’AEFS (Association des Experts Africains en Sécurité Sanitaire des produits Alimentaires), ouverts pour apporter notre contribution si on nous le demande.

En conclusion, La Zleca, qui mettra à disposition des entreprises africaines l’ensemble des consommateurs des pays africains, tombe au bon moment pour étoffer l’ensemble des outils disponibles à présent pour l’Union Africaine, pour donner un nouvel élan au développement global de notre continent.

* : Récemment, le Référentiel HACCP a été rebaptisé HARPC (Hazard Analysis and Risk-Based Preventive Controls) dans la FSMA (Food Safety Modernization Act). L’approche de gestion du risque sanitaire reste la même pour ces deux systèmes.

La genèse du HACCP

Dans l’antiquité, l’interdiction de manger ou non un produit donné était appréciée de manière empirique. Si quelqu’un tombait malade après la consommation d’un aliment, la sagesse recommandait d’éviter par la suite l’aliment en question. Cette pratique a été appliquée pour retenir ce qui est consommable de ce qui ne devait pas l’être jusqu’à la fin du moyen âge. Sur la base des travaux de Nicolas Copernic, astronome polonais, l’ingénieur astronome italien, Galileo Galilei (Galilée), a initié les bases de la science prédictive dont la biologie a pu profiter ultérieurement en énonçant des lois. C’est en effet Louis Pasteur qui a eu le mérite de relier la détérioration des aliments à l’action des microbes et, par voie de conséquence, la préservation de la qualité des aliments en l’absence de ces microorganismes. Les observations du grand savant français ont constitué les premières prémisses des recommandations résumées aujourd’hui sous forme des Bonnes Pratiques d’Hygiène (BPH). Mais dans la mesure où les BPH ne garantissent pas forcément la destruction des bactéries pathogènes, l’analyse des aliments au laboratoire a été rendue nécessaire pour s’assurer davantage de l’adéquation des produits en considération pour la consommation par l’homme. C’est ce qui a été défini comme « le contrôle par échantillonnage ». En résumé, des échantillons prélevés sur un lot fabriqué étaient analysés et le résultat, bon ou mauvais, était appliqué à l’ensemble du lot. Mais les statistiques (sur lesquels nous ne revenons pas dans cet article), et le suivi sur le terrain, montreront l’insuffisance de cette approche comme moyen de confirmer la salubrité des aliments à consommer. Et c’est en cherchant à mieux garantir cette salubrité, pour le cas des aliments prévus pour consommation par leurs astronautes, que les américains ont, dans les années cinquante du siècle passé, initié les études qui allaient  aboutir, quelques dizaines d’années plus tard, à la définition du nouveau système de contrôle universel (basé sur la maîtrise des risques) connu de tous à présent. Il s’agit bien sûr du Système HACCP (Hazard Analysis and Critical Control Points). Certains parlent des normes HACCP. Les organismes officiels internationaux, au premier rang desquels le Codex Alimentarius, mais aussi l’OMS, la FAO, l’OMC, l’IFTO (Fédération Internationale des Tour-opérateurs), reconnaissent à présent le Système HACCP comme l’instrument de référence pour garantir la salubrité des produits du secteur agroalimentaire et de l’hôtellerie/restauration. Par exemple, au Maroc, l’autocontrôle, basé sur la démarche HACCP, est prescrit dans la loi 28-07 de Sécurité Sanitaire des Aliments et les textes de son application. Dans la pratique, malheureusement, les normes HACCP sont loin  d’être mises en œuvre (correctement) chez nous pour de nombreuses considérations dont nous discutons ci-après quelques-unes.

D’abord, s’agissant du travail des américains, il y a lieu de reconnaitre que chaque fois que nos partenaires outre-Atlantique  ont eu à résoudre un problème qui s’est posé à eux, dans le civil comme sur le plan militaire, ils ont basé la recherche de solutions sur les spécificités de leur pays. Ceci s’applique aux études conclues par la définition des principes du Système HACCP. Sous ce rapport, les opérateurs américains du secteur agroalimentaire, et également les étrangers qui exportent sur ce marché (dont ils doivent respecter la loi), ont l’obligation réglementaire de s’entourer d’un personnel qualifié (en mesure de faire une lecture correcte de la loi en vigueur et le diagnostic du risque alimentaire) avant de produire et/ou d’offrir un produit alimentaire sur le marché US (ou de le servir au client) sous peine d’encourir de sérieuses conséquences, sur les plans pécuniaire et/ou pénal. Dans ce sens, la loi américaine valorise l’obligation de résultat, c’est-à-dire la conformité du produit mis sur le marché (servi au client) pour la consommation humaine (ou animale). La loi laisse par contre à l’opérateur le libre choix des moyens éprouvés (technologie) pour fabriquer (préparer) le produit en question. En même temps, les opérateurs ciblés savent quant à eux que la FDA ne transige pas avec les abonnés de la négligence. Dans ce cadre, le HACCP* est devenu un référentiel cardinal pour les professionnels américains, et, plus généralement, tous ceux qui commercent sur ce marché. En effet, le Système HACCP exige de faire le nécessaire pour éliminer, ou réduire à des degrés acceptables, les dangers qui ont des chances raisonnables d’affecter le produit et poser un risque sur la santé du consommateur potentiel. Les méthodes pour y parvenir doivent être basées sur la science mais leur choix revient à l’opérateur lui-même. Les observations montrent que pour des pays qui ont des exigences réglementaires équivalentes à celles de la FDA, le Canada et l’Australie entre autres, le Système HACCP a, en quelque sorte, été adopté avec diligence. Au total, le HACCP représente l’outil réglementaire de choix de gestion du risque sanitaire des aliments pour tous les pays qui commercent avec les Etats Unis et ils sont les plus nombreux sur la planète.

En ce qui nous concerne nous marocains (africains), notre commerce avec les USA, nonobstant l’accord de libre-échange qui lie nos deux pays, est négligeable par rapport aux échanges commerciaux UE/US et même comparé à notre export/import avec l’UE. Comme conséquence, nos opérateurs, dans leur majorité, sont instruits des principes du HACCP par des consultants européens, français pour la plupart. Ces Cabinet-conseils qui sont supposés avoir, chacun, acquis une expertise HACCP dans le travail avec le Privé, qu’ils valorisent ensuite auprès d’autres opérateurs sous forme d’Audits/Certifications moyennant finance  font un grand travail pédagogique qui prend en considération nos réalités et qu’il faut donc saluer. Dans la perspective d’aider nos exploitants à effectuer leur mise à niveau sur, pour ce qui concerne cet article, les Bonnes Pratiques des industries agroalimentaire et hôtelière, ils prennent en considération nos multiples contraintes pour nous « enseigner le HACCP ». Ils savent, par exemple, que seulement une minorité d’opérateurs marocains des secteurs industriel et hôtelier sont effectivement assistés d’un personnel qualifié selon la réglementation. Mais cela n’empêche pas le désir de chaque opérateur, quel que soit son statut par rapport à la loi,  de rêver   d’une mise à niveau « simple et facile » pour le mettre en conformité avec la loi actuellement en vigueur et l’application des principes HACCP. Il s’agit effectivement d’un problème loin d’être facile à résoudre pour les Cabinet-conseils. Et, en somme, les consultants rivalisent d’ingéniosité pour concilier l’inconciliable. En cherchant, certains ont ressorti une ancienne démarche, dite des « 5M » (Diagramme d’Ishikawa). Cette approche générique, qui cherche à identifier la (les) cause d’un problème pour lui trouver une solution, comporte effectivement des éléments mnémotechniques qui peuvent aider à une mémorisation facilitée de l’apprentissage et, supposément, contribuer à l’assimilation des principes HACCP.

Il est toutefois difficile de conclure si des approches telles que les « 5M », et autres initiatives du même genre, peuvent produire des résultats bénéfiques pour une mise en œuvre correcte des principes du HACCP. En effet, le système constitue un outil complet (stand-alone) spécifiquement conçu pour une gestion rationnelle des risques inhérents à la fabrication (préparation) des produits alimentaires (repas). Sous ce rapport, lors de l’Audit préalable à  une certification HACCP, l’Auditeur/Certificateur s’attache à passer en examen avec l’opérateur  le cheminement des Matières Premières depuis leur achat/réception et stockage jusqu’à la préparation de Produits Finis et distribution (service du repas au client). Le but est de repérer d’éventuels dangers à une étape donnée pour les stopper avant qu’ils ne migrent vers l’étape suivante. Cette approche est conçue pour corréler également avec la marche en avant. Il n’est donc pas certain que l’introduction de modules génériques empruntés ailleurs, les « 5M », les « 5 clés » et autres, puissent apporter une plus-value au potentiel du Système HACCP pour le diagnostic d’un « Process » pour l’améliorer ou le corriger. Par contre, en focalisant l’attention sur ces modules en question, qui peuvent être  parfaitement utiles sur le plan académique, il y a le risque de dévier l’attention de l’opérateur de la substance du HACCP (recherche de points critiques) vers le côté forme de la prestation non essentielle à la gestion pertinente du risque alimentaire.

Finalement, les données disponibles sur le sujet montrent que notre Continent africain est en retard sur la généralisation de l’application du HACCP comme outil d’appréciation de la sécurité sanitaire de nos ressources agricoles et agroalimentaires. Il semble que le temps soit enfin venu de fournir à notre tour notre quote-part d’effort pour généraliser l’adoption effective du HACCP pour une meilleure harmonisation des normes pour le bénéfice de notre commerce sur le marché globalisé.

* : Récemment, ce Référentiel a été rebaptisé HARPC (Hazard Analysis and Risk-Based Preventive Controls) dans la FSMA (Food Safety Modernization Act), et le recours au HARPC, inscrit dans la nouvelle loi américaine, a été élargi aux produits frais (légumes et fruits) et autres.

 

L’harmonisation des normes au bénéfice de l’Afrique

Dans un article de ce blog du mois de Décembre passé – abordant l’intransigeance de l’attitude de la France, qui parlait au nom de l’UE, sur le dossier des négociations commerciales souhaitées par les USA —, nous avions prévenu contre l’isolement possible de la Métropole au cas où l’Allemagne, entre autres, venait à se montrer conciliante sur l’ouverture des négociations voulues par le Président Trump. Il se trouve que Bruxelles vient justement de recevoir, hier Lundi, le feu vert des Etats membres de l’UE pour entamer de telles tractations avec l’Administration américaine au grand dam de la France qui y a été, seule au sein de l’UE, totalement opposée. Davantage encore, il devient de plus en plus clair que les négociations chercheront également à harmoniser les normes appliquées aux produits agricoles, ce à quoi le Président Trump tient beaucoup, pour leur trouver une solution. Sous ce rapport, l’hypothèse de la mise en place, de part et d’autre, d’organes pour valider la conformité, des produits exportés/importés vers l’UE/US, à des  standards qui devront être mutuellement définis, aidera sans nul doute à la dédramatisation du conflit (insoluble jusqu’à présent) sur les normes non tarifaires entre  les USA et l’UE. Cela nous soulagerait à notre tour ici en Afrique.

En effet, le dilemme (traité dans d’autres articles de ce blog), des barrières non tarifaires, dont les normes appliquées par l’UE aux produits agricoles constituent une part colossale, envenime le commerce mondial, africain notamment,  des produits des secteurs agricoles et agro-industriels depuis des dizaines d’années. Compte tenu de leur complexité (et politisation), il y a peu de chance que ces barrières viennent à tomber dans un court délai. Mais, s’agissant des échanges de l’Afrique avec d’autres pays extérieurs, tout rapprochement entre les USA et l’UE sur ce sujet serait bon à prendre. D’une façon ou d’une autre, cela contribuera positivement à des opportunités d’export des ressources agricoles de notre Continent vers d’autres marchés porteurs sans (formellement) froisser les responsables de l’UE.

De manière très schématique, et très succincte, nous dirions que les pays européens ont développé, au fil de la colonisation, un « syndrome possessif obsessionnel » vis-à-vis de l’Afrique et ce syndrome est, malheureusement, le plus apparent chez nos amis français. A défaut de l’excuser, nous pourrions peut-être essayer de le comprendre comme, très probablement, les américains l’ont compris. Les USA doivent, supposément, avoir déduit que la France garde dans ses dossiers des cartes importantes qui soutiennent ses relations avec ses ex-colonies et que des tentatives pour la « déraciner » de cette région seraient bien plus coûteuses en effort, argent et temps que d’essayer de travailler en intelligence avec elle pour ne plus être exclu de notre zone d’Afrique de l’Ouest. Mais la France, et c’est le problème, est à ce point chatouilleuse sur ses prérogatives chez-nous, qu’elle considère comme son pré-carré, qu’elle s’est peu souciée de préparer le terrain dans l’optique de collaborer avec d’autres pays, fût-ce les américains mêmes. Alors, les pourparlers, que le Président Trump insiste pour lancer immédiatement avec Bruxelles, pourraient constituer une occasion pour nous africains de jouer les samaritains dans le litige sur les normes qui oppose américains et européens depuis bientôt trente ans.

D’abord les faits, et des sondages d’opinions, montrent que les entreprises européennes sont de plus en plus en retrait par rapport à des sociétés d’autres continents. Le monde entier est au courant de la profonde, et persistante,  déprime du marché de l’UE. Ainsi, si la BCE (Banque Centrale Européenne) a de la peine à trouver preneur pour son offre de crédit à zéro intérêt, c’est que les opérateurs européens sont à court d’idées sur comment battre leurs concurrents internationaux sur, en particulier, le marché africain. Nos amis européens, en désarroi, sont donc dans le besoin d’être sécurisés. Nous devrions leur dire, par exemple, que nous ne les laisserons pas tomber dans la mesure où nos marchandises qui leur sont livrées servent à leurs besoins propres et non pas pour des opérations de spéculation derrière notre dos.

La langue ensuite. Le français, jugé comme expression européenne, est une belle langue. Il est moins parlé que l’espagnol à l’échelle mondiale mais constitue un outil d’échange formidable entre les pays de l’Afrique de l’Ouest. Or, cette région représente une priorité pour le Maroc sur le plan commercial et le français nous sera donc utile. Bien évidemment, la maitrise de l’anglais est incontournable pour l’insertion dans le monde d’aujourd’hui. Mais, la langue de Shakespeare a la chance d’avoir ses outils propres pour être appréciée, notamment par la jeune génération, par le biais de l’internet, les réseaux sociaux, les jeux et autres canaux de divertissement. L’anglais est aussi plus simple d’accès que le français via les sources indiquées. En somme, nous devrions considérer le français comme une richesse supplémentaire et non comme un inconvénient pour notre ouverture sur l’Afrique. Du reste, les statistiques montrent que si tout le monde ou presque pratique le français au Maroc comme seconde langue, des millions parlent l’anglais et/ou l’espagnol. Les marocains pourront dans ce cas servir de trait d’union entre les investisseurs américains qui voudront venir chez nous et les français déjà installés et qui ne maitrisent pas l’anglais.

Il reste bien sûr la question des normes non tarifaires. Sur ce registre, il est bon de rappeler que les américains et les chinois sont attelés depuis des mois à rapprocher leurs points de vue au sujet des relations commerciales qui les concernent. Les normes constituent une rubrique parmi d’autres. En effet, pas plus la Chine que les autres pays asiatiques, ni l’Amérique du Sud ou l’Australie, le Canada, la Nouvelle Zélande, les pays du Golfe et autres n’ont de conflit avec les normes FDA (normes américaines pour l’agroalimentaire). Ceci constitue une majorité confortable des pays de la planète qui travaillent selon des normes harmonisées. Ceci étant, ce fait n’a jamais empêché qu’un pays ou un autre puisse recourir à des clauses de sauvegarde pour protéger ses intérêts, ce que la Réglementation Internationale du Codex prévoit opportunément. Selon cette approche, le dialogue entre partenaires et/ou adversaires commerciaux peut se passer dans des conditions relativement sereines sans surenchère ou « Principes de précautions » ouverts sur toutes les interprétations possibles et leur contraire.

En somme, si les négociations entre les USA et l’UE se passent comme l’écrasante majorité des pays qui y sont engagés le souhaitent, et comme cela se passe déjà entre la Chine et les USA, nous autres africains devrions pouvoir travailler en harmonie avec des principes qui nous permettraient d’échanger commercialement nos produits avec tout le monde sans exclusive. Un moment que l’Afrique attend depuis bien longtemps.

Legs utile de la France au Maroc

Au commencement de mes études supérieures à Lausanne, au début des années soixante-dix, j’avais, comme d’autres étudiants, pris l’habitude  de travailler pendant les vacances universitaires pour gagner quelque argent de poche. Le travail dans l’hôtellerie-restauration était très rémunérateur pour nous. On pouvait être logé, nourri, avoir un salaire fixe et glaner des pourboires. En deux mois de travail d’été dans un hôtel cinq étoiles, il était possible de gagner de quoi faire face jusqu’à six mois de dépenses scolaires ! Mais le travail était rude car il fallait tout pouvoir faire comme tâches et rester poli: Comme chasseur déjà en prenant les valises, ouvrir l’ascenseur au client, faire les menues courses, mais aussi passer l’aspirateur et cirer les chaussures laissées par les clients devant leurs chambres et autres. Parfois, en cas d’arrivage massif de clients, ou de départ, nous devions également aider à faire les lits. Nous devions être disponibles, si besoin, de jour comme de nuit. Le congé tout un week-end était rarissime. Mais dans tout cela, un travail nous était interdit en tant que temporaires, celui qui touche à la préparation et le service de la nourriture. Ce travail tombait sous la loi et exigeait des personnes qualifiées de façon réglementaire. La perspective d’une intoxication alimentaire était effectivement un réel cauchemar pour l’hôtelier restaurateur. En quinze années de séjour en Suisse, je n’ai pas le souvenir d’une telle catastrophe dans le secteur en question. De là probablement la bonne réputation de ce secteur de service helvétique qui continue à ce jour. D’ailleurs, de nombreux professionnels suisses exercent dans ce secteur chez nous et sont très appréciés et pas uniquement en restauration.

Mais il faut parfois savoir rendre à César ce qui est à César. Peu de pays ont travaillé l’art de la table, de la réception et les plaisirs de la gastronomie comme les français l’ont fait. Dans les récits, ou les films hollywoodiens, du début du siècle passé déjà, le chef cuisinier d’un Palace porte souvent un nom français, sorte d’hommage naturel aux efforts de la France dans ce domaine. Mais, et cela se comprend, cette profession devait, et doit toujours, s’exercer dans les règles de l’Hygiène et de la Sécurité Sanitaire des Aliments pour que le plaisir des repas ne soit entaché d’aucun écart aux normes susceptible d’occasionner des problèmes de santé. Le travail de Pasteur a commencé en France et les français sont fiers de donner l’exemple. A ce jour, la France reste le pays qui attire le plus de touristes dans le monde et, on le sait, les touristes reviennent parce que, en particulier, on a soigné leurs repas !

Il ne fait donc pas de doute que les français nous ont laissé, au Maroc et ailleurs en Afrique,  un bon héritage dans ce domaine. Il y a une trentaine d’années, j’étais parmi des invités un dimanche au Yacht Club Mohammedia.  Des dizaines de plats d’un buffet, aussi alléchants les uns que les autres, trônaient sur une grande paillasse du Restaurant-Club. L’un des convives a eu cette réflexion comme quoi il fallait des français pour sortir ces merveilles de nos ressources alimentaires et il avait bien raison. Le Chef cuisinier, dont la mère tenait cette fonction avant lui, avait en même temps des talents d’artiste. L’œil se régalait, ensuite l’estomac et la digestion se faisait bien. Ceux qui aimaient les boissons étaient également bien servis. Ainsi donc, les  français sont détenteurs de ce savoir-faire, transmis de manière empirique depuis des siècles, dont ils demeurent de grands artistes.

D’ailleurs, l’activité de l’Hôtellerie-restauration était qualifiée de service au client avant les années quarante. Le lancement aux USA, après la guerre, de chaines hôtelières conçues pour servir le même jour des dizaines de milliers de repas (de mêmes types) a conduit à requalifier le travail comme une activité industrielle du même niveau que les Unités industrielles classiques du secteur agroalimentaire. Parmi les conséquences de cette requalification, il est devenu possible aux consommateurs américains d’introduire des recours collectifs (class action) au nom de clients victimes de TIAC (Toxi-Infection Alimentaire Collective). Comme des exemples l’ont montré en Amérique, une « Class Action » contre un opérateur peut signifier l’arrêt définitif de son activité. Les européens ont ensuite emboité le pas aux américains et plusieurs pays ont adapté leurs législations pour permettre justement ces recours collectifs. Par conséquent, c’est uniquement une question de temps avant que cela ne soit le cas également chez-nous. Dans ces conditions, la prise d’une assurance contre ces risques est devenue incontournable pour les acteurs de l’industrie hôtelière (Hospitality industry) américaine et le deviendra progressivement ailleurs. Ceci est particulièrement le cas pour les opérateurs qui souhaitent travailler avec les grands donneurs d’ordres comme les Tours Opérateurs. De plus, les assureurs, dont le métier est de couvrir les risques, se couvrent eux-mêmes en premier en exigeant une attestation comme quoi l’établissement à assurer effectue le travail selon les règles. Comme la Fédération Internationale des Tours Opérateurs, qui envoie régulièrement le plus grand nombre de clients aux Hôtels, a reconnu le HACCP (Hazard Analysis and Critical Control Points) comme étalon de référence pour l’appréciation de la qualité de travail pour la préparation des repas, les assureurs ont pris  l’habitude de demander un certificat HACCP valide avant d’établir une assurance (mes archives).

La France a effectivement laissé au Maroc un legs positif pour ce qui est des pratiques dans l’Hôtellerie-restauration. Mais là où la France reçoit cent millions de visiteurs par an du monde entier, nous en recevons à peine les dix pourcents venant essentiellement de nos voisins du nord de la Méditerranée. Beaucoup de chemin reste donc à franchir pour faire honneur au potentiel que possède notre pays pour le secteur de l’Hôtellerie-restauration. C’est sans doute pour cette raison que le Maroc s’est doté de la loi 80-14 pour accompagner la mutation nécessaire de notre secteur touristique et d’hébergement qui se globalise de plus en plus. Une fois les textes d’application, en cours de revue, seront promulgués, nous disposerons alors des mêmes instruments que nos autres partenaires, ou concurrents, pour booster l’activité du secteur.

Enfin, les dizaines d’articles de ce blog sont souvent très critiques du travail, qui peut laisser à désirer, de responsables dans différents compartiments de notre secteur agroalimentaire. Mais, comme on dit, il y a l’exception qui confirme la règle. Dans ce cadre, une fois n’est pas coutume, cet article voudrait aussi rendre hommage à la FNIH (Fédération Nationale de l’Industrie Hôtelière) et à leur travail assidu, mené patiemment et à l’échelle nationale, pour sensibiliser les opérateurs sur l’importance de l’application des règles d’Hygiène et de Sécurité Sanitaires des Aliments pour le bien être des employés et des clients consommateurs. Encouragé par Monsieur Lahcen Zelmat, Président, le Directeur Général, Monsieur Abdelaziz Samim, un grand professionnel, fait un travail superbe avec son équipe dont, entre autres, un spécialiste en communication, Monsieur Aziz Laktebi. La campagne transrégionale de séminaires au profit des professionnels du secteur se poursuit de manière soutenue, preuve que les responsables cités veulent faire   les bouchées doubles pour gagner du temps et faire en sorte que nos opérateurs soient aussi rapidement que possible au rendez-vous qui attend ce secteur pour recevoir plus de visiteurs au Royaume dans des conditions équivalentes ou supérieures que ce qu’ils peuvent avoir dans d’autres pays à vocation touristique comme le nôtre.

Un exemple à suivre pour d’autres responsables d’autres organismes en charge de la promotion d’autres secteurs d’activités de notre pays.

Le Remodelage de la Région Afrique/Moyen Orient

Le Gouvernement marocain a adopté dernièrement le projet de loi portant sur l’accord de création de la Zone de Libre-Echange Continentale Africaine (ZLECAF), ouvrant la voie à sa ratification par le parlement. Dans ce cadre, Monsieur Moussa Faki Mahamat, Président actuel de la Commission de l’Union Africaine (UA), estime l’entrée en vigueur de la « ZLECAF » dans les semaines à venir. Cependant, bien que l’accord constitue en soi une excellente nouvelle pour l’Afrique, appelée à parler d’une voix robuste pour les 54 pays dans le cadre des négociations internationales à venir, le Président a peut-être été trop optimiste sur le délai court pour l’entrée en vigueur de l’accord en question. En effet, pour que ce protocole puisse être consommé, les états adhérents ont l’obligation de revoir les accords précédents éventuels qu’ils ont conclus avec d’autres pays (l’UE est particulièrement visée)  pour les rendre conformes aux termes du protocole de la « ZLECAF ».

En les circonstances, le Maroc est toujours en négociation, depuis 2013, d’un accord de libre-échange complet et approfondi (ALECA) avec l’UE dont le but majeur est d’aller (pour le Maroc) vers une convergence (alignement) des normes de nos secteurs agricole et agroalimentaire sur celles de l’UE. In fine, cela reviendra à restreindre les possibilités de diversifications de notre export à l’international hors Europe continentale pour aller, par exemple, vers le marché US avec lequel nous avons signé un accord de libre-échange clair et net mais maintenu sous réfrigération pour l’instant. L’Europe a, par ailleurs, mis en place, dans le cas de chacun de nos états africains intéressés, ainsi que pour d’autres pays à travers le monde, des protocoles d’accord plus ou moins similaires pour le commerce avec le grand marché ultra-protégé de l’UE. Ces nombreux protocoles, que l’UE fait habituellement signer à des tiers en bombant le torse, soutiennent le plus souvent des échanges commerciaux très asymétriques, favorisant les européens au détriment des autres pays contractants. Dans ces conditions, rendre de tels accords bilatéraux avec l’UE, déjà signés et en vigueur, conformes aux termes du protocole de la « ZLECAF » devrait avoir comme but d’abord de corriger, pour les pays de notre Continent, l’asymétrie qui caractérise de tels accords. Autrement dit, ces protocoles devraient être rendus un peu plus équilibrés en favorisant davantage les pays signataires africains. Mais, on peut avoir des doutes sur les chances de succès d’une telle tentative et être sceptiques au sujet de l’acceptation des européens d’adhérer de bonne grâce au processus éventuel de rectification des accords en question dans cet esprit. Il est donc plus que probable, selon notre opinion, que les européens chercheront (en substance) à entraver le processus de la « ZLECAF » par tout moyen à leur disposition, comprenant le soudoiement de dirigeants, le chantage, la corruption, le Franc CFA, les visas, la procrastination, le dénigrement, les « Fake News » et j’en passe.

Sur un autre plan, il est utile de souligner que la démarche visant à éliminer, ou réduire, l’asymétrie des échanges entre l’UE et nos pays de ce côté-ci de la méditerranée, ne pourra sérieusement être envisagée que s’il y a une refonte radicale des normes spécifiques UE qui sont, au-delà du protectionnisme même, les cerbères sciemment posés devant l’accès au marché communautaire. La tâche est d’autant plus difficile que les responsables UE ont tendance à interpréter toute tentative de modification (même adossée à de solides arguments scientifiques) de leurs normes en question comme un affaiblissement de leur Statut à l’international. Sur ce plan, même si on n’accepte pas cette position dogmatique de l’UE, on la comprend mieux si on prend en considération le fait que l’UE est de plus en plus acculée au rôle d’une immense structure mercantile. L’origine de l’abaissement du statut de l’UE de la position d’un ensemble de grandes nations industrielles et d’innovation vers une grande structure de transactions commerciales est à chercher en bonne partie dans les « effets secondaires » de la mise en œuvre de la Politique Agricole Commune (PAC).

Au départ, la PAC a été lancée pour couvrir les besoins alimentaires de l’Europe. Mais très vite, les Caciques européens ont vu les avantages à en tirer pour pérenniser la mainmise de l’Europe sur les richesses africaines. Ils ont alors initié la rétribution (récompense) des agriculteurs européens (majoritairement français) en fonction de leur production. Ce système a très vite entrainé une abondance de l’offre de nourriture et propulsé la France au rôle de premier plan pour le façonnage de la stratégie agricole européenne qui nourrit la PAC. L’abondance est devenue alors surabondance, opportunément déviée pour satisfaire les désirs des « élites » africaines. Dans le même temps, il était suggéré et/ou demandé à ces « élites » de veiller à maintenir (renforcer) le statu quo des relations établies avec l’UE. La France, là également, aura eu les premiers rôles dans cette stratégie. Des témoignages solides et nombreux appuient ces faits. Mais, depuis une dizaine d’années, la PAC dont la France a tiré de meilleurs profits, plus que tout autre pays de l’UE, n’a plus les moyens d’être aussi dilapidatrice. Comme conséquence, les agriculteurs français, et par ricochet l’ensemble du tissu social du pays, qui ont été habitués à recevoir l’aide de l’UE sans compter, pour effectuer simplement leur travail à leur rythme et ignorer totalement l’aspect compétitif du commerce, sont à présent mis à rude épreuve. Pour la première fois, les exploitants concernés  doivent raisonner en termes de compétitivité dans un environnement globalisé de plus en plus concurrentiel, ce qu’ils ne savent plus faire depuis bien longtemps. Ceci explique les déclarations du Président français lors du Salon de l’Agriculture de Paris de la semaine passée où il a avancé que « L’Europe agricole aujourd’hui est menacée de l’extérieur« , qu’il fallait « réinventer » la PAC pour revaloriser les revenus des agriculteurs français qui se trouvent effectivement en proie à un grand désarroi. Ce que tente de faire le Président de la république est, en résumé, un appel discret aux subventions de l’UE. Or, dans le même temps, l’UE s’apprête à perdre, avec le Brexit, un grand contributeur net de la PAC. Les déclarations mentionnées du Président français peuvent donc être comprises comme une invite dirigée vers les allemands pour une plus grande contribution à la PAC. Mais ces derniers ont confirmé à plusieurs reprises leur refus de mettre davantage la main à la poche. Le résultat est la sinistrose qui s’est installée dans le milieu agricole et agroalimentaire français. De là également une plus grande sensibilité (agressivité) des français pour tout ce qui touche au secteur agricole « européen ». Par le passé déjà, cette problématique a fortement contribué à faire capoter les négociations du cycle de Doha au sein de l’OMC et barrer la route à l’acceptation de la Turquie au sein de l’UE.

Par ailleurs, il y a maintenant une trentaine d’années que les européens ont introduit l’Euro avec grand enthousiasme et ils avaient, à ce moment-là, bien des raisons d’être optimistes. Mais pendant ce laps de temps, on a l’impression que les Dieux s’acharnent sur l’ensemble de l’Europe. Il y a eu toutes ces séries de problèmes sanitaires des années quatre-vingt-dix (vache folle, dioxines etc.). Il y a eu ensuite de grandes tensions avec les américains suite à la guerre d’Irak, qui ont laissé des traces à aujourd’hui. Après, il y a la chute de la grande Banque d’Investissement Lehman Brothers, qui constituait dans le même temps sorte de porte d’entrée favorisée des hommes d’affaires allemands sur le marché US. Comme conséquence de ces aléas, et  « Dieselgate » et autres, l’UE a perdu l’essentiel de ses repères pour, entre autres, maintenir ses privilèges commerciaux avec le Moyen Orient. Sur le même registre, les monarchies du Golfe ont largement freiné leurs investissements traditionnels en Europe. Il y a eu également la perte du marché russe de produits agricoles et agroalimentaires dont la Turquie a récupéré une bonne partie. Il y a à présent la sortie annoncée de la Grande Bretagne (Brexit) du marché commun etc. Mais dans tout cela, il y a encore et toujours l’Afrique dont le commerce reste largement tributaire de la volonté des européens. L’UE a pris soin de  « réquisitionner », moyennant des normes façonnées sur mesure, les produits du secteur agricole africain au profit des affairistes européens. Ils font ce qu’ils veulent de nos produits bruts pour les utiliser directement ou bien les valoriser (transformer) et les revendre sur d’autres marchés internationaux avec des plus-values pour leur seul profit. Pour cela, ils utilisent tout moyen de propagande possible pour promouvoir la « suprématie » des normes UE en question sur le reste du monde. Sous ce rapport, les américains se sont toujours gardés de critiquer ouvertement les normes UE dont il est question. Ils se sont juste bornés à défendre leurs intérêts, dans les litiges sous ce rapport, contre les européens devant l’OMC où ils ont gagné d’ailleurs. Cette attitude est en train de changer à présent. En effet, ces derniers jours, l’ambassadeur américain en Grande Bretagne (GB), Monsieur Woody Johnson, a comparé le savoir-faire agricole de l’UE à des pratiques figées dans sorte de musée de l’histoire agricole bloquant tout effort d’innovation et que certaines de leurs normes relèvent plus de la philosophie que de la science ! Voilà qui est dit et qui sonne la fin de la position de neutralité des américains face à la campagne menée par les UE au sujet de la « suprématie » de leurs normes.

Le message de l’ambassadeur américain peut également être interprété comme un appel à nous africains comme quoi l’export sur le marché US a été largement simplifié. Il suffit de mettre en place un Système Hazard Analysis and Risk-Based Preventive Controls (HARPC), « instrument » dont l’acquisition est parfaitement gratuite et largement suffisante aux yeux de la FDA. Le HARPC est la dernière version (améliorée) du Système HACCP (Hazard Analysis and Critical Control Points), avec lequel tous les opérateurs sont familiers à présent. On gagne alors en temps, en argent et on supprime les affairistes inutiles.

Au final, il ne fait plus de doute que le remodelage des forces d’influence dans notre grande région d’Afrique/Moyen Orient est largement entamé.

L’érosion de l’UE

Après avoir régné des siècles durant sur le commerce des esclaves, instauré dans la foulée la politique de la colonisation africaine que le vieux continent a subséquemment édulcorée en la drapant de la notion de coopération, l’Europe s’est blottie, après la dernière grande guerre, sous le parapluie nucléaire américain pendant la durée de la guerre froide. Ensuite, manquant de Matières Premières lui permettant de concurrencer valablement les grands pays comme la Chine, Etats Unis, Russie et autres, l’Europe a trouvé une solution idoine en la création du marché commun de l’Union qu’elle a pris soin de bien verrouiller, particulièrement en ce qui concerne les matières premières agricoles et produits agroalimentaires africains. Le but, devenu évident ces derniers temps, a été d’assujettir en premier lieu le secteur africain concerné au diktat de l’UE. Ce stratagème a bien joué pour le colonisateur européen jusqu’à la fin de la guerre froide. Mais il a cessé de bien fonctionner aujourd’hui en révélant des faiblesses innombrables.

Comme conséquence, l’UE n’arrête plus de gémir sur son sort. Elle en veut à toute la planète mais avant tout au Président Trump qui leur a retiré l’appui américain que l’UE prenait  pour acquis indéfiniment. Les responsables au sommet de la structure UE, qui prend de plus en plus les manières de faire de l’ex-Union Soviétique, disent ne pas comprendre pourquoi l’Amérique de Trump s’acharne contre eux. Le Président Trump est décrié pour s’être retiré de l’Accord de Paris sur le climat, pour le retrait américain de l’accord sur le nucléaire iranien, d’avoir abandonné l’accord nucléaire avec la Russie et d’avoir mis en place des taxes douanières injustifiées sur l’acier européen, pour ne citer que quelques récriminations parmi les plus couramment citées. Le Groupement UE avance, pour ce qui le concerne, qu’il ne fait de mal à personne, que le Groupement est là pour servir le multilatéralisme, faire disséminer les principes démocratiques et aider à la paix et la sécurité dans le monde. Cet argumentaire, de nature à faire apparaître le Président américain comme un gamin trublion dans une cour de récréation, peut plaire à Bruxelles bien sûr. Seulement c’est trop beau et trop simpliste pour résister à un raisonnement rationnel.

S’agissant de commerce, l’administration américaine actuelle est également engagée dans un bras de fer avec la Chine. Mais, alors que les réunions se succèdent avec l’Empire du milieu et que la résolution des problèmes progresse de l’avis de chacun des deux partenaires, ce n’est absolument pas le cas avec l’UE où les discussions semblent être sérieusement grippées. Alors que les pays d’obédience germanique paraissent flexibles pour trouver une solution globale avec l’administration Trump sur les barrières tarifaires et non tarifaires (normes), la France, seule, ne veut pas entendre parler d’une discussion pour un compromis sur l’agriculture et l’agroalimentaire. S’il n’y a pas, au sein de l’UE, de contradicteur officiel de cette position française intransigeante, et par moment absurde sur le plan du simple bon sens, d’autres pays de l’Union n’ont pas manqué de la critiquer à mots couverts à de nombreuses occasions. La France semble confortée dans son dogmatisme par le sacro-saint principe que la politique commerciale est décidée par la Commission de l’UE, après consensus. Mais derrière cette échappatoire, la France considère surtout que les normes agricoles et agroalimentaires, largement de son inspiration, qu’elle inflige au nom de l’UE aux opérateurs africains, servent également les intérêts des autres pays de l’Union. Et, on peut compter sur le génie de la Métropole pour leur rappeler ce fait lors de réunions opportunes.

Ceci étant, la presse européenne se fait écho dernièrement de la tournure dramatique que les relations commerciales US/UE pourraient prendre dans les jours à venir si le Président Trump décide de taxer à hauteur de 25% les importations des véhicules automobiles européens, c’est à  dire essentiellement allemands. Les constructeurs allemands sont vent debout contre l’éventualité d’une taxation supplémentaire de leurs véhicules qui ferait sûrement entrer l’Allemagne en récession si le Président Trump décidait de l’application de cette mesure dans les semaines à venir. Ils font donc pression sur leur gouvernement pour pousser la France à infléchir sa position rigide (anti-scientifique) sur les normes agroalimentaires. Jean-Claude Juncker, le Président de la Commission UE, a bien déclaré que si tel était le cas (taxation US des véhicules UE), les européens n’importeraient pas de gaz liquéfié américain ni de Soja. Concernant le gaz liquéfié, toute une infrastructure portuaire doit être mise en place au préalable en Europe – ce qui prendra des années – avant une importation quelconque de gaz liquéfié américain. S’agissant du Soja, destiné essentiellement pour le bétail, c’est principalement une question de prix qui en constituera le facteur limitant et cette problématique relève du secteur privé plutôt que la Commission. En somme, ces arguments ne devraient pas peser lourd dans la décision attendue de l’administration américaine sur les taxes à venir sur les voitures allemandes. Il revient donc aux allemands, première puissance économique de l’UE, de décider si l’alignement de leur position sur les intérêts de la « Françeafrique » est plus utile pour leur Business que de conserver la position de leader des ventes automobiles haut de gamme sur le marché US. Quant à la France, qui doit sentir le sol se dérober sous ses pieds à la perspective d’un défaut de l’appui allemand à ses causes, elle a choisi apparemment la carte du marchandage. Elle annonce vouloir, seule, initier une taxation lourde des GAFA et al. (Google, Apple, Facebook, Amazon) avec, supposément, l’espoir de faire revenir Trump à de meilleurs sentiments concernant les barrières non tarifaires de l’UE. Mais, ceci est peu probable au moment où l’administration américaine a commencé à appliquer des taxes anti-dumping (le litige est porté devant l’OMC) sur des produits du secteur agroalimentaire européen en réponse aux aides plus que généreuses de la PAC (Politique Agricole Commune) et aussi contre l’herméticité du marché UE des produits agricoles. A noter que la PAC porte une grande responsabilité sur la stagnation de l’investissement dans le secteur agro-industriel africain qui corrèle parfaitement avec les nombreux problèmes de malnutrition et le fléau de l’émigration des jeunes africains fuyant la misère sur notre continent. De plus, le pays de Voltaire doit se sentir bien seul maintenant que même des pays de l’UE, Italie entre autres, critiquent sévèrement sa politique sur notre Continent comme source principale des migrations massives de jeunes africains affamés.

Comme nous le savons tous, la France n’a pas été le seul Empire à coloniser l’Afrique. Il y a eu également  les Britanniques. Mais, les sujets de Sa Majesté ont été obligés de quémander l’aide du FMI dans les années soixante-dix à l’instar des pays déshérités ce qui a servi aux anglais de bonne leçon. Ils ont accepté leur sort, fait un lobbying efficace auprès des américains pour la consolidation de la City comme grande place financière après New York et ont su garder la tête froide en conservant leur monnaie, la livre sterling, qui n’a aucune prétention de concurrencer le Dollar. L’UE, poussée par une ambition française démesurée, profitant d’un moment de faiblesse avant la réunification germanique, aura poussé le bouchon trop loin en voulant conserver un accès illimité et exclusif de l’UE aux richesses africaines, en prétendant continuer de bénéficier gracieusement de la protection américaine et, cerise sur le gâteau, en ambitionnant de remplacer le Dollar par l’Euro. Le beurre et l’argent du beurre en somme. Alors, venir jouer à présent sur la fibre de la victimisation est malvenu de la part des responsables de l’UE, le moins que l’on puisse dire. Cela revient même à insulter l’intelligence des gens et à prendre les africains pour plus naïfs qu’ils ne l’ont été.

Sous ce rapport, un responsable de l’USAID qui a passé de nombreuses années parmi nous me disait, il y a une vingtaine d’années, que le Maroc, qui exportait déjà plus des trois quarts de ses produits agroalimentaires en France,  ne saura être compétitif qu’une fois qu’il se sera confronté à un vrai marché. Cette remarque peut bien s’appliquer à la plupart des pays africains. Dans ces conditions, l’élimination prévisible des normes qui nous sont imposées par l’UE n’est que le début d’un travail qui promet d’être très laborieux pour nous. Mais aussi combien est-ce qu’il sera gratifiant sur le plan de la confiance en soi et sur le plan pécuniaire.

L’export africain à l’heure du Brexit

La thalidomide, médicament (tératogène) d’origine allemande vendu dans les années 50 et début 60 du siècle passé, a occasionné une des plus graves tragédies que l’industrie de la santé a infligées à des milliers de patientes et à leurs progénitures partout dans le monde. Sauf aux Etats Unis où le médicament n’avait pas reçu l’autorisation de mise sur le marché. En effet, la réglementation FDA en vigueur, à l’époque déjà, exige des tests sur les substances médicamenteuses qui ont été reconnus insuffisants dans le cas de cette molécule. De manière équivalente, le volet de la réglementation FDA relatif à la salubrité des produits alimentaires était tout aussi robuste et plusieurs des prescriptions en question, dont la plus répandue traite du barème de stérilisation pour détruire la bactérie du botulisme, ont été dupliquées par de nombreux pays dans le monde. Ce règlement, qui a permis d’éradiquer les séries d’intoxications fatales du botulisme dont les USA ont souffert dans les années soixante, est connu sous LACF pour Low Acid Canned Food (Produits Peu Acides Stérilisés). Depuis, des fléaux nouveaux sont apparus comme ceux relevant de l’allergie et autres. En conséquence, la nouvelle loi américaine sur la sécurité globale des aliments FSMA pour Food Safety Modernisation Act (Loi de Modernisation de la Sécurité Alimentaire), entrée en vigueur récemment, va encore plus loin. Elle a innové sur plusieurs aspects en incluant pour la première fois une codification du contrôle de sécurité sanitaire des fruits et légumes frais. La FSMA a aussi  élargi l’approche HACCP (Hazard Analysis and Critical Control Points) de maitrise des risques aux dangers venant de l’allergie, de dangers environnementaux ou relevant des conditions de travail ou bien provoqués intentionnellement par l’homme (terrorisme). Ces risques doivent dorénavant être gérés par le nouveau système HARPC (Hazard Analysis and Risk-Based Preventive Controls). Les USA pensent donc, et c’est légitime, que la FSMA fera date et guidera le travail dans le domaine agroalimentaire pour des dizaines d’années à venir. Ils affichent leur intention de diffuser les mérites de cette nouvelle réglementation dans le cadre du contrôle de produits importés pour le marché US par le biais de Bureaux régionaux de la FDA qu’ils comptent installer un peu partout dans le monde. L’Afrique devrait accueillir l’un de ces bureaux régionaux. L’accord de libre-échange qui nous lie aux USA fait du Maroc un bon candidat potentiel pour accueillir une telle domiciliation.

Avant les américains, les anglais avaient, jusqu’à la dernière grande guerre, joué un rôle de pionnier dans l’élaboration, en particulier, de normes pour les produits alimentaires et les produits de santé. Les normes anglaises ont d’ailleurs servi de base à la mise en place de standards de la famille ISO. Les réglementations américaine et britannique étaient alors proches l’une de l’autre. Mais, les normes des deux pays pour les produits alimentaires ont commencé à se distancer les unes des autres à mesure que la Grande Bretagne tissait son intégration au sein de l’UE. A présent que les Britanniques se préparent à se séparer du marché de l’Europe continentale, ils vont devoir redéfinir leurs positions réglementaires par rapport aux normes UE et US. S’ils optent pour garder les normes UE, cela revient, pour ce qui concerne le commerce alimentaire, au maintien de la logique réglementaire qu’ils appliquent actuellement. Cette logique fait dire aux responsables de l’UE que 70% des produits consommés par les Britanniques leur viennent du marché européen. En réalité, une bonne partie des produits en question, dont des fruits et légumes par exemple, proviennent de notre Continent africain. D’ailleurs, les Russes étaient dans cette situation il y a quelques années et achetaient nos produits (marocains par exemple) via des intermédiaires européens. Suite au différend qui les oppose à l’UE sur le dossier ukrainien, ils ont opté de s’approvisionner directement chez nous pour ce qu’ils achetaient auprès des intermédiaires européens. Nos ventes directes sur le marché russe ont alors explosé pour passer de quelques centaines de millions de dollars à plus de trois milliards en moins de trois ans. Ainsi, en éliminant des intermédiaires opportunistes, les importateurs russes et les exportateurs marocains gagnent tous les deux, les uns en économisant sur les prix d’achat et les autres en recevant un meilleur prix sur les mêmes produits. Il est fort à parier que les anglais choisiront également ce type d’approche gagnant/gagnant en commerçant, en particulier, directement avec notre Continent, dont notre région de l’Afrique de l’Ouest. Le Brexit aura alors comme effet de booster davantage encore l’export africain de nos secteurs agroalimentaires.

Ceci étant, il est peu probable, après le départ des anglais, que les pays qui resteront dans le Bloc UE modifient en quoi que ce soit les règles qu’ils nous imposent sur les échanges commerciaux très asymétriques. En effet, contre des pratiques très protectionnistes et discriminatoires, qui ont donné du fil à retordre aux américains mêmes qui disposent de standards et de lois solides, nous sommes bien démunis sur notre Continent pour leur tenir tête ou remettre en cause les règles des échanges qu’ils nous font subir. Parmi les raisons, il y a que, en tant que colonisateur de fait, les autorités du Bloc UE ont mis en place un système qui privilégie le dialogue avec nos gouvernements africains et dénigre l’expertise du secteur privé. Leur longue expérience cumulée sur notre Continent les instruit sur le peu d’efficacité ou de performance des prestations de nos pouvoirs publics ce qui se traduit par des changements très lents de nos sociétés. Aussi, cela revient de facto à un allongement indéfini du Statu quo qui arrange mieux la continuité de leurs affaires. Il s’agit d’une sorte de piège dont il est difficile de sortir, mais pas impossible.

A ce propos, j’ai eu, il y a de cela plusieurs années (mes archives), à donner mon avis d’expert sur un litige dressant un client contre une grande multinationale européenne. Non seulement le client ne faisait pas le poids devant le grand groupe mais, en plus, la multinationale faisait peu de cas de notre système judiciaire et de ses auxiliaires (experts) comme moi-même. Echanger dans ces conditions revient à un dialogue de sourds. Le client étudiait alors la possibilité de communiquer sur l’affaire avec la presse et j’avais consenti que, dans un tel cas, je donnerai mon propre avis sur le litige. La nouvelle a été ressentie par le premier responsable du groupe en question au Maroc comme une douche froide. Il a alors pris la peine de nouer le dialogue et chercher un compromis. Il semble donc que la perspective d’une mauvaise publicité fasse davantage peur à ces gens qu’un Arrêt du tribunal.

Sous ce rapport, les données (voir ailleurs dans ce blog) montrent que nos opérations d’export de produits agroalimentaires vers le marché européen sont tributaires d’une multitude de barrières que des Cabinets Conseils (chaque pays de l’UE en a installé chez nous) promettent de leur trouver solution moyennant finance. Mais, ces Cabinets privés œuvrent à ouvrir le marché UE devant nos opérateurs en privilégiant le dialogue avec les responsables de l’Autorité de tutelle chez nous sur le secteur agroalimentaire et dénigrent royalement toute expertise privée locale. Par contre, dans le sens de nos importations, l’expertise de ces Cabinets privés est reçue comme des paroles de prophètes aussi bien par nos importateurs que par nos autorités. Alors, je me demande ce qui arriverait si, de notre côté, nous nous mettions à traiter ces gens comme ils nous traitent, c’est-à-dire « dénigrement pour dénigrement ». Dans ce cadre, sur trente-cinq ans d’activité à Casablanca, mes archives sont garnies d’exemples de malversations de nombre d’exportateurs  de l’UE qui ont pignon sur rue et dont certaines de ces opérations ont été certifiées par des Cabinets conseils dont nous parlons. Cela mérite réflexion.

L’Amérique s’intéresse enfin à l’Afrique

La FSMA (Food Safety Modernisation Act) —  nouvelle loi de sécurité sanitaire des produits alimentaires, entrée en application aux USA dernièrement — a introduit le « HARPC » (Hazard Analysis and Risk-Based Preventive Control) comme nouvel étalon d’appréciation de la conformité des produits alimentaires aux exigences de salubrité fixées par la nouvelle réglementation américaine. Pour la FDA (Food and Drug Administration),  qui pilote en somme l’innovation du contrôle à l’échelle mondiale dans le secteur agro-industriel depuis plus d’un siècle, le HARPC prime dorénavant sur le  « classique » HACCP (Hazard Analysis and Critical Control Points). Rappelons-nous, suite à la mise en œuvre du « HACCP » par le Codex Alimentarius dans les années quatre-vingt-dix du siècle passé, le lexique « Françeafrique » lui avait vite trouvé un libellé équivalent  « Analyse des Dangers – Points Critiques pour leur Maîtrise ». Mais cette sorte d’anagramme n’a  malheureusement trouvé aucun preneur et est tombé dans l’oubli. En persévérant, la logique franco-européenne avait trouvé une formulation alternative en lançant l’ISO 22000, qui représente une sorte de tenue de ville du HACCP, et ils se sont empressés ensuite de le déclarer comme un instrument innovant d’origine européenne. Il n’est pas clair si en ce moment l’Europe de Prestige s’apprête à draper le HARPC d’un quelconque « ISO 22000 bis » pour revendiquer l’instrument ensuite comme sien.

Le type d’appropriation évoqué plus haut — par reformulation ou bien « copie/coller » ou autre forme — des créations faites ailleurs et revendiquées ensuite par le bloc commercial UE, est rendu possible grâce, en particulier, à une connivence franco-allemande bien structurée. Dans ce cadre, l’observation attentive montre que la France et l’Allemagne se complètent, et ont été, jusqu’à présent, d’intelligence sur de nombreux domaines. Ainsi, les allemands, qui représentent une fois et demie la population française, mais qui vivent sur une superficie à peine au-dessus de 50% du territoire français, montrent depuis longtemps un profond attrait pour tout ce qui touche à l’agroalimentaire français, relativement moins industrialisé que chez eux et donc supposé être plus proche de la nature. Pour cette raison, et d’autres de nature politique et commerciale, et compte tenu du poids de l’Allemagne au sein de l’Europe, la France se trouve à jouer un rôle moteur dans la politique de l’UE pour le domaine agroalimentaire. Aussi, considérant le passé colonial français sur notre Continent, ce rôle est particulièrement prépondérant pour la relation de l’UE avec l’Afrique. Dans ces conditions, si l’Europe reste sans conteste le premier partenaire de notre Continent pour nous acheter les  Matières Premières agricoles et nous  revendre les produits finis qui en découlent, la part de lion sur ce commerce très asymétrique revient à la France pour ce qui est de l’Afrique du Nord et de l’Ouest. Ceci explique en partie l’acharnement de la France, en tant que figure de proue de l’UE pour le domaine agroalimentaire, à traiter le « HACCP » comme un simple enseignement de travail et à considérer  l’ISO 22000 comme une norme « made in Europe », rendue incontournable pour l’export de tout produit du secteur agroalimentaire africain vers l’UE. De plus, Cette norme qui nous est imposée, en lieu et place du HACCP, est administrée à plus de 95% par des structures européennes. En définitive, énormément d’argent et d’informations précieuses vont ainsi de l’Afrique dans les poches et tiroirs d’organismes européens eux-mêmes imposés au Continent par le groupe commercial UE.

Toutefois, cette domination du Consortium UE sur les échanges agroalimentaires africains avec l’extérieur, qui dure depuis des siècles, n’aura jamais été aussi proche de son déclin que présentement. En effet, les déclarations de John Bolton de Jeudi passé devant the Heritage Foundation à Washington, DC, où il a martelé : « L’Afrique est extrêmement importante pour les États-Unis… Si nous ne l’avions pas compris auparavant, la concurrence de la Chine, de la Russie et d’autres pays devrait la mettre en évidence pour nous, raison pour laquelle j’estime qu’il s’agit d’un tournant potentiel dans la compréhension américaine de ce qui est en jeu pour nous – pas seulement pour l’Afrique – mais pour les États-Unis dans les affaires africaines », constituent une première inédite. Ce dernier, Conseiller à la sécurité nationale des États-Unis et très proche collaborateur du Président Donald Trump, vient de confirmer solennellement un tournant historique dans le rapport que les américains ont entretenu jusqu’à présent avec notre Continent. En effet, depuis la fin de la dernière grande guerre, les intérêts américains sur l’Afrique, dont la politique d’endiguement (containment) de l’influence soviétique sur le continent,  étaient cogérés ou simplement délégués à des pays européens, la France y faisant partie. Mais, suivant l’adage « Charité bien ordonnée commence par soi-même », et après soixante-dix ans, le résultat est là sous forme, par exemple, d’une omniprésence française dans les affaires de cette région de l’Afrique alors que les USA brillent par leur absence. Comme corollaire de cet aspect des choses, la plupart des innovations et autres type de progrès, apparus ailleurs dans le monde, sont vite reformulés et/ou reconditionnés au niveau de pays de l’UE avant de nous être présentés francophoniquement comme des créations « made in UE ». Le cas du HACCP habillé en ISO 22000 est éloquent sous ce rapport (voir ici  ).

Sur ce registre, alors que le HACCP — référentiel qui a coûté des dizaines d’années de travail de recherche et d’affinement aux américains et que la FDA a distribué gratuitement à tout le monde — a fait son chemin durant les dernières décennies un peu partout dans le monde  comme l’étalon de choix pour mesurer la qualité de travail dans le secteur agroalimentaire, sa « voix » est à peine audible dans l’UE au profit de l’ISO 22000. Et, surtout, ce réplica du HACCP qui ne dit pas son nom, qui reste un instrument à but lucratif avant tout, imposé bon gré mal gré aux exportateurs africains vers l’UE au détriment du HACCP, révèle le degré de paresse (synonyme d’économie de rente) que le groupe commercial UE a choisi pour plumer les africains de leurs modestes gains sur les ressources agricoles brutes. Cerise sur le gâteau pour les européens, l’ISO 22000 aura servi en même temps à verrouiller les marchés de nos Matières Premières agricoles africaines au profit du consortium UE. Alors, dans ce cadre, la tentation peut effectivement être forte pour l’Europe de prestige de refaire le même type de scénario avec le HARPC et initier un Bis Repetita. Sauf que cette fois-ci, la volonté américaine de se rapprocher de l’Afrique est cristalline et les responsables US sont décidés à déblayer par devant cette démarche pour  débarrasser le terrain de tout ce qui pourrait constituer une nuisance vers ce but. En premier lieu, comme les américains n’ont eu de cesse de le répéter sans succès avec les autorités européennes de l’agroalimentaire, faire reposer les normes qui sous-tendent les échanges sur des critères scientifiques. Si l’Europe de prestige refuse cette approche en se mettant à l’abri derrière le leitmotiv « Principe de précaution », il y a lieu de reconnaitre que le message a été compris de ce côté-ci de la méditerranée et la viande rouge et la viande blanche américaines ont déjà reçu le feu vert de nos autorités pour être distribuées localement en attendant d’atteindre progressivement les autres marchés africains. Belle concurrence en perspective avec les produits carnés de l’UE et que le meilleur gagne.

Ceci dit, il n’y a nul besoin de dramatiser car la réputation des produits du secteur agroalimentaire français, construite sur des générations de savoir-faire,  ne devrait souffrir d’aucun aléa. Les produits en question, dont bon nombre va sur des marchés de niches, possède ses défenseurs et ses protecteurs convaincus. Mais le problème prend une autre dimension quand la France joue au porte-drapeau de l’UE pour se mettre en travers de la progression du savoir-faire agroalimentaire US à travers le monde, à commencer par l’Afrique. Rappelons au passage que ce savoir-faire, qui a fait défaut au Troisième Reich, a constitué un élément majeur pour la victoire des alliés dans la deuxième guerre mondiale en permettant de nourrir des millions de soldats partout dans le monde. Egalement après la guerre, en venant en aide, notamment, à une bonne partie de la population européenne qui a de cette manière échappé à la disette. Alors, en se mettant en travers des intérêts américains relevant du domaine agroalimentaire, somme toute légitimes, la France court le risque d’un retour de bâton. En effet, son alignement inconditionnel sur les positions de pays d’obédience germanique, alors que ces derniers sont eux-mêmes en retrait sur le sujet, peut lui réserver de mauvaises surprises. Comme de par le passé, il est probable qu’au moment de faire le choix entre les pratiques américaines et celles de la France, les voisins des gaulois optent pour le savoir-faire américain ce qui constituerait une déception doublée de punition. L’Allemagne et les autres pays germanophones, choisiront sûrement l’Amérique et, concernant la punition, Trump a laissé entrevoir échantillon de sa réaction en rappelant dernièrement aux français que sans l’intervention de l’Uncle Sam pendant la deuxième guerre mondiale, ils seraient en train de parler allemand au lieu de surfer sur la « Françeafrique ».

Mais laissons l’UE et les USA à leur besogne et interrogeons-nous si, en tant qu’africains, nous avons quelque chance d’améliorer notre commerce extérieur à la faveur de la FSMA. La réponse, selon notre appréciation, est affirmative. La FDA a en effet largement facilité les procédures administratives pour l’accès de nos marchandises au marché US. Par exemple, il n’y a aucun intermédiaire à payer (pour exporter) si on peut soi-même introduire son procédé de fabrication sur le portail  dédié de la FDA. Mais il reste vrai que la plupart de nos opérateurs ne sont pas au courant du mérite de ces facilités d’accès au marché US. Il revient donc à notre association AEFS (Association des Experts Africains en Sécurité Sanitaire des Produits Alimentaires) de faire l’effort nécessaire pour sensibiliser les opérateurs africains sur ces possibilités. Du travail en perspective.

La longue agonie de l’UE

Dans le cas d’une personne en phase terminale, il y a souvent consensus à la laisser aller en paix. Mais, trouver quelqu’un qui accepte, disons, d’arrêter la ventilation artificielle par exemple, est autrement plus compliqué. Peu ou prou, c’est ce qui se passe à présent dans le cas du groupement bancal qu’est l’Union Européenne.

Sous ce rapport, depuis la mise en œuvre de cette communauté, c’est l’Allemagne qui sort vainqueur financièrement grâce, notamment, à une balance commerciale fortement excédentaire avec les autres pays au sein de l’UE. En somme, elle a simplement détruit la compétitivité des pays latins qui ne peuvent plus se défendre en dévaluant une monnaie dont ils n’ont plus la maîtrise. Dans le même temps, l’Allemagne a interdit à elle-même, par la loi, de se solidariser avec les pays de l’UE en difficulté en leur prêtant son propre argent.

L’échafaudage sur lequel l’UE a été construit n’est peut-être pas solide mais il est astucieux. Pour rester concurrentiel face aux américains et chinois notamment, qui possèdent l’essentiel de ce dont ils ont besoin comme Matières Premières sur leur propre sol, les européens « se devaient » de garder à leurs pieds les richesses de l’Afrique, seule planche de salut qui leur restait pour se maintenir dans cette course. Depuis la dernière grande guerre les français ont servi, en Afrique, de vassal aux allemands pour défendre leurs « intérêts mutuels », dans l’exploitation de nos richesses agricoles en particulier. Cette coopération intime, sur laquelle nous connaissons un chapitre, aura constitué le socle sur lequel la dépendance africaine sur l’UE a été construite. Pour accentuer la dépendance des produits africains vis-à-vis du marché de l’UE, la stratégie machiavélique mise en place a consisté, entre autres, à produire une logorrhée de normes « strictement européennes » couvrant tout ce que produit l’Afrique. Le Bloc se réservant le droit de punir tout entité, ou pays, qui déroge aux normes en questions. Personne n’est dupe, mais les raisons qui font adhérer bon gré mal gré différents pays africains à ce diktat combinent des facteurs tels que, la corruption, le franc CFA, des officiels gouvernementaux acquis ou achetés à la cause de la Françeafrique, voir simplement une condition d’économie de rente dans laquelle la Métropole a confiné des élites africaines.

Oui, mais vu sous un autre angle, l’UE s’est en réalité arrogé le droit de mettre le commerce africain sous tutelle à son profit. Les européens ne sont pas bêtes à ce point de ne pas réaliser que leur jeu est simplement grotesque et qu’il ne peut pas durer. Il faut reconnaitre aussi qu’après des siècles d’esclavage, de pillage et de dilapidation de biens africains qui ne leur appartiennent pas, cela doit être très difficile pour eux de s’arrêter en chemin. Cette attitude relève d’une certaine forme de dépendance sévère, comme à une drogue, dont le sevrage est traité dans des hôpitaux psychiatriques. Car au bout du compte, il va leur falloir, les français avant tout, réapprendre à travailler selon leurs propres capacités et à gagner leur pain quotidien à la sueur de leur front. Malheureusement, les européens ne connaissent ces choses que dans les ouvrages du moyen âge.

Mais comme nous le savons tous à présent, les pays du monde entier sont intéressés de commercer avec l’Afrique. L’avantage du commerce est qu’il produit des résultats à court terme, ce qui  intéresse au plus haut degré les sociétés européennes, françaises en premier lieu. Ils ne paraissent plus, et ne peuvent plus aussi, très intéressés par de gros investissements structurants qui produisent des effets après des dizaines d’années et qui visent à rehausser la qualité du service africain ce que les empires coloniaux ont toujours voulu éviter. Mais les pays qui prennent le risque d’investir dans des infrastructures coûteuses sont aussi intéressés de faire du commerce à court terme. Mais que faire quand ceux qui tiennent la place s’arcboutent sur leurs privilèges. Les chinois d’abord, mais les américains aussi, sont perplexes. En somme, les européens font des appels du pied, genre, par exemple, coopération triangulaire France-Chine-Afrique que la Chine a déjà refusée, probablement pour y avoir vu sorte de guet-apens. Pour l’Amérique, c’est différent. Jusqu’à présent, ils se sont reposés sur l’Europe, l’Allemagne principalement, pour commercialiser leurs produits industriels en Afrique. Les représentants sur le terrain sont des français compte tenu de leur « connaissance du terrain ». Il est possible que les européens, ceux cités en tout cas, s’attendent à ce que l’Amérique leur offre de redéfinir leur coopération triangulaire sur l’Afrique, construite depuis la guerre froide et qui s’essouffle à présent. Mais le Président Trump a déjà largement décliné sa manière de raisonner. Ce qu’il peut faire par lui-même, il n’est pas prêt à verser un penny pour le faire faire par quelqu’un d’autre.

En réalité, l’Europe pose un problème aux américains depuis des dizaines d’années dans le sens où nos voisins du nord veulent qu’on leur donne de l’importance individuellement, en les consultant l’un après l’autre et, en même temps, donner de l’importance à leur instrument hégémonique, quoique branlant, qui est l’UE. En somme, c’est la quadrature du cercle à laquelle les américains se « sont adaptés » avant l’avènement de Monsieur Donald Trump. Il ne se passait pas une semaine sans que des officiels d’un ou plusieurs pays fassent le déplacement de Washington suivi, ou bien en même temps, par des visites « officielles » de responsables de l’UE. Leur présence outre atlantique leur offrait une caisse de résonnance internationale avec, implicitement, la bénédiction de Washington. Ils suffisaient pour eux, ce en quoi ils excellent, de faire valoir ce « privilège » à l’échelle internationale. Dommage que le Président Trump les ait rendus orphelins de cet avantage. Alors, nous n’entendons plus les voix « européennes » qui crevaient les écrans auparavant de manière récurrente. Dans ce registre il y a l’absence (apparitions très occasionnelles) notée de la sympathique Federica Mogherini au titre pompeux de « Haut représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité ». Mais elle n’est pas à plaindre étant grassement payée en Euro, laquelle monnaie, contrairement au reste du monde, est la plus utilisée chez nous en Afrique et dont les bénéfices vont justement au Groupement UE au titre d’économie de rente sur tout un continent.

A présent, les américains se sont, à leur tour, arcboutés sur la primauté de la science dans la redéfinition éventuelle des normes d’usage, comprenant le secteur agricole, entre eux et les européens. Ces derniers ont recours à des contorsions de langage pour ne pas aborder la discussion des normes avec les américains. En soi c’est un aveu de faiblesse dont les américains sont bien conscients. L’adage chez nous dit que celui qui a juste encore un jour à vivre peut être considéré comme mort. Allez savoir, peut être que le président Trump applique juste cette maxime dans l’attente de la chute de l’empire européen.