FSMA, le nouveau Paradigme du contrôle préventif

L’Agence américaine (FDA) de contrôle des aliments et des médicaments (seulement son rôle dans le contrôle des aliments sera considéré dans cet article) a démarré dernièrement le travail avec la nouvelle loi « Food Safety Modernisation Act » ou FSMA (Loi de modernisation de la sécurité sanitaire des aliments). L’application continue, par ailleurs, de faire l’objet de mesures de consolidation. La FSMA représente, à ne pas en douter, le nouveau Paradigme qui impactera la manière d’aborder la gestion de la sécurité sanitaire des produits alimentaires dans les décennies à venir. Elle constitue l’aboutissement d’efforts continus sur plus d’un siècle de la part de l’Agence fédérale pour adapter l’approche de contrôle de la sécurité sanitaire au commerce alimentaire qui se complexifie d’une année sur l’autre en parallèle avec la globalisation des échanges. La loi introduit un assouplissement considérable des procédures administratives et, dans le même temps, une plus grande responsabilisation des opérateurs privés face à la nouvelle réglementation.

Les efforts évoqués ont commencé au début du siècle passé. Les inspecteurs FDA de l’époque sillonnaient les points de vente, comprenant les marchés forains, pour prendre des échantillons  et effectuer dessus des analyses de laboratoire sur lesquels reposait le précédent système de contrôle appelé « Contrôle par échantillonnage ». Mais, parmi les insuffisances de cette pratique du contrôle, révélées après, il y a le fait qu’entre le moment du prélèvement et la sortie des analyses, la marchandise est toujours en vente et, en cas de problème sanitaire, les consommateurs risquent d’en faire les frais et potentiellement en souffrir. La prise en compte de ces faiblesses du système de contrôle sus évoqué, appliqué également aux médicaments à l’époque, couplée avec l’occurrence d’incidents fatals, avait conduit la FDA à mettre en place la réglementation de 1938 qui demandait aux opérateurs de s’assurer de l’innocuité de leur produit avant de le mettre sur le marché. Par la suite, cette loi a été amendée à plusieurs occasions, c’est-à-dire lors de l’apparition de chaque incident sanitaire nécessitant une prise en considération dans la loi. Pour cette raison, la loi basée sur le « Contrôle par échantillonnage » est  qualifiée de réactive.

Le HACCP (Hasard Analysis and Critical Control Point), en tant qu’approche de contrôle de la sécurité sanitaire de produits alimentaires, a été salué en tant que première tentative allant dans le sens de la prévention d’incidents avant leur matérialisation. Comme corollaire, les analyses de laboratoire mentionnées plus haut représentent une facette seulement du système de contrôle actuel.

Mais, avant le sacre aux USA du HACCP en tant qu’outil de référence d’appréciation de la qualité de travail dans les unités de production, il y a une trentaine d’années,  les premières applications de son usage avaient déjà vu le jour d’abord dans le cas des produits dits « LACF » et « AF ». Ces deux catégories d’aliments ont représenté les deux portes principales d’accès des produits alimentaires exportés sur le marché US depuis les années soixante-dix.

Dans le cas des produits « LACF », pour « Law Acid Canned Food » (produits peu acides), la règle veut que ces aliments en conserve soient traités à la chaleur pour détruire la bactérie du Botulisme qui a été à l’origine de plusieurs incidents mortels aux USA jusqu’au début des années soixante-dix (avant l’application des règles du « LACF»). La réglementation « LACF » s’adresse essentiellement aux produits stérilisés en autoclave. Pour des considérations de prix des autoclaves, comprenant les éléments annexes (équipement de sertissage, contrats de maintenance etc.), les opérateurs marocains, très souvent de petite taille, sont loin d’être compétitifs sur le marché US pour ce type de produits. L’export de sardines en conserves dans le passé peut être considéré comme une exception tributaire de circonstances particulièrement favorables.

Les aliments dits « A/F », pour « Acidified Food » (produits acidifiés) sont des produits acides, ou rendus acides (pH inférieur ou égal à 4.6). Dans la mesure où les bactéries pathogènes, celle du Botulisme en particulier, ne se développent pas dans un tel milieu, un traitement modéré à la chaleur est suffisant pour de tels types de produits appelés aussi « Pickles ». Les Italiens, en particulier, mais les espagnols aussi et certains pays de l’Europe de l’Est ont lourdement investi dans ce secteur pour y avoir des technologies très concurrentielles. Pour le moment, ce n’est pas encore le cas pour le Maroc. Le résultat est que ces gens achètent à tour de bras nos matières premières visées (olives, câpres, tomates et autres), les façonnent chez eux et exportent ces « Pickles » sur le marché US à des prix que nous ne pouvons suivre immédiatement. Cela nous laisse, pour ce qui concerne les deux « portes » mentionnées plus haut, la seule possibilité de vendre nos matières premières en vrac et en tirer de petits profits alors que les intermédiaires évoqués apprêtent nos produits selon des technologies somme toute accessibles, les revendent sous nos yeux sur le marché US et font de grands bénéfices.

Il faut rappeler que les deux portes d’accès au marché US résumées plus haut ont été optimisées essentiellement pour neutraliser le risque posé par la toxine du botulisme. Certaines qualités organoleptiques des produits peuvent en réalité se perdre, suite au traitement de stérilisation par exemple. Du reste, la réglementation américaine concernée n’a pas montré un grand intérêt auparavant pour d’autres produits commerciaux non optimisés selon l’une de ces deux options. C’est le cas par exemple des produits dont la sécurité sanitaire est assurée par une concentration en sel ou bien les produits déshydratés et autres. Mais, avec la globalisation des échanges de plus en plus effective et l’ouverture du marché US sur d’autres produits de terroir, développés selon des recettes ancestrales mais qui ont fait leurs preuves sur des centaines d’années, comme nombre de produits chez nous, la FSMA est venue avec des solutions innovantes pour permettre leur accès au marché américain. Le raisonnement n’est plus de se conformer à une porte d’entrée, avec des conditions préalablement établies, mais de montrer qu’un système de production (Process) pour produire un aliment donné garantit la sécurité sanitaire de l’aliment. Il s’agit en fait d’une troisième porte ouverte expressément pour tout opérateur, africain par exemple, qui peut montrer, en se basant sur des principes scientifiques, que, dans les conditions de préparation et d’offre au consommateur, son produit peut être considéré comme salubre.

Sur un autre plan, et vis-à-vis de la loi, la FSMA a mis le statut de l’importateur au même niveau que celui du producteur américain. L’un est responsable sur les produits préparés dans son Unité et l’autre est responsable sur le produit qu’il importe d’une Unité étrangère. Autrement dit, la FSMA considère la responsabilité de ces deux types d’acteurs du secteur agroalimentaire américain comme identique car les deux intervenants offrent des produits dans les mêmes conditions au consommateur américain. Il revient donc à l’importateur de prendre les mesures adéquates pour s’assurer de la qualité des produits fabriqués dans l’unité du pays étranger, source de son approvisionnement. Le bon côté de cette loi est qu’elle facilite le travail de nos exportateurs en leur assignant un seul interlocuteur, à savoir leur partenaire importateur sur le marché US.

Avec l’application de la FSMA, le commerce devient beaucoup plus fluide et la vente directe au consommateur américain est à présent à portée de main des opérateurs africains, marocains en particulier. Toute la philosophie du travail de la FSMA est construite sur la prévention de tout risque, dans le HACCP ou bien à l’extérieur du HACCP (dans ce que l’on appelle les programmes prérequis) pour éviter, éventuellement, qu’il ne se matérialise et rend le produit en vente dangereux pour le consommateur. Il s’agit, en somme, de la distension du HACCP qui devient du coup le HARPC (Hasard Analysis Risk-Based Preventive Control).

Bonne chance aux exportateurs de notre secteur agroalimentaire.

L’ONSSA dans l’ignorance de la loi

Nous avions, il y a quelque temps, traité dans un article de l’« Amateurisme de l’ONSSA »  à l’occasion d’un dossier dont nous nous étions  occupé il y a un peu plus de trois ans.

Il y a quelques semaines, un importateur a présenté ses doléances à l’ONSSA (Office National de Sécurité Sanitaire des produits Alimentaires) suite au blocage, et confirmation de refoulement, de sa cargaison de thé vert importé de Chine. Nous allons examiner ce dossier, reçu pour expertise par mon Cabinet, qui nous montrera qu’au lieu d’apprendre de leurs erreurs pour progresser comme n’importe qui, l’ONSSA au contraire parait amnésique et, à mesure que le temps passe,  s’enfonce davantage dans la médiocrité.

Après plusieurs démarches auprès de l’ONSSA en question, restées infructueuses, la société MARTEAPACK nous a demandé, en date du 11 Juillet passé, d’expertiser par rapport à la loi leur dossier d’importation d’un lot de thé vert, bloqué au port d’Agadir depuis le 27 Avril dernier, et de voir avec l’ONSSA s’il est possible de trouver une solution acceptable pour tout le monde.

Document 1

Nous avons alors écrit, comme suite, à l’ONSSA pour leur demander de bien vouloir nous informer des éléments réglementaires qui soutiennent le blocage en question.

Document 2

L’organisme a ensuite adressé à MARTEAPACK une note (non datée) au nom du Directeur Général ONSSA, signée  par Monsieur Zakaria Abdelkader, Directeur du Département du contrôle et de la protection à l’ONSSA.

Document 3

La note du Directeur Général, qui fait référence à une demande de MARTEAPACK du 8 juin dernier (voir plus bas sous exégèse), affirme que le blocage est dicté par la présence dans le thé de l’insecticide « Triazophos » à la concentration de 0.03mg/kg dans un échantillon de la marchandise contrôlé par le LOARC (Laboratoire Officiel d’Analyses et de Recherche Chimique) à Casablanca, mais prélevé à Agadir par tierce partie non identifiée.

Document 4


Dans le même temps, la note de Monsieur Zakaria a fermé la porte sur un éventuel deuxième contrôle (expertise contradictoire) demandé par MARTEAPACK. En parallèle, et après quinze jours d’attente sur la suite à notre note (Document 2), nous avons fait un fax de rappel

Document 5

       

en date du 26 juillet. Comme réponse, l’ONSSA envoie (le jour même) directement à MARTEAPACK un « Certificat de Contrôle » portant pour toute information un cachet de « Non Admis » de la marchandise (voir plus bas sous exégèse).

Document 6

Nous rédigeons alors à notre tour une note d’avertissement sur les pratiques peu orthodoxes de l’ONSSA que nous remettons en main propre à l’ONSSA et au Ministère de l’Agriculture en tant qu’Autorité de supervision.

Document 7

Document 8

Le lendemain (27 juillet), les services des Douanes d’Agadir appellent par téléphone le transitaire de MARTEAPACK pour l’informer que les responsables régionaux de l’ONSSA Agadir les ont « instruit » de la non-admission de la  cargaison de thé vert sur territoire marocain et que MARTEAPACK devait faire connaitre immédiatement à la Douane leur préférence pour l’incinération ou le refoulement du lot de thé vert « non-admis ».  Affolé, le patron de la société m’appelle d’urgence pour avis. A notre tour, nous donnons notre appréciation dans une note  sur ces pratiques de l’ONSSA sortis d’un autre âge que nous communiquons au Président de MARTEAPACK pour remise à ses avocats. MARTEAPACK a finalement opté pour la remise de notre note en main propre de l’ONSSA.

Document 9

Exégèse

Le bulletin d’analyses du LOARC

Un document d’analyses qui ne renseigne pas sur la méthode appliquée pour les déterminations au laboratoire, appuyées sur des référentiels scientifiques appropriés et reconnus, qui ne donne pas le degré d’incertitude des mesures, qui ne fait pas une conclusion sur le travail effectué, qui n’indique pas le nom et la qualité de la personne qui le signe, ce qui semble être le cas de ce document tronqué du LOARC (Document 4) ne peut correctement prétendre à la qualification comme Bulletin d’Analyses.

La limite maximale de résidus de Triazophos qui serait accepté dans le cas du thé, ou d’un aliment assimilé, n’y figure pas non plus.

Donc, pour nous, il s’agit d’un document qui n’est pas à la hauteur de ce que l’on désigne normalement comme Bulletin d’Analyses et, par voie de conséquence, n’est pas fiable pour attester avec confiance de la présence du Triazophos et/ou de l’estimation de la concentration attribuée à cet insecticide dans le lot de thé.

Note du Directeur Général ONSSA

La note en question (Document 3), qui doit avoir motivé le « Certificat » de non-admission de la marchandise (Document 6), mérite qu’on s’y arrête un instant pour rappeler que l’avènement de la loi 28-07 de sécurité sanitaire des produits alimentaires en 2010 devait être suivi, 18 mois après son entrée en application, de l’abrogation définitive la loi 13-83 (loi précédente), y compris son chapitre sur la répression des fraudes. Il n’empêche (voir nos archives), l’ONSSA se sert toujours, un peu à la carte, du chapitre de la répression des fraudes de la loi abrogée 13-83 chaque fois que cet organisme le souhaite. Mais, alors que le chapitre de la répression des fraudes, toujours en application, prévoit bien la possibilité d’une deuxième expertise au requérant sur sa demande, Monsieur Zakaria répond que non ! (Document 3). A préciser que les services de l’ONSSA d’Agadir ont refusé d’accuser (le 8 juin 2018) réception de la note de demande de MARTEAPACK pour une deuxième analyse, obligeant la société de simplement remplir un imprimé (voir sous objet de  Document 3) dont on a refusé de leur en remettre copie comme décharge. Pour justifier son refus d’une analyse d’expertise contradictoire, Monsieur Zakaria avance  que « la marchandise a été contrôlée selon la réglementation en vigueur » ! Nous ne savons pas si en s’exprimant de façon aussi ambiguë, Monsieur Zakaria veut dire que, parfois, leurs services effectuent le contrôle mais de façon « non-réglementaire » !

Aussi, sachant que la responsabilité sur le contrôle est une et indivisible et que, par ailleurs, le contrôle d’une cargaison d’une telle importance (environ cinquante mille kilos de thé) doit porter sur plusieurs échantillons répartis sur l’ensemble de cette marchandise (plan d’échantillonnage préétabli) avec détermination, lors des analyses, d’une moyenne et d’un écart expérimental qui ne figurent pas sur le Bulletin tronqué du LOARC, le contrôle auquel se réfère l’ONSSA est, selon notre avis, tout sauf réglementaire et, en l’absence d’autres précisions, il est donc, pour nous, nul et non avenu.

Sur un autre plan, il y a lieu de rappeler que depuis l’instauration du principe de ce que l’on appelle la « Delaney clause » dans la réglementation FDA (United States Food and Drug Administration) de 1958, qui a inspiré de nombreux pays de par le monde, il est admis que si un élément chimique est reconnu potentiellement cancérigène, il ne doit se trouver, peu importe la concentration, dans aucun aliment quel qu’il soit. Le Triazophos doit échapper à cette règle puisque sa concentration (0.03mg/kg) est seule mise en cause (Document 3) par l’ONSSA. Mais dans ce cas, nous ignorons le seuil accepté pour estimer le degré de transgression de la Limite Maximale de Résidus (LMR) et Monsieur Zakaria n’apporte aucune information là-dessus. Ceci n’a pas empêché son subordonné, Monsieur Mustapha Rami à ONSSA Agadir, de décréter le refoulement de la cargaison de thé (Document 6) sur la base de cette détermination dont on ignore son positionnement par rapport justement à la LMR du Triazophos dans le cas du thé.

Tout ceci fait de leur « Certificat » mentionné un document de pacotille à des milliers d’années lumières d’un travail responsable, fait correctement.

Au moment de l’écriture de cet article, la presse nationale se fait l’écho de la dynamisation de l’accord de libre-échange signé entre le Maroc et les Etats-Unis prévu pour entrer en vigueur en 2006 déjà. Alors que Sa Majesté le Roi Mohammed VI a donné ses instructions dans son dernier discours du Trône pour que l’Administration marocaine réponde aux professionnels dans un délai ne dépassant pas un mois, ce sont donc ces responsables ONSSA, spécialistes avérés de la Procrastination, qui seront les interlocuteurs de partenaires à la FDA. Sous ce rapport, depuis toujours, la FDA, une fois qu’elle a bloqué une marchandise à l’entrée du marché US, affiche à côté du blocage le motif inscrit dans la loi qui a motivé le blocage et invite le propriétaire de la marchandise, ou bien son mandataire, à s’expliquer auprès de la FDA.

Document 10

Avec la nouvelle réglementation FSMA (Food Safety Modernization Act), mise en œuvre dernièrement par la FDA, les américains ont été très loin dans l’assouplissement des règles administratives FDA et, en même temps, dans la responsabilisation du secteur privé pour fluidifier le flux du commerce des aliments. Ce qui donne au secteur privé un surcroit de travail. Cela bien sûr demandera aux opérateurs plus de temps qu’ils ne seront sûrement pas prêts à sacrifier dans des aller-retour pour simplement satisfaire aux extravagances de l’ONSSA comme cela a été le cas pour les responsables de MARTEAPACK, et nous aussi, avec des déplacements entre Dakhla, Agadir, Casablanca et Rabat. Déplacements qui ne profitent aucunement aux opérateurs mais leur prennent du temps, de l’argent, de l’énergie simplement comme conséquence de la Procrastination et du travail médiocre de l’ONSSA.

Sous ce rapport, le dialogue qui doit se mettre en place entre nos responsables ici et ceux de la FDA de l’autre côté de l’Atlantique sera à coup sûr intéressant à suivre.

La FDA au secours des PME agroalimentaires africaines

Récemment, l’agence fédérale américaine pour les aliments et les médicaments (FDA) a mis en place sur son portail dédié, sous le chapitre : « Water Activity/Formulation Control Method », une procédure  pour faciliter, en même temps qu’accélérer, les enregistrements pour l’export de produits alimentaires, africains notamment, sur le marché américain dont ils étaient pratiquement exclus auparavant.

Pour mieux apprécier l’importance colossale de cette ouverture magistrale du marché US en notre direction, nous allons revenir un peu en arrière pour rappeler comment les opérations d’export se font vers le marché de l’UE, avec la France comme porte d’entrée privilégiée, pour ce qui nous concerne au Maroc et dans l’Afrique francophone, et comparer cette façon de faire, européenne à présent, avec ce qui constitue la norme dorénavant pour l’accès de nos opérateurs au marché US. Le raisonnement sera simplifié pour en étendre la compréhension également au lecteur non initié.

Au lendemain de la deuxième guerre mondiale, la France métropolitaine n’avait plus les moyens financiers et non plus, suite à son occupation humiliante par l’Allemagne, l’Aura pour faire durer la colonisation sur une bonne partie de notre continent. Elle a donc joué la montre et mis les bouchées doubles pour substituer à la colonisation armée une relation d’asservissement économique sur ses « ex-colonies » qui lui revient moins cher et qui est moins flagrante. Etant reconnue comme puissance agricole, la France cherche naturellement à perpétuer son monopole sur ce type de richesses du Continent africain, la zone francophone en premier lieu. Au premier rang de ces pays il y a bien évidemment le Maroc duquel nous allons tirer quelques enseignements pour illustrer le machiavélisme de la doctrine d’« aide et assistance » que la métropole fait valoir auprès de nos dirigeants africains.

Sous couvert de mise en place d’instruments pour booster l’export du Maroc, la France a créé l’organisme qui a pris le nom actuel d’Etablissement Autonome de Coordination et de Contrôle des Exportations (EACCE). Autrement dit, on reconnait aux marocains la liberté de fabriquer et commercer à souhait sur leur marché intérieur, mais la tâche revient à l’EACCE de veiller que ce qui s’exporte vers la France, et peut être redistribué ultérieurement dans le reste de l’Europe et au-delà, doit être contrôlé et validé par cette interface étatique, selon les normes françaises cela va de soi. Compte tenu des rouages que l’Administration coloniale a mis en place pour l’Administration marocaine (subordonnée), cela lui donne de très nombreux leviers pour intervenir pour « défendre » les intérêts « soi-disant mêlés » du couple « franco-marocain » en commençant par draper l’EACCE de la crédibilité qui lui est prêtée pour ses prestations en faveur de la Métropole. En même temps, le travail de cette instance est surveillé de près pour qu’elle ne dévie pas de la voie qui lui a préalablement été tracée, c’est-à-dire encourager les opérateurs « méritants » (fidèles aux normes françaises)  et veiller à décourager discrètement tous ceux qui ont des velléités d’exporter ailleurs qu’en Europe (mes archives). Il s’en suit que notre export de produits agricoles, et produits agroalimentaires, part majoritairement en France dont partie de la marchandise est réexportée ensuite sur d’autres lieux dont le marché américain. Et la part importante de la plus-value va aux intermédiaires français bien évidemment. Sous ce rapport, après le changement dans la réglementation américaine, opérée suite à l’attaque du World Trade Center en Septembre 2001, permettant à la FDA d’afficher le nom du fabricant au lieu (comme le cas était avant) le nom du fournisseur de seconde main, plusieurs intermédiaires français ont vu leur fructueux business, relevant de l’économie de la rente, mis à nu sans qu’ils l’aient voulu (mes archives).

Nous sommes, dans notre région de la méditerranée, victimes d’un paradoxe.  D’un côté, la zone est connue pour un régime alimentaire hautement apprécié dans le monde entier et les spécialistes s’en servent pour mettre en valeur des éléments élogieux qui caractérisent notre région sous forme d’une longévité moyenne correcte, faible obésité, nombre de maladies cardiovasculaires réduit etc. Mais sur le plan commercial, nous avons, de ce côté-ci de la Méditerranée, énormément de peine à valoriser cette richesse sur le marché globalisé. La raison, selon mon appréciation, est que les intermédiaires sus évoqués, et leurs mentors, ont dressé un tableau noir sur la « faiblesse » de notre contrôle qualité. Ils ont ensuite profité de cette mauvaise propagande, dont ils sont à l’origine, pour s’imposer comme plaque tournante du commerce des Matières Premières africaines à nos dépens. Nous avons été réduits, sur des siècles à présent, et ça continue, à leur vendre nos produits en vrac pour des cacahuètes. Dans ces conditions, en acceptant d’élargir l’accès du marché US aux produits façonnés pour nos marchés locaux, la FDA fait un grand geste de générosité à notre égard et en même temps de confiance dans nos propres compétences. En effet, une fois qu’un opérateur africain enregistre son produit sur l’interface dédiée de la FDA, le programme lui notifie immédiatement l’agrément sur son « Process »  composé, selon le jargon FDA, du « FCE » (Food Canning Establishment) relatif à la localisation de l’entreprise et le « SID » (Submission Identifier) spécifique à chaque produit. Ce code FCE/SID représente la clé qui permet à une entreprise, locale ou étrangère, d’offrir son produit selon les règles sur le marché américain et dont les donneurs d’ordre ont besoin pour passer commande. Subsidiairement, ces éléments peuvent être remis à l’EACCE pour, entre autres, diligenter le travail de ces fonctionnaires et économiser du temps et de l’argent (mes archives).

Ainsi, en acceptant que les exploitants africains, qui travaillent normalement sur le secteur agroalimentaire national pour ce qui concerne le Maroc, enregistrent eux-mêmes directement sur l’interface FDA leurs produits, sans agent ni intermédiaire, la FDA met du baume au cœur de nos opérateurs en leur faisant confiance et en même temps leur faire comprendre que dorénavant ils peuvent commercer directement avec les acheteurs américains pour un meilleur prix de vente que ce qui leur est offert jusqu’ici par les spéculateurs sus évoqués.

En y regardant de plus près, cette souplesse administrative à notre égard de la part de la FDA est de nature à tonifier l’accord de libre-échange conclu en 2006 entre le Maroc et les USA et resté jusqu’à présent sans effet sur nos échanges bilatéraux dans domaine agro-industriel. Mais les américains, en nous tendant une perche pour promouvoir notre export sur le marché US, doivent logiquement s’attendre à un traitement réciproque, c’est-à-dire vendre un peu plus leurs produits chez nous. Et c’est là où le bât blesse car le marché marocain, comme celui de toute l’Afrique de l’Ouest, est saturé par des produits européens majoritairement français. Ceci est dû en bonne partie à nos habitudes très laxistes au sujet de la réglementation française et/ou européenne. A ce sujet, il est utile de rappeler que les frictions récentes entre les USA et l’UE sur les taxes douanières ont eu le mérite de révéler des dissensions jusque-là bien cachées au sein de l’UE. Si les allemands sont pour chercher un compromis avec les USA, les français y sont catégoriquement opposés. Ceci provient, selon les explications allemandes, de la peur viscérale française que l’entente avec les américains vienne à englober le volet des produits agricoles ce qui sonnerait le glas pour l’hégémonie agroalimentaire française en Europe et en Afrique. Une belle bataille en perspective.

En tout cas, les États-Unis et l’UE ont l’habitude de trouver des solutions aux imbroglios qui les opposent. Essayons, ici en Afrique, de profiter de l’offre américaine prometteuse et sincère que la FDA met à notre disposition au profit de nos PME et coopératives agroalimentaires.

L’Afrique à l’Heure du Règlement de comptes « Dollar – Euro »

Vingt années seulement après la fin de la 2ème guerre mondiale un visiteur, non prévenu, pouvait raisonnablement déduire, en comparant ses impressions sur la République Fédérale d’Allemagne et la République Française, que c’est la France qui a perdu la guerre contre l’Allemagne. Sur un laps de temps relativement court, grâce à une assistance américaine robuste, l’Allemagne s’est vite remise sur pied et s’installait confortablement, avec un travail plus soigné et plus de productivité que ses voisins, dans le fauteuil de leader industriel incontesté au niveau de l’Europe. Elle exportait indéniablement plus qu’elle n’importait vers chacun d’eux ce qui devait normalement être source d’enthousiasme germanique. Sauf que, à intervalles réguliers, les voisins en question « s’arrangeaient » pour lui gâcher ce plaisir en procédant à des dévaluations répétitives de leurs monnaies ce qui, en plus d’être décevant, rognait sur les marges bénéficiaires des entreprises allemandes. Cette frustration continentale, récurrente, était pour ainsi dire la norme dans les relations commerciales germano-européennes jusque vers la fin des années quatre-vingts du siècle passé. A part prendre des assurances onéreuses sur ce type de risque, il n’y avait pas d’autre moyen pour y remédier. Avec la chute du mur de Berlin, qui a mis un terme à la guerre froide avec l’Union Soviétique, une nouvelle ère commerciale prometteuse semblait se profiler pour tous les pays de l’Europe occidentale. L’idée d’une monnaie commune tombait alors à point nommé pour arranger tout le monde. La France, et les autres pays latins, en leur permettant de masquer la faiblesse relative de leurs performances industrielles et l’Allemagne pour régler une fois pour toutes les aléas liés au cours de change.

Mais, très vite, les caciques des pays concernés par la nouvelle monnaie y ont vu une utilisation potentielle autrement plus ambitieuse. En faire un concurrent du Dollar. Peut-être même, disait-on, remplacer la monnaie américaine comme première devise de réserve à l’échelle internationale. Sous ce rapport, si les autres pays européens pâlissaient d’envie devant les performances allemandes dans l’économie réelle, les allemands eux n’avaient d’yeux que pour les américains. Ainsi, vers la fin des années soixante-dix, le Chancelier allemand Helmut Schmidt prédisait, vers les années deux mille, des exportations allemandes à hauteur de 95% sur le secteur des services pour passer devant les USA dans ce domaine. L’utilisation d’une monnaie commune, pilotée par l’Allemagne, allait finalement dans le même sens de la logique de cette prévision. Mais si, jusqu’à présent, la mise en circulation de l’Euro a conforté le leadership de l’Allemagne dans le domaine industriel, le pays n’a pas été en mesure de faire la percée promise sur le secteur international des services où les Etats Unis continuent de caracoler en tête devant tout le monde au grand regret germanique. Peer Steinbrück, du temps où il était Ministre des finances du premier gouvernement de Madame Angela Merkel, attribuait la performance américaine, dans le secteur des services en particulier, en bonne partie à l’« effet Dollar ». Monsieur Steinbrück comparait la devise américaine à un aspirateur qui captait 70% de l’épargne mondiale. Autrement dit, il faut d’abord rendre les gens dépendants de l’« Euro », ce que les américains ont fait dans le cas du Dollar, mais sur deux siècles, ensuite il deviendra possible à l’UE de leur vendre tout ce qu’elle désire. Et il faut bien évidemment le faire rapidement.

En chemin, après la crise bancaire et financière de 2008, les européens se sont enhardis, passant outre toutes les réserves du FMI, où ils disposent, compte tenu de leur nombre, d’un levier comparable aux USA, à créer leur « FMI local », provisoirement appelé Mécanisme Européen de Stabilité (MES) qui a, depuis 2012, entrepris le rachat des mauvaises dettes (ou dettes douteuses), c’est-à-dire ayant peu de chance d’être à jamais remboursées, émises, à un titre ou un autre, aussi bien par les Etats que par le secteur privé de l’UE, contre de l’argent frais libellé en Euro. En clair, la Banque Centrale Européenne a fait tourner la « planche à billets » en faveur, au final, des citoyens européens de bout en bout. Mais cet argent, on l’imagine bien, finit pour bonne partie par atterrir chez nous en Afrique et sert aux opportunistes pour l’achat de biens réels comme des Matières Premières, des Hôtels, des Fermes et permet à ces gens de se refaire une santé financière à nos dépens. Mieux même, avec de l’argent venant de « planches à billets » (imprimeries en somme), ces gens achètent nos entreprises marocaines et autres africaines et nous y font travailler à leur guise. Alors, même s’il n’y a pas de canonnière dans ce cas, le principe de colonisation est tout pareil.

En réalité, la volonté d’asseoir la prééminence européenne sur le commerce africain n’a pas changé depuis la fin de la colonisation physique de l’Afrique. En 2007, à la suite de la rédaction d’un article dans un quotidien national, où je revenais sur la dépendance de notre export sur le marché français, j’ai, juste après, reçu dans ma « boite e-mails » un message alambiqué (rangé toujours dans mes archives), envoyé par un individu depuis le site d’un Ministère français, suggérant que le Maroc restait une structure de type DOM – TOM (Département d’outre-mer, Territoire d’outre-mer). Le message est suffisamment clair dans le sens où, nous africains colonisés, devons accepter notre sort d’« Indépendance dans la Dépendance ». Du reste, au Maroc ou ailleurs en Afrique, quand l’essentiel de nos rentrées vient de la vente de nos matières premières en vrac, les moyens nous manquent évidemment pour faire et/ou agir comme les autres pays libres dans le monde.

Ceci étant, le maintien, après la deuxième guerre mondiale, de la mainmise des européens sur les richesses africaines a, selon toute vraisemblance, aussi à voir avec un « équilibre » dicté par la guerre froide qui fait partie de l’histoire à présent. Tout un continent à la merci de l’UE n’est plus justifié par l’état actuel des choses. Ceci d’autant plus que, si l’Europe a joué un rôle majeur dans le façonnement du monde dans le passé, elle produit et/ou innove peu, comparativement à d’autres, dans le monde d’aujourd’hui pour garder les privilèges et/ou les prérogatives d’antan. Peu ou prou, c’est la substance du message que le Président Trump, et il n’est pas le seul, essaie de leur faire comprendre et qui leur donne actuellement beaucoup de souci.

Sur ce, et en lisant entre les lignes, il semble qu’un consensus se soit développé chez les adversaires commerciaux de l’UE à l’échelle internationale. A savoir, le projet de la monnaie commune et les autres structures qui cimentent les pays de l’UE paraissent relever d’un travail semi fini, voire bâclé. La réussite du Groupement européen (haut niveau de vie) est donc à chercher ailleurs. Ils ont en effet mis en place des mécanismes sophistiqués, normes, standards, pratiques et autres moyens dignes de petites gens orientés essentiellement vers les pays du sud pour perpétuer leurs privilèges sur ces marchés. Leurs compétiteurs, chinois et américains notamment, ne sont pas dupes et, pour des considérations que ces derniers doivent savoir, la tâche est revenue au Président Trump de montrer à l’UE la place qui lui revient dorénavant. Les Etats Unis et la Chine semblent en effet en mesure de se passer du commerce avec l’UE. Et s’ils développent leurs affaires avec l’Afrique, notre Continent pourra également se passer de l’UE, de l’Euro et du Franc CFA. Les européens peuvent bien évidemment continuer à faire prospérer le commerce sur la rive nord de la Méditerranée, tout en essayant de trouver de nouveaux artifices pour continuer à vivre au-dessus de leurs propres moyens.

Mais revenons à notre Continent et le but de cet article. Nous devons en effet réaliser que les Organismes installés au lendemain de la 2ème guerre mondiale, pour codifier les rapports diplomatiques et de commerce entre les pays, sont au crépuscule de leur vie et doivent être changés. L’Afrique, en mettant en place les instances pour son libre échange continentale, sera bientôt prête pour contribuer à la mise en œuvre des nouvelles structures de remplacement qui devront prendre en considération les propres besoins de notre Continent et de sa population. Les mesures devront, par exemple, être débarrassées de normes et autres clauses factices comme des « principes de précautions » mis en place provisoirement pour s’installer à demeure. Aussi, s’agissant d’investissements, les gens qui voudront coopérer avec l’Afrique devraient s’engager à valoriser nos matières premières chez nous et procéder à des transferts de technologies. Les normes africaines, qui restent à faire, devront également être prises en considération dans les transactions commerciales avec les autres régions du monde.

L’Euroxit

A l’école, on nous apprend que l’Europe a été construite sur les fondations culturelles et artistiques de la Grèce d’un côté et le droit romain de l’autre. En filigrane, l’Europe serait alors une autodidacte pure, n’ayant subi aucune influence extérieure, d’Asie ou d’ailleurs, pour le savoir ou la culture. Le fait de s’être self-désignée de vieux continent embellit davantage encore cette image en suggérant que le savoir-faire dans les zones alentours dérive exclusivement de l’Europe même. Le message est destiné d’abord au Moyen-Orient / Afrique. En somme, nous devrions être reconnaissants aux européens de nous avoir pris sous leurs ailes protectrices et appris ce que nous savons. Cette rengaine a été serinée à toutes les générations avant nous et continue de nous être répétée sans relâche. Il est donc peu surprenant de trouver encore des gens, également parmi l’élite intellectuelle de nos pays africains, qui croient que les européens, les français pour ce qui concerne notre grande région continentale, nous ont occupés (et continuent peut être) dans une démarche parfaitement altruiste pour aider à notre développement et notre insertion dans le monde moderne. Après des siècles d’occupation, le résultat est sans appel sous la forme d’un GDP de l’ensemble du continent africain, parmi les plus riches de la Planète, inférieur à celui d’un petit pays comme la Corée du Sud. Il s’agit d’un pays de petite surface, pratiquement sans ressources sur son propre sol, qui importe les deux-tiers de ses besoins en nourriture. Il a d’abord été sorti de la misère noire dans les années cinquante du siècle passé, ensuite assisté de manière efficace par une présence américaine pour être devenu à présent un Dragon pour ce qui est de larges gammes de technologies et produits industriels qu’il exporte partout dans le monde. Tout cela en un demi-siècle.

Plus près de chez nous, il y a l’exemple d’Israël (dont bien évidemment il ne nous revient pas dans cet article de toucher à l’aspect politico/diplomatique de la question Israélo-Palestinienne). Ce pays, très minuscule par tous les standards géographiques, qui affiche un GDP équivalent à la moitié du Continent africain, a fait des miracles, entre autres, sur le plan agronomique et agroalimentaire, sur un sol de qualité médiocre et avec des ressources hydriques extrêmement réduites. Il a innové dans le domaine de l’arrosage goutte à goutte, dans la lutte contre les nuisibles, dans la production de variétés végétales adaptées au climat aride et dans la production de masse de viande de volaille rendant le prix du poulet et des filets de dindonneau accessibles à une large frange de la population à revenu réduit. Sur le sujet purement commercial, les européens, de leur propre aveux, considèrent Israël comme un adversaire redoutable. Il s’ensuit qu’ils appréhendent, sur ce plan, le jour où l’Etat hébreux se réconciliera avec ses voisins arabes et, pourquoi pas, avec l’Iran même dans l’avenir. Ils craignent de perdre alors une bonne partie de leur clientèle du Moyen orient, qui préfèrera la technologie israélienne (à laquelle, les palestiniens, élite parmi la population arabe, a contribué sa part), moins chère et plus appropriée. Mais ils redoutent davantage encore qu’un tel rapprochement fasse tache d’huile et se propage à notre continent ce qui représenterait un vrai cataclysme sur leur juteux business africain.

Ce scénario, considéré avec stupeur par les affairistes de l’UE, est pris de plus en plus au sérieux par les Etats européens auxquels il donne des sueurs froides. Jusqu’à récemment, malgré l’entrée sur scène africaine de nouveaux acteurs économiques comme la Chine, l’Inde, le Japon, la Turquie et autres, les échanges commerciaux du Continent avec l’extérieur, qui reposent essentiellement sur la vente de Matières Premières et l’achat de Produits Finis correspondants, ont continué d’être gérés sans partage par les grandes entreprises de l’UE grâce à un maillage savamment étudié de normes « internationales » faits par les Européens, pour les Européens. L’ensemble de ces efforts agressivement soutenus, sans relâche, est habillé côté marketing de « manière réglementaire » par enrobage de standards et normes « scientifiques » pour en soigner l’image et en faciliter l’acceptation par les responsables africains. Ceci inclut la référence aux normes codex et aux règlements de l’OMC où les responsables européens sont passés maîtres dans leur exploitation à leur profit. Mais voilà, sans aller jusqu’à les nommer, les Etats Unis considèrent à présent que les organes de l’OMC ont été récupérés par les européens et autres, contre les intérêts US et affichent leur intention de ne plus tenir compte de ces organismes multilatéraux qui ont été détournés de leurs missions initiales. Ce revirement inédit dans la position américaine vis-à-vis de ces instances multilatérales, qui doit avoir joué un rôle également dans le retrait américain de l’accord sur l’Iran, sonne comme un tocsin aux oreilles des responsables de l’UE. Ils reçoivent cela comme l’entrée en scène d’un opposant de taille à leur ambition séculaire d’élargir les privilèges (en cours de mise en œuvre) qu’ils ont acquis sur l’Afrique et le Moyen-Orient à d’autres régions de la planète. L’opposition des USA, non prévue, à cette ambition, aura comme résultat, et les européens ne s’y trompent pas, de réduire l’influence spatiale de l’UE à peau de chagrin. Il est plus que probable que les israéliens joueraient un rôle en cas de régression, qui apparait de plus en plus inéluctable, de l’influence de l’UE dans son voisinage immédiat. Les européens le subodorent et cela les énerve au plus haut degré. Car dans un tel cas de figure, l’Euro n’aurait plus de raison d’être et, comme de bien entendu, le Franc CFA non plus ce qui ferait revenir les pays de l’UE à la situation de chacun pour soi. Cette perspective réjouira en particulier les membres du gouvernement italien actuel qui appellent cette solution de leurs vœux depuis un bon moment déjà.

Mais le bras de fer UE/US ne fait que commencer avec un premier deadline au premier Juin prochain où le Président Trump s’apprête à imposer de nouveaux tarifs sur l’acier et l’aluminium importés de l’UE. Il a tenu le même langage à la Chine qui a accepté d’engager rapidement le dialogue (en cours favorablement) pour régler le déséquilibre commercial entre les deux pays. Côté Européen, ce déséquilibre concerne formellement l’ensemble des pays de l’Union et l’UE voudrait qu’il soit géré par la Commission Européenne. Habituellement, son Président définit une mission pour la faire valider par le Conseil des chefs d’Etats avant de nommer un interlocuteur pour conduire les négociations dans le cadre de limites fixées au préalable. Eventuellement, le négociateur en question revient vers la Commission chaque fois que nécessaire pour faire avancer le dialogue. Ceci suppose plusieurs rounds de négociations avec, entre deux, validation par la hiérarchie. Cela rappelle un peu l’époque de l’empire soviétique où le temps consacré pour ce genre meeting ne comptait pas. Mais cette pratique européenne est toujours de mise quand il s’agit de négociations que l’« Empire européen » conduit séparément avec nos pays africains. Comme nous avons, chaque pays en ce qui le concerne, peu ou pas d’alternative à la vente rapide de nos Matières Premières, nous ne sommes généralement pas en mesure de tenir la distance pour les négociations avec l’UE et, souvent, nous nous contentons de ce que l’Europe veuille bien accepter de nous offrir en contreparties de nos marchandises périssables. Il est toutefois peu probable que cette approche de tractations du « vieux continent » soit applicable aux négociations avec l’administration américaine. Dans ces conditions, sauf coup de théâtre à venir, les chances sont grandes que l’imposition des tarifs prévus sur l’acier et l’aluminium européen entrera en vigueur ce mois de Juin.

Il y a tout de même une incertitude de taille : Les tarifs en question pénalisent, plus que tout autre, l’industrie allemande dans son cœur, à savoir l’industrie automobile et ne touchent pas, ou presque, l’industrie française qui n’a pour ainsi dire plus d’aciérie qui compte. La pression sur le gouvernement allemand risque d’être de la même intensité qu’au moment où le Président Mitterrand monnaya l’appui de la France à la réunification allemande contre l’adoption de la monnaie unique. Aujourd’hui, il ne s’agit ni plus ni moins que de venir au secours de la première industrie allemande qui a déjà souffert plusieurs coups sévères et qui a besoin de reprendre ses repères. Si l’Allemagne décide de reprendre le Deutschemark, sa monnaie fétiche, le « Germixit » équivaudra alors à un « Euroxit ».

L’Afrique devrait, au moment où ces gladiateurs sont en train de régler leurs comptes, aller de l’avant avec son projet de Zone de libre-échange continentale africaine. Dans ce cas, comme dans d’autres, on n’est jamais aussi bien servi que par soi-même.

L’Afrique décide de jouer dans la Cour des Grands

Dans les années qui ont suivi la deuxième guerre mondiale, un salarié américain qui s’envolait pour un mois de congé en Europe pouvait, en revenant chez lui, s’apercevoir qu’il avait économisé de l’argent, comparé à ce qu’il aurait dépensé s’il était resté chez lui. L’Amérique intervenait alors pour 50% du commerce mondial. Beaucoup de choses ont changé entre temps, mais les Institutions d’alors, FMI et Banque Mondiale entre autres, constituent toujours les piliers qui soutiennent  les échanges internationaux d’un monde qui n’est plus le même. Le GATT (Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce), rebaptisé OMC (Organisation Mondiale du Commerce) par l’accord de Marrakech de 1995,  fait partie de ces traités multilatéraux mis en place dans les années quarante du siècle passé. Ce dernier est mandaté du Pouvoir de règlement des conflits commerciaux entre les Etats. A l’époque, l’Amérique, première puissance sur tous les plans, devait avoir l’assurance, en cas de litige avec tierce-partie porté devant cette dernière Instance, qu’elle avait suffisamment de bonnes cartes entre les mains pour gagner un différend haut la main. Cette assurance, sur laquelle les américains se sont appuyés pour promouvoir la libéralisation des échanges à l’échelle de la planète, n’est apparemment plus de mise aujourd’hui. Comme preuve, le rapport de ce mois de Mars de l’USTR (Bureau du représentant du commerce des États-Unis)  affirme : « L’OMC mine la capacité de notre pays à agir dans son intérêt national … La première de ces préoccupations est que le système de règlement des différends de l’OMC s’est approprié des pouvoirs que les Membres de l’OMC n’avaient jamais eu l’intention de lui confier ».

Les récriminations sont profondes, viennent de loin et sont illustrées, entre autres, au niveau des secteurs agroalimentaires. Pour le règlement de litiges se rapportant à ces produits, l’OMC se réfère aux normes du Codex Alimentarius. Pour plusieurs considérations, traitées çà et là dans différents articles de ce blog, l’UE s’est, en tant que Bloc, assurée la haute main sur le modelage des normes au sein des rouages du Codex où ils n’oublient jamais de se ménager des échappatoires, à l’instar du sacro-saint « Principe  de précaution», dont ils n’hésitent pas à s’en servir comme Veto chaque fois qu’ils craignent  d’être infériorisés sur le plan scientifique.

Vu sous cet éclairage, l’UE s’est rendue invincible par l’usage astucieux des règles du Codex. Un fait contre lequel les autres pays n’ont rien pu faire. Si on ajoute à cela le constat  que l’UE parle au nom de « 28+1 » voix, alors que chaque pays individuellement n’en dispose que d’une, on imagine aisément que les normes (outils nécessaires à l’OMC) doivent recevoir la bénédiction UE si elles doivent aboutir devant quelque commission multilatérale que ce soit. Cela aussi irrite considérablement et pas uniquement les américains. C’est d’ailleurs l’une des raisons qui ont entrainé l’échec  du Cycle de négociations de Doha et mené à la situation difficile dans laquelle l’OMC se trouve à présent, prêt à imploser.

Ce qui précède aide à comprendre en bonne partie la dépendance de nombreux pays, africains en priorité, du marché unique européen. En effet, de très nombreuses normes qui y permettent l’accès sont soigneusement conçues pour ce marché unique. Mais, pour vendre sur d’autres marchés mondiaux, les opérateurs africains doivent se préparer selon d’autres règles et c’est là où le bât blesse. En effet, le risque est de voir leurs produits, à la prochaine tentative d’exportation sur le marché du « Bloc-Européen », refusés pour une raison « hors de tout soupçon ». Quand le marché de l’UE, qui absorbe soixante-dix pourcent de votre production, se ferme devant vous, c’est effectivement un risque mortel que personne ne veut prendre. Surtout quand les opérateurs africains y vont en rangs dispersés (voir plus bas) et y sont donc plus vulnérables. Le résultat net est un monopole de fait, et sans concession, de l’UE sur les richesses du continent africain.

Tant que l’UE cherche à rester solidement attachée à ce qu’elle considère comme son pré carré (marché africain), pour lequel elle a développé un attachement viscéral depuis des siècles, il y a peu de choses que nous puissions faire nous-mêmes en tant que citoyens africains pour débrouiller ce conundrum. Mais, le bras de fer engagé actuellement entre les frères ennemis, UE et US, à propos des règles du commerce, apportera peut-être un début de solution. Pour des considérations sur lesquelles les américains se sont expliqués, ils ont introduit une nouvelle taxe sur les importations d’acier et d’aluminium qui pénaliseront les exportations de l’UE sur le grand marché américain. L’Amérique a aussi mis en place des formules d’exemptions à l’adresse d’opérateurs et/ou de pays individuels qui le souhaitent. Mais l’UE tient à une exemption définitive, immédiate et sans contrepartie, pour l’ensemble des  pays du Bloc ce que les américains rechignent à leur accorder. La possibilité de voir cette taxation provisoirement retardée pour le moment semble être privilégiée. Comme il n y a pas de précédent à cet imbroglio, il est difficile de  deviner quelle sera la suite. Habituée à traiter les petits pays africains comme bon lui semble, l’UE a fini par trouver un adversaire à sa taille cette fois.

Toutefois, le fait le plus marquant de la scène internationale actuellement est la signature Mercredi passé à Kigali (Rouanda), par 80% des Etats (44) de notre Continent,  d’un accord historique, portant sur la mise en place d’une Zone de libre-échange continentale africaine (AfCFTA : African Continental Free Trade Area). Cela va dans le sens de l’adage comme quoi « On n’est jamais mieux servi que par soi-même ». A terme, cela permettra de dialoguer de « Bloc à Bloc » avec l’UE pour remédier à l’asymétrie flagrante actuelle qui préside aux échanges entre nos pays et ceux de la rive nord de la méditerranée. D’ici là, il faudra mettre en place les instruments, et les personnes, à la hauteur du Défi de cette nouvelle donne et, en premier lieu, asseoir la crédibilité qu’il nous faut vis-à-vis de nos voisins du Nord pour avoir une expertise robuste dans le secteur agroalimentaire qui permette de défendre la qualité de nos aliments transformés et leur export avec profit, pour nos opérateurs et les consommateurs, sur le marché globalisé. L’AEFS (www.aefs.africa), sera, nous l’espérons tous, appelée à jouer un rôle dans ce but pour le renforcement de l’Expertise africano-africaine.

Nul besoin d’ajouter que le projet de libre échange transafricain sus-évoqué, initiative courageuse et inédite, est une chance unique que nos gouvernants doivent absolument saisir pour satisfaire à l’adage espagnol : « la suerte golpea la puerta una vez, no debes dejarla escaparn » (La chance frappe à la porte une fois, tu ne devrais pas la laisser s’échapper).

Le Germixit

A la fin de la deuxième guerre mondiale, et la défaite du troisième Reich, les américains se sont retrouvés devant un choix cornélien : Considérant que l’Allemagne de l’Ouest, contrairement à la France, n’est pas autosuffisante sur le plan agroalimentaire, l’abandonner à son sort, alors que le pays était exsangue et les allemands désespérés  sur tous les plans, serait revenu à le pousser vers le communisme et le « servir sur un plat » à l’Empire soviétique, perspective que les USA voulaient éviter à tout prix. La deuxième option,  retenue par les américains, a consisté à aller vers un arrimage robuste de l’Allemagne aux USA, ceci tout en étant conscients du coût financier exorbitant de cette opération (Plan Marshall) pour le peuple américain qui venait juste de sortir lui-même d’une guerre extrêmement coûteuse en vies humaines et en argent. Durant les quarante-cinq années qui ont suivi, la relation des américains avec les allemands était à ce point intense et réciproque que, par moments, elle faisait pâlir d’envie la Grande Bretagne, allié traditionnel des américains. Par comparaison, les américains n’ont pas fait d’effort particulier pour aider les britanniques à se sortir de leur marasme financier des années soixante-dix, contrainte qui a, entre autres, poussé la Grande Bretagne dans les bras de l’Europe Continentale.

Durant la période évoquée, l’export de la RFA (République Fédérale d’Allemagne) vers les USA battait des records et, de leur côté, les sociétés américaines préféraient domicilier leurs filiales et/ou représentations pour l’Europe, l’Afrique et la zone MENA (Middle East and North Africa) en Allemagne plutôt qu’en Grande Bretagne. C’était l’âge d’or des relations américano-germaniques qui a pris fin avec la nouvelle configuration de l’UE et l’entrée en vigueur de l’Euro au cours des années quatre-vingt-dix du siècle passé.

Mais si, pendant cette période faste, les allemands excellaient dans l’export sur le marché US, ils étaient loin de faire aussi bien dans leur export sur les marchés de leur voisinage immédiat à la même époque. Dans ce dernier cas, des pays, en particulier la France, l’Italie et l’Espagne, n’hésitaient pas à dévaluer leurs monnaies pour conserver leurs parts de marché intra-européennes ou en zone MENA et en Afrique, face à la concurrence allemande. Le levier de la dévaluation, utilisé alors librement par les Etats du sud de l’Europe, était source de pertes financières handicapantes pour l’export allemand et impossibles à prévoir puisque dépendant de volontés politiques de pays souverains. Le « Made in Germany » était donc démuni contre ces aléas qui donnaient des sueurs froides récurrentes aux opérateurs allemands.

Cette compétition, interne au vieux continent, était cependant salutaire pour les opérateurs en Afrique et ailleurs. S’il est vrai que les allemands, qui ne s’en cachent pas, considèrent la France, ne parlons pas de l’Italie ou l’Espagne, comme un concurrent médiocre pour eux, ils étaient néanmoins obligés de revoir leurs prix s’ils voulaient vendre chez nous ou ailleurs en Afrique. Dans l’autre sens, un exportateur de notre continent gardait un minimum de marge de manœuvre et pouvait, si non satisfait d’une transaction sur un premier pays européen, offrir son produit pour vente dans un autre pays de la rive nord méditerranéenne. C’était le cas notamment pour l’export de conserves de sardines où les normes de sécurité sanitaire étaient différentes d’un pays européen à l’autre.

Avec l’entrée en vigueur du traité de Maastricht en 1993, les relations entre l’Allemagne et les USA, jusque-là hautement privilégiées, ont commencé à se tendre et, après l’entrée en vigueur de l’Euro, se détériorer d’année en année. Dans cet ordre d’idées, un historien témoin de l’époque me racontait que, après le discours du Président Franklin D. Roosevelt en Décembre 1941, demandant au Congrès américain de déclarer la guerre sur l’Empire du Japon, suite à l’attaque surprise de Pearl Harbor, les gens s’attendaient à voir les soldats américains partir le lendemain pour en découdre avec les japonais. Au contraire, les américains ont commencé d’abord par construire des usines d’armement au centre du pays car, comme ils disaient, on sait quand on entre dans une guerre mais on ne sait pas quand on en sortira, raison pour laquelle il faut bien s’y préparer. Il est donc possible que, une fois encore, les américains se soient préparés pour une longue confrontation financière et commerciale avec l’Allemagne, Tuteur de l’Euro. Sous ce rapport, le coup du « dieselgate » est un coup de maître si l’on considère le ternissement brutal, profond mais fondé de la réputation plus que centenaire du fleuron de l’industrie germanique, à savoir la voiture allemande.

Ensuite, dans la mesure où l’Uncle Sam, par la voix de son président actuel, considère que l’Euro fait peser un risque grave sur l’économie américaine, il n’est pas exclu que d’autres révélations néfastes sur le « Made in Germany » émergent à l’avenir, écornant davantage encore la réputation globale du pays. Au fait, la nouvelle configuration de l’UE, avec instrumentalisation de l’Euro, fait peser un risque encore plus grave sur l’économie africaine, créant un monopole européen de fait sur les richesses du continent sans que nous africains, au contraire des USA, ayons un moyen approprié quelconque à notre disposition pour nous défendre.

Mais, les allemands doivent sûrement être conscients du risque qui pèsera davantage sur eux si les relations germano-américaines devaient continuer à se dégrader. A présent, ce sont les allemands qui font face, à leur tour, à un choix cornélien : l’Allemagne peut choisir de maintenir la situation du statu quo, qui lui a permis de dégager des excédents commerciaux colossaux dont elle répugne à faire profiter les autres pays de l’UE. Mais dans ce cas, en plus des récriminations extérieures, qui visent à isoler l’Allemagne, venant de la Russie, la Turquie, la Chine et autres, s’ajoutera la frustration croissante de ses partenaires de l’UE pour la stigmatiser au sein de l’Union. La deuxième option, plus sensée, consiste à écouter le peuple allemand que le chancelier défunt  Helmut Kohl a forcé à adopter l’Euro contre leur gré, et à revenir à une situation d’apaisement avec les USA, parrain traditionnel de l’Allemagne d’après-guerre. Cela nous apaisera également en Afrique en nous ramenant un minimum de marge de manœuvre pour la vente de nos produits à des prix équitables sur les marchés extérieurs à l’Afrique.

L’Afrixit

Dans les années soixante-dix, et sur les années quatre-vingt, les relations commerciales et d’affaires des pays européens avec les monarchies du Golfe en particulier, et la zone MENA (Middle East and North Africa) en général, étaient toujours solides, fluides et continues. L’argent du pétrole coulait à flot et a permis à de nombreuses entreprises, allemandes en premier lieu, de se muer en un temps record en grandes sociétés jouant à l’échelle internationale. Il parait raisonnable de penser que les Etats Unis ont joué un rôle facilitateur pour de tels investissements. En effet, les tensions étaient au plus haut durant cette période de guerre froide et les américains se devaient de s’assurer de l’assentiment continu des officiels allemands, et ils l’avaient, sur leur politique d’endiguement de l’Union Soviétique en Europe centrale par, entre autres, l’installation sur sol allemand d’armes nucléaires de moyenne portée. Les deux parties y trouvaient leur compte.

Après la chute du mur de Berlin, et la réunification du pays, l’Allemagne, qui a perdu sa grandeur à la guerre, s’attendait naturellement à la retrouver sur le plan financier et commercial, en tant que première puissance industrielle européenne, en régnant directement sur l’Europe et en pesant sur les échanges commerciaux des pays voisins, dont la Turquie et la Russie et, par pays interposés, la France notamment, sur le Continent Africain. L’Euro devait être l’instrument idéal pour arriver à cette fin. Néanmoins, comme le Président Trump l’a reconnu sans détour, les américains ont considéré, et le pensent toujours, le lancement de la monnaie unique européenne comme un danger existentiel sans précédent sur le Dollar et, après évaluation des répercussions, ont commencé à agir en conséquence.

Ainsi, après la guerre d’Irak, qui a coûté, selon le Président Trump, des trillions de dollars aux USA, et la guerre en Syrie qui s’y est ajoutée, cet environnement de proximité des pays européens a subi des modifications irréversibles. Les points d’ancrage diplomatique et commercial habituels des puissances continentales européennes dans cette zone ont été soit détruits soit profondément endommagés. Comme conséquence, l’activité commerciale de l’UE dans la région a considérablement rétréci. Les monarchies du golfe, sortis sans grand dommage de la guerre Irako-Syrienne, ont de leur côté imprimé de nouvelles orientations à leurs échanges commerciaux avec le monde qui ne semblent plus favoriser les pays de l’UE. Par exemple, si l’Arabie Saoudite a conclu sur 2017 plusieurs centaines de milliards de Dollars en contrats commerciaux avec des pays comme la Chine, le Japon et les Etats Unis, l’Allemagne est retournée, c’est une première, les poches vides après le déplacement d’Angela Merkel au printemps passé dans le pays wahhabite. Les échanges commerciaux avec la Russie et la Turquie ont également subi une détérioration nette et la situation de l’Ukraine est loin d’en faire un client solvable pour le moment.

Mais si l’influence diplomatique, politique et, davantage encore, commerciale de l’UE a subi une régression historique sur son flanc est, l’Europe semble, vers le sud, attachée plus solidement que jamais à l’Afrique. L’UE y gère à distance l’essentiel de l’activité économique, financière et commerciale et l’Euro y est Roi directement, ou indirectement quand, par exemple, la valeur du Franc des Colonies Françaises d’Afrique (CFA) est garantie par la monnaie européenne. Les grands prestataires de service européens, SGS, Bureau Veritas, TÜV Rheinland et Intertetek, les plus connus, quadrillent le Continent et maintiennent une main mise ferme sur les transactions commerciales de nos pays représentées essentiellement par la vente de matières premières d’origine agricole et l’importation de consommables. Sous ce rapport, les exigences, liées au Processus d’Accompagnement et de Certification, étudiées dans le détail et peaufinées, permettent à ces mastodontes ubiquitaires, en plus d’être grassement payés, d’avoir accès à toutes les informations souhaitées dont ils se servent pour consolider leurs positions actuelles et pérenniser leurs privilèges, qu’ils ont arrachés aux différents pays, sur le marché continental africain. Leur ancrage colonial historique, qui leur permet une connaissance inégalée du terrain et des pratiques africaines, ajouté à une multitude de normes, de sécurité sanitaire et autres, taillées opportunément sur mesure pour favoriser la position des entreprises européennes face à la concurrence, font de l’UE, pour l’instant, un acteur « virtuel » indéboulonnable pour quelque pays que ce soit qui souhaite investir en Afrique.

Toutefois, si le « Brexit » a pu se faire il n’y a pas de raison de considérer que le mariage « d’Euro-intérêt » que l’Europe a forcé sur le Continent Africain soit indissoluble. Des relations commerciales et diplomatiques existaient entre les pays africains et avec la zone du Moyen-Orient bien avant l’ère coloniale. Ceci a également été le cas du Maroc avec les pays du sud du Sahara. Le tout est de savoir remettre ces relations à l’ordre et aux nécessités du jour en permettant une perspective meilleure pour le développement des compétences africaines pour leur permettre de jouer le rôle qui leur revient sur l’échiquier international.

Il s’agit néanmoins d’une lourde tâche, à conduire de commun accord, qui doit être prise très au sérieux. Les pays, nos voisins du sud, sont nantis d’innombrables richesses naturelles, en particulier sur le plan des ressources agricoles. Si le Maroc veut prendre une part plus active dans le décollage (agro) industriel africain, priorité des priorités pour nous tous, il lui faudra améliorer l’offre de son assistance et redoubler d’effort. Par exemple, l’Afrique dépense annuellement en devises plus de vingt pour cent de ses rentrées pour se plier aux exigences des expertises européennes, incontournables, dont celles sur le plan agro-industriel se taillent la part du lion. Cet argent est canalisé en bonne partie à travers les organismes cités, qui datent de l’époque coloniale, et d’autres qui se sont rajoutés récemment, qui bénéficient tous d’appuis, plus ou moins discrets, mais très larges et sur tous les plans de la part de leurs pays d’origines respectifs.

Mais comme dit le proverbe, Charité bien ordonnée commence par soi-même. Effectivement, si le Maroc veut que son offre d’aide et d’assistance de mise à niveau du marché africain soient prises au sérieux par les pays africains frères, il doit en appliquer les principes déjà chez lui pour commencer. Par exemple, il est anormal qu’un prestataire européen, avec pignon sur rue, qui a fait une percée fulgurante sur une certification de niche, propose, moyennant paiement, des documents de certification de quelques jours. Ce type de « certification d’épicerie » (nos archives) est simplement scandaleux. D’autres pratiques de tours de passe-passe, conçus par ces gens pour émettre des documents de sécurité sanitaire qui contournent la loi 28-07 (nos archives), sont tout aussi répulsives mais existent pourtant. La conclusion immédiate à tirer de ces agissements, qui frôlent les comportements frauduleux, est le mépris affiché de ces prestataires pour nos lois et règlements nationaux. La question qui vient naturellement à l’esprit est : Pourquoi nos autorités de tutelle ne réagissent-elles pas ? Les responsables concernés donnent l’impression d’avoir été anesthésiés par ces prestataires européens. Au fait, la crédibilité de nos organismes de tutelle, qu’ils feraient mieux de penser à améliorer, doit probablement leur avoir été fournie par des auditeurs du même genre que les prestataires évoqués plus haut. Peut-être que ceci explique cela.

L’Afrique ou le dernier continent colonial

Parmi les points importants auxquels il est fait régulièrement allusion pour caractériser le manque d’efficience de l’activité du secteur privé chez nous, il y a la difficulté de recouvrer le paiement dû pour une marchandise vendue ou un service rendu. Même que, dans de nombreux cas, des opérateurs hideux en ont fait un fonds de commerce. Ils sont encouragés en cela par la lenteur judiciaire et/ou son inefficacité qui rebute les créanciers à demander leur avoir par voie de justice et parfois abandonnent même de réclamer. Il y a, peu ou prou, des difficultés comparables au niveau du commerce international pour nos pays africains. En fait, s’agissant des produits alimentaires, l’OMC, l’instance internationale de régulation, se réfère bien au Codex Alimentarius pour son rôle d’arbitrage des litiges, principe sur lequel tout le monde est d’accord. Mais, le processus est lourd, très onéreux et extrêmement lent ce qui contrevient à la dynamique d’un commerce profitable. De plus, les experts qui peuvent instruire ce genre de dossiers sont dans l’hémisphère nord ainsi que les « instances habilitées à les reconnaître ». On comprend alors que, malgré les nombreux cas d’injustices commerciales flagrantes, et documentées, de pays de l’UE envers des pays africains, aucun de nos Etats n’ose porter un litige devant l’OMC.

Certains objectent à ce constat en faisant valoir que les transactions commerciales sont l’apanage d’opérateurs privés dont les marchandises sont elles-mêmes certifiées par des prestataires privés. Ils n’ont pas tort sur la forme, mais à côté de quelques prestataires qui font simplement le travail qu’on leur demande, la réalité est bien plus complexe. Le commerce des aliments, dans le sens du sud vers le nord, est à présent otage de milliers de textes et de standards dont le nombre ne cesse d’augmenter d’années en année. A moins d’être parfaitement naïf, il est difficile d’adhérer à l’hypothèse que tout ce déluge de normes, dont la majorité est produite par l’UE, a pour seul but la vérification stricto sensu du statut de salubrité des produits alimentaires en question. Or, les exemples sont multiples, dont certains ont été traités dans plusieurs articles de ce même blog, qui illustrent le manque à gagner énorme sur le plan financier pour nos pays africains comme conséquence de l’application de normes imposées à l’export de nos marchandises pour des considérations manifestes de restriction commerciale très éloignée de la salubrité alimentaire même. La difficulté n’est toutefois pas dans le diagnostic, mais dans la recherche de la solution éventuelle à apporter pour initier un cheminement, qui sera forcément lent et difficile, dans le sens de diminuer un peu de l’inégalité dans les échanges Afrique/reste du monde, et avec l’UE en premier lieu.

D’aucuns suggèrent parfois de s’adresser aux instances du Codex Alimentarius sans avoir une idée précise ni sur ce qu’il faut demander exactement à cet organisme ni si l’Instance en question a quelque prérogative que ce soit pour apporter une solution au déséquilibre commercial que vit l’Afrique. Car à la fin des fins, en schématisant un peu, il s’agit de la tutelle sur un recueil de textes qui ont été adoptés par consensus, fréquemment en l’absence de pays concernés, mais qui sont à présent en vigueur. Sans oublier qu’en jouant un peu, avec un petit degré de mauvaise foi, sur le fameux « Principe de précaution » et la non moins fameuse clause comme quoi chaque pays a le droit de prendre des mesures de nature à préserver la santé de ses citoyens, et d’autres rubriques, de type technique et de procédure du même genre, inscrites dans les textes du Codex, il y a là des échappatoires en forme de boulevard pour tout pays qui souhaite utiliser de tels outils à son avantage pour barrer la route à des produits dont il ne veut pas sur son marché pour une raison ou une autre.

Comme on peut le déduire, nos pays africains ne sont présentement pas en mesure, loin de là, de rééquilibrer nos balances déficitaires avec nos voisins du nord, basées essentiellement sur le commerce de vente en vrac de produits agricoles et assimilés, en empruntant les voies réglementaires qu’ils ont eux-mêmes mises en place et qu’ils veulent bien mettre à notre disposition. Un accrochage frontal sur l’inflation des normes ne serait pas indiqué non plus car dans le scénario le plus optimiste, cela conduirait éventuellement à une victoire à la Pyrrhus sans aucun intérêt pour nos pays qui manquent cruellement de ressources.

Au collège, nous avons appris que la compréhension d’un problème est 50% de la solution. Alors, quels sont nos problèmes en Afrique dans le secteur agroalimentaire? Nous vendons nos matières premières agricoles à prix ridicule et nous achetons les produits finis correspondants à prix prohibitif. Sous ce rapport, le problème est beaucoup moins grave que si nous n’avions pas de matières premières. En plus, tout le monde est conscient que le savoir-faire existe chez nous ou bien il est facilement accessible. Le financement suit les précédentes considérations. Pour ce qui manque, le Roi Mohammed VI a bien mis le doigt dessus lors de son discours du 31 Janvier 2017 devant le 28ème Sommet de l’Union Africaine à Addis-Abeba, à savoir que l’Afrique doit dorénavant faire confiance à ses propres ressources humaines au lieu d’emprunter chaque fois une expertise de l’extérieur qui revient très chère et se révèle de plus en plus inadaptée pour aider à faire avancer le développement en Afrique.

Pour tout ce qui précède, et d’autres considérations plus intimistes, le temps est venu de lancer un  Label-Qualité  Continental de Certification pour l’Afrique, basé sur des critères scientifiques et techniques rigoureux et qui soit financièrement à la portée des PME et des coopératives locales, pour honorer les opérateurs de notre continent qui œuvrent à l’émergence d’une approche de travail conforme aux règles de Sécurité Sanitaire prônées par le Codex Alimentarius au niveau de la chaîne alimentaire. Et pour booster le commerce interafricain sur le secteur agroalimentaire qui est le premier but à atteindre dans l’avenir proche.

Le médiocre loue le médiocre

Il y a quelques jours une femme et sa fille sont mortes d’une intoxication à la toxine botulique. L’ONSSA (Office National de Sécurité Sanitaire des produits Alimentaires) a sorti deux communiqués, voir ici et ici, louant, contre tout bon sens, le travail de la société au produit incriminé sans la nommer ! La presse a indiqué le nom de KOUTOUBIA, leader de la charcuterie à base de « VSM » (Viande Séparée Mécaniquement) au Maroc, comme le fabricant du produit incriminé.

Il est intéressant de noter que, contrairement à l’habitude, les communiqués de l’ONSSA sus-évoqués ont été rédigés cette fois en arabe uniquement. Probablement qu’en français, les chances auraient été  grandes qu’ils soient lus ailleurs en Afrique, ce qui ferait de l’ombre sur les hauteurs du Plan Maroc Vert qui promeut l’image d’un Maroc leader du secteur agroalimentaire africain. L’ONSSA aurait-elle cédée à une pression d’ordre politique pour faire une entorse à ses communiqués habituellement bilingues ? Ce qui est certain, c’est que l’organisme de tutelle a été mis en place pour veiller sur la salubrité des aliments consommés par l’homme et l’animal. Tresser des lauriers à une société dont un produit a causé les décès de consommateurs est simplement ahurissant. A titre personnel, je suis habitué au travail bas de gamme de cet organisme (voir différents articles de ce blog). En effet, depuis près de vingt-cinq ans à présent que j’exerce dans le métier d’expertise judiciaire, comprenant des centaines d’expertises d’ordre légal faites pour différents tribunaux du Royaume, je peux dire que de nombreux responsables de la répression des fraudes, dont j’ai eu les opportunités d’observer les agissements, dont certains sont peut-être drapés à présent de la couverture ONSSA, ne sont tout simplement pas à la hauteur des exigences que demande ce type de mission. La question qui se pose est pourquoi ces services en particulier, au contraire d’autres services de l’Etat, n’ont pas bénéficié d’une mise à niveau ? Il est difficile de répondre à cette interrogation compte tenu de la sensibilité et la portée du contrôle alimentaire. Mais, habituellement, le Maroc est prompt à mettre en œuvre des opérations de mise à niveau s’il reçoit des critiques d’organismes européens sur tel service ou tel organisme etc. Il est vrai que les européens (certains en tout cas) louent directement et indirectement les prestations de responsables de l’ONSSA alors que ces prestations sont pour nous autres les marocains au-dessous de ce qui est médiocre. Cela amène à la question suivante : Pourquoi diable, les européens sont si complaisants avec l’ONSSA et ses affiliés. Il n’y a pas de preuve et on risque de verser dans la diffamation. A présent, si on regarde par une autre entrée, on réalise que, sans certification de nos voisins du Nord, on ne peut rien exporter sur le marché européen, de très loin le premier marché pour les produits agroalimentaires (agricoles) marocains et africains en général. Lu dans l’autre sens, cela indique que la crédibilité de l’« accréditation » ONSSA est au niveau zéro pour les donneurs d’ordre de l’autre côté de la rive méditerranéenne. La boucle est bouclée : ce qui affaiblit la crédibilité de l’ONSSA verse dans l’augmentation de celle des autres intervenants privés européens pour, dans bien des cas, racketter nos opérateurs locaux. Il existe de nombreux exemples qui soutiennent cette réalité.

Selon les informations que je tiens de sources directes, certaines coopératives vivent l’enfer avec un « grand » certificateur européen qui s’est débrouillé pour s’imposer par Arrêté ministériel (un scandale tout simplement !) pour un quasi-monopole sur la certification relevant du domaine du « BIO » au Maroc. Régulièrement, les produits alimentaires de ces coopératives, certifiés par cet organisme, sont bloqués à l’entrée de certains marchés européens dans l’attente que ces exploitants produisent les certificats sanitaires afférents aux produits en question. Et chaque fois, le certificateur concerné met des semaines, voire des mois, pour délivrer ce type de document réglementaire. Il y a lieu de rappeler que la certification « BIO », ou « terroir » ou autre qualificatif de ce genre, ne préjuge pas de la qualité sanitaire du produit laquelle chez nous est définie par la loi 28-07, qui prévoit des peines pénales en cas d’infraction à la loi. Or ces « certificateurs » sont au Maroc et en Afrique pour faire de l’argent sans aucun risque, surtout pénal ! Comme c’est le cas pour les certifications dites « BIO ». Justement, un autre de ces certificateurs européens m’avait contacté il y a quelque temps pour me demander (de manière pudique) si je voulais bien, sur la base des données analytiques qu’il m’enverrait, lui rédiger un Bulletin d’Analyses (BA) et le signer contre paiement. J’ai bien sûr refusé car cette pratique relève d’un travail non professionnel ou même frauduleux aux yeux de la réglementation en vigueur. Mais ces gens finissent par trouver un professionnel « bonne pomme » pour exécuter le travail comme ils le lui demandent. Ceci leur donne une couverture d’ordre juridique et leur permet, dans le cas des coopératives bloquées citées plus haut,  d’éditer un BA à destination des douanes étrangères en toute quiétude.

Il semble que le gouvernement marocain n’ait pas encore décidé de faire de la mise à niveau des structures de l’ONSSA une priorité. Peut-être que, malheureusement, ces intoxications avec décès successifs de consommateurs innocents le persuaderont de donner un coup de balai « sanitaire » dans un organisme dont la médiocrité des prestations ne fera que nuire aux objectifs du Royaume de devenir leader exemplaire du secteur agro-industriel africain.