Les dessous de la Certification de « Produits BIO »

Le recours à l’usage intensif des pesticides dans l’agriculture au début du XXème siècle par les agro-industriels américains a permis de produire des fruits et légumes sans défaut visuel et donc attractifs aux yeux des consommateurs. Après la deuxième guerre mondiale, quand il a fallu amputer un grand nombre d’anciens ouvriers agricoles de l’un de leurs reins encrassés par des métaux lourds, on a compris à distance que le prix à payer pour obtenir des fruits de couleurs chatoyantes (par exemple) a été extrêmement élevé. Le monde académique a alors pris conscience de l’effort à faire pour limiter les effets, potentiellement dévastateurs, des molécules chimiques  servies dans le système agricole pour améliorer l’aspect et augmenter les rendements de l’agriculture dite moderne. Depuis, les intrants n’ont pas cessé de faire parler d’eux et, plus généralement, l’ensemble des produits chimiques retrouvés dans les aliments consommés, ajoutés intentionnellement ou non. Au tournant de l’année 2000, la panique liée à la « maladie de la  vache folle », entre autres, a constitué la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Dépités, les consommateurs, de plus en plus nombreux, ont commencé à chercher une alternative aux aliments produits industriellement. L’appel au retour à des pratiques agricoles plus saines, qui ont fait leurs preuves durant des siècles, sans ajouts de molécules chimiques de synthèse, s’est alors développé rapidement et de manière considérable. Nombreux parmi les pays dits développés ont été pris de court devant l’ampleur de protestation des consommateurs, en Europe tout particulièrement. L’absence d’une réglementation spécifique cohérente pour cerner la problématique de la production de « Produits alimentaires BIO » a fait basculer la gestion pratique du sujet entre les mains de sociétés privées lesquelles, depuis lors, rivalisent d’ingéniosité et de prétextes pour puiser profondément dans les poches des petits paysans et coopératives, africains pour ce qui nous concerne, sous couvert de valider la qualité de leurs « Produits BIO ». Dorénavant, il est presque impossible de commercialiser de tels produits sans passer par ces courtiers du mercantilisme agroalimentaire parfois aidés discrètement par leurs propres pays.

 Profil d’un  Produit BIO 

 Un produit alimentaire « BIO » est supposé être l’antithèse de produits alimentaires industriels, rejetés par les consommateurs suite à leur inquiétude des conséquences possibles de la consommation de tels aliments, qui contiennent, ou sont supposés contenir, toutes sortes d’éléments chimiques pour en améliore l’aspect, la consistance, la durée de vie et autres qualités d’essence commerciale. En Afrique, en général, et chez nous au Maroc en particulier, l’agriculture « BIO » peut sonner comme un euphémisme d’une agriculture de type vivrière pratiquée par de petits agriculteurs qui n’ont de toute façon pas les moyens d’acheter des intrants de synthèse et dont les produits sont vendus localement à l’état frais pour une consommation immédiate. Occasionnellement, ces mêmes produits frais sont triturés, dans le cadre de petites coopératives, selon des techniques ancestrales pour en faire des huiles ou autres extraits qui peuvent prolonger la durée de vie du produit de base sans altérer les valeurs nutritives de l’aliment considéré. Nous sommes, à ce stade, toujours dans le schéma directeur de fabrication de «Produits BIO ». Ce type d’agriculture a en fait pratiquement disparu dans les pays européens même si en cherchant bien, on peut encore trouver quelques exemples qui résistent ça et là. En somme, ce que les consommateurs européens, qui sont les plus ardents défenseurs de l’utilisation de «Produits BIO », voudraient, c’est conforter le mode de vie privilégié qu’ils ont en le supplémentant de la consommation de produits alimentaires sans risque qu’ils ne sont plus en mesure de produire sur leurs propres terres mais dont ils peuvent se procurer à volonté et très bon marché sur le continent africain ! Vu sous cet angle, les transactions commerciales de « Produits BIO » peuvent paraitre, a priori, comme potentiellement avantageuses pour les petits agriculteurs et coopératives africains ! En effet, le manque ou insuffisance d’infrastructures et d’industries sur le continent a, si l’on peut dire, « protégé » de très nombreux pays africains de la pollution que connait l’Europe et, en conséquence, rend l’immense majorité des agriculteurs africains éligibles au Statut de producteurs d’« Aliments BIO ». L’équation parait au premier abord simple à gérer. De petits paysans d’un côté facilement identifiables pouvant éventuellement être regroupés en coopératives et, de l’autre, des consommateurs européens (ou autres) prêts à acquérir le produit à un prix au dessus du prix d’un article équivalent fabriqué industriellement. Avec une « médiation » appropriée des pouvoirs publics, les consommateurs de la rive nord de la  méditerranée et les producteurs visés de la rive sud gagneraient tous les deux. Mais c’est trop beau pour être réaliste.

 Eclairage

 Il y a quelque temps, lors d’une visite groupée du Canton de Fribourg en Suisse, le guide nous a expliqué que les habitants des anciens temps d’un village haut perché sur une colline gagnaient leur vie en soumettant à une dime tous les commerçants empruntant le chemin serpentant au bas de la colline, passage obligé pour le transit des marchandises vers les pays du Nord. Autrement, ils bloquaient l’accès en lâchant de grosses pierres pour fermer le passage. Ces gens n’apportaient aucune valeur ajoutée à la marchandise qui transitait mais profitaient seulement de leur position pour extorquer aux marchands partie de leur bien. Revenons à nos « Produits BIO » dont toutes les coopératives qui s’adonnent à ce travail connaissent les difficultés qu’il y a à vouloir vendre leurs articles sans passer par les « intermédiaires certificateurs » qui constituent le goulot d’étranglement entre ces gens et leurs clients potentiels dans l’hémisphère nord. En principe, il n’y a rien à reprocher au processus de certification dans l’absolu. Par exemple, la pose d’un barème de stérilisation conçu pour un produit donné, dans un récipient d’une forme déterminée au sein d’un autoclave particulier demande un savoir faire et une expérience de haute volée, considérant la certification, que seuls des spécialistes en possèdent et il est normal d’avoir recours à leur service pour authentifier le processus considéré.

Ceci étant, on peut se demander si les courtiers certificateurs évoqués avant apportent une plus value quelconque au « Produit BIO » défini plus haut.

 Commentaire

 En réalité, ces courtiers mercantilistes ont probablement été  les premiers à réaliser qu’en dehors du constat d’absence d’utilisation de molécules chimiques étrangère il y avait peu qu’ils puissent apporter comme plus value à la commercialisation de « Produits BIO ». Dans ces conditions, leurs interventions pour certification risquaient d’être perçues comme un travail sans valeur et donc non apprécié voir dévalorisé et peu payant. Ils ont alors, comme ils savent si bien le faire, opté pour se rendre maitre de la certification dans le domaine du « BIO » en le soustrayant des mains des « ayants droit » que sont les paysans mentionnés plus haut.

 Dans ce but, ils ont entrepris de complexifier la gestion du domaine en le noyant de paramètres qui relèvent de l’écologie et/ou les cycles biologiques et/ou la biodiversité dont l’appréhension dépasse largement l’entendement de petites coopératives qui cherchent uniquement à subsister en vendant leurs produits de terroirs à des consommateurs préoccupés dans leur majorité d’éviter simplement des produits chimiques indésirables dont ils n’ont que faire.

 En guise de conclusion, qu’il faille passer par la certification de bureaux étrangers pour vendre nos « Produits BIO » aux consommateurs étrangers, soit. S’agissant d’une richesse nationale, le Maroc peut alors appliquer des règles de bon sens en vigueur ailleurs dans le monde. Que la société qui veuille s’installer chez nous pour certifier nos produits s’engage (et soit suivie dans ce but) à former des marocains sur ce métier dans un délai raisonnable. Parce qu’en fin de compte, qu’une entreprise privée étrangère cherche à faire de l’argent sur ce créneau est tout à fait en cohérence avec ses buts commerciaux, mais que l’Etat marocain lui fasse la courte échelle pour lui permettre de ramasser cet argent à sa guise (en autorisant par arrêté par exemple une entité étrangère à actionnaire unique à prélever une dime sur nos exportations) cela donne vraiment à réfléchir !

Le travail de l’ONSSA à l’aune des statistiques

Le renouvellement des fonds de recherche qui sont accordés aux projets académiques dans les pays développés sont habituellement subordonnés aux résultats attendus des travaux précédents des chercheurs. Pour ceux des postulants qui ont ponctuellement manqué de chance, il arrive parfois que les résultats de leurs investigations ne soient pas très encourageants. Faute d’alternatives, certains s’adressent à des spécialistes de statistiques pour qu’ils leur arrangent des « tests statistiques ad hoc » pour les aider à présenter leurs travaux aux pourvoyeurs de fonds sous les meilleurs auspices. On serait étonné, mais les statistiques peuvent parfois véhiculer à peu près n’importe quel message qu’on veuille bien leur confier. Au Maroc, l’Office National de Sécurité Sanitaire des Produits Alimentaires (ONSSA) utilise lui aussi des statistiques pour valider devant les pouvoirs publics l’ « exemplarité de ses interventions ». Généralement, en dehors des quantités de produits saisis ou détruits, rien de ce que disent ces statistiques n’est interprétable. Cet article regarde d’un peu plus près la salubrité de cette démarche de la part de cet organisme.

 Exécution du contrôle alimentaire

 Selon les règles établies, la vérification de la qualité et/ou salubrité des produits alimentaires offerts dans le commerce au Maroc est, aujourd’hui encore, appréciée essentiellement à l’aune des analyses et examens. Ils sont soit de type sensoriel (odorat, examen visuel, au toucher etc.) ou bien des analyses au laboratoire. L’avantage des analyses de laboratoire est qu’elles sont conduites selon des règles reconnues, reproductibles et vérifiables quel que soit le technicien qui les réalise. Concernant les appréciations sensorielles, appelées aussi organoleptiques, elles sont plus aléatoires même s’il existe également des règles à respecter. Par exemple, la discrimination entre des huiles d’olive de qualités différentes repose, entre autres, sur l’avis d’un expert en dégustation de cet aliment. Être expert signifie, en les circonstances, avoir des connaissances et une expertise confirmée sur le sujet, c’est-à-dire reconnue par ses pairs. En somme, le jugement porté sur la qualité d’un produit ou sa salubrité, donné directement par un individu ou à travers un laboratoire, doit dans un cas comme dans l’autre satisfaire aux règles préétablies. Autrement, l’avis non correctement motivé perd sa valeur.

Mission et Pratiques de l’ONSSA

 L’ONSSA est chargé par les pouvoirs publics de veiller à l’application de la loi 28-07 sur la sécurité sanitaire des aliments. Pour s’assurer de la conformité des produits alimentaires aux exigences réglementaires,  les textes d’application prévoient de soumettre les aliments aux examens et analyses requis dans ce but. Donc, avant d’émettre un quelconque avis sur un produit donné, les fonctionnaires de l’ONSSA doivent vérifier, avec leurs collègues techniciens, ses qualités selon les prescriptions de la loi. En cas d’urgence, disons un malfaiteur pris sur le fait de souiller une eau potable destinée aux consommateurs, la loi permet évidemment aux fonctionnaires d’agir sans attendre sur les résultats d’analyses d’un laboratoire pour stopper le danger caractérisé à son point de départ. Il arrive aussi que les fraudes sur aliments soient motivées par des raisons économiques, pour payer moins de taxes à la douane par exemple. L’ONSSA se doit alors de procéder aux analyses pour étayer le refus notifié aux propriétaires de marchandises impliqués dans la fraude éventuelle. S’agissant du marché national, tous les marocains ont vu sur les télévisions publiques, à un moment ou un autre, les fonctionnaires de l’ONSSA, éventuellement appuyés par des forces de l’ordre, procéder à la destruction en direct de marchandises dont les verbalisateurs ont considéré la consommation comme dangereuse pour l’homme. Il y a bien sûr des situations où les locaux de préparation de la nourriture sont à ce point crasseux qu’on ne peut qu’applaudir à la décision de ces agents. Dans d’autres cas, l’hygiène apparemment impeccable des ateliers de nourriture plaide plutôt en faveur de la conformité aux principes d’hygiène et les téléspectateurs sont en droit de se poser la question sur la pertinence de la décision de détruire immédiatement des marchandises, en apparence impeccables, au lieu de les bloquer à la vente seulement en attente des analyses de laboratoire. Sous ce rapport, on a vu du « Khlii » et des poulets frais être détruits alors que l’aspect hygiénique des magasins de vente et des produits semblait en ordre. L’argument que ces fonctionnaires avancent pour les destructions en question, menées de manière soldatesque, tient au manque de facture justifiant l’achat de ces denrées d’une source traçable et/ou fiable.

 Commentaire

 Si l’ONSSA est chargé de veiller à l’application de la loi, il est aussi supposé en respecter les termes lui-même d’abord. Or nulle part dans la loi il est dit que « manque de facture » équivaut à « manque de salubrité ». Après tout, le « poulet beldi » est toujours acheté dans nos souks et les paysans ne délivrent pas de facture à l’achat et cette pratique fait partie de notre héritage et de notre quotidien. Par ailleurs, les marocains ont mangé du « Khlii » pendant des siècles. Il s’agit d’un mets succulent et, compte tenu de sa teneur volontairement élevée en sel, ne présente pas de risque (ou négligeable) sur le consommateur. Le rejet du poulet frais, prévu éventuellement par la réglementation, doit, essentiellement, se faire sur la base de présence du germe pathogène « salmonelle » dont la détermination se fait au laboratoire. Mais si ces agents suspectent tout de même un manquement à l’hygiène, ce qui est leur droit, ils seraient mieux inspirés de bloquer le produit à la vente en attendant les résultats d’analyses de laboratoire sur des échantillons représentatifs prélevés sur l’aliment, sinon ils courent le risque de se faire tirer les oreilles par la justice. En effet, imaginons un instant que le propriétaire du produit en litige demande, c’est son droit, à faire un prélèvement immédiat devant huissier de justice d’échantillons de son produit suspecté et en fasse l’analyse au laboratoire sur son compte. Considérons aussi que les résultats viennent infirmer les simples présomptions des fonctionnaires de l’ONSSA. Le propriétaire serait alors en droit de demander réparation matérielle et morale que le tribunal sera bien tenu de lui accorder et ce sera à l’Etat de payer pour les fautes d’agents qui font apparemment preuve d’un empressement à mauvais escient. A présent, peut être que ces verbalisateurs pensent vraiment rendre service à la communauté en agissant de la sorte pour, pensent-ils, impressionner d’autres fraudeurs potentiels et les dissuader de passer à l’acte. Possible. Cependant, l’ONSSA n’a pas reçu mission pour effectuer son travail sur des présomptions mais sur des preuves tangibles. Alors, en faisant comme ils font ils perpétuent l’exemple mauvais que nous continuons au Maroc à appliquer la loi selon des pratiques d’un temps qui est révolu.

 En guise de conclusion, l’expérience montre que l’examen stresse un étudient. Si l’examinateur le regarde d’un œil amène, il donnera le maximum de lui-même et augmentera ses chances de réussite. Mais recevoir l’étudient de manière déplaisante tue définitivement en lui quelque espoir que ce soit et le décourage encore davantage. Sous ce rapport, certains actes de l’ONSSA sont encore aujourd’hui dans la droite ligne des verbalisateurs de la défunte loi 13-83 de répression des fraudes qui prenait tous les commerçants pour des fraudeurs jusqu’à preuve du contraire. Il ne faut pas en vouloir alors aux exploitants de montrer si peu d’enthousiasme à coopérer avec la tutelle en question. Or, de cette coopération dépend également la crédibilité de l’ONSSA pour laquelle cet organisme risque peut être d’attendre des années encore.

Nos responsables soignent l’oral et négligent l’écrit

Il est comme cela des formules qui traversent le temps et deviennent des règles consensuelles appliquées par la majorité des gens qui peuvent être concernés. Une rubrique dénommée « GRAS » (Generally Recognized as Safe) de la réglementation américaine des aliments et cosmétiques constitue l’un de ces exemples. En effet, si un produit (exemple le henné), largement en usage depuis des milliers d’années a montré, tout au long de sa large utilisation, des effets bénéfiques reconnues pour l’usage qui en est fait, ce « témoignage » est considéré comme suffisant aux yeux de la loi pour la consécration de l’utilisation du produit. Sur un autre registre, le proverbe latin « Verba volant, scripta manent » (les paroles s’envolent, les écrits restent) a passé l’épreuve du temps et son application peut être considérée comme très judicieuse. Mais alors, pourquoi nos responsables, la tutelle sur la chaine alimentaire en particulier, utilisent le téléphone avec zèle et répugne de recourir à l’écrit. C’est ce sur quoi cet article voudrait jeter quelque lumière.

 Rappel de l’approche de travail avant 2010

 Dans les premiers temps du protectorat, l’activité agroindustrielle au Maroc relevait d’un bureau au Ministère de l’Agriculture. Les fonctionnaires de ce service se déplaçaient vers les unités agroalimentaires pour inspection et, le cas échéant, prélevaient des échantillons de produits finis prêts à la vente pour contrôle. L’entreprise devait attendre sur le « OK » des fonctionnaires avant de mettre ses produits dans le commerce. Ces opérations de vérification et contrôle étaient conduites de manière principalement informelle. Il y a eu un semblant d’évolution par la suite en ce sens que les services de la répression des fraudes ont entrepris d’user de pré-imprimés. Ces documents étaient toutefois conçus pour ne pas incommoder les fonctionnaires. D’ailleurs, c’est la somme de ces textes de base de travail des services de la répression des fraudes qui ont été compilés après et ont constitué l’ossature de la précédente loi 13-83, à présent abrogée. Dans son ensemble, cette loi répressive soumettait le secteur agroindustriel marocain à l’autorité des services de la répression des fraudes sans aucun partage. Alors que le travail d’examen et de contrôle des échantillons des produits agroalimentaires ; commençant par le prélèvement d’échantillons, passant par les analyses de laboratoire et se terminant par l’émission de bulletins d’analyses ; est codifié par des règles scientifiques et techniques parfaitement établies, les textes évoqués de la loi 13-83 étaient souvent vagues laissant à ces verbalisateurs les coudées franches pour agir, en accord avec la hiérarchie, comme bon leur semblait sans avoir de compte à rendre à personne. Par voie de conséquence, les résultats de leur travail étaient tout aussi médiocres que les textes très approximatifs, servant de  procédures, qu’ils utilisaient comme références. Cette approche de travail a malheureusement été maintenue jusqu’à présentation de la nouvelle réglementation actuellement en vigueur.

 Avènement de la loi 28-07

 La promulgation de la loi 28-07 de sécurité sanitaire des produits alimentaires, d’inspiration anglo-saxonne, est venue dans le but de mettre un terme au travail anarchique des services de la répression des fraudes, et inaugurer une ère nouvelle où les fonctionnaires de l’ONSSA (Office National de Sécurité Sanitaire des Produits Alimentaires), organisme qui a pris la relève des services de la répression des fraudes, ont l’obligation d’affirmer leurs interventions par des écrits prévus par la loi pour permettre, entre autres, de  juger des performances de leurs audits des entreprises. La loi 28-07 est effective depuis 2012 et on peut se demander si, pour autant,  le corps des fonctionnaires de l’ONSSA suit la loi comme il se doit ?

 Les réticences à l’application de la loi 28-07

 La loi 28-07 et son décret d’application ont cerné, à l’instar de ce qui se passe chez nombre de nos partenaires commerciaux, aussi bien le travail des auditeurs (fonctionnaires de l’ONSSA) que celui des entreprises auditées (exploitants). Les premiers viennent vérifier si le travail des seconds est effectué en conformité de la réglementation en vigueur. Dans ce cadre, le questionnement des fonctionnaires et les réponses des exploitants, sous une forme ou une autre, se doivent d’être confirmés par écrit. Toutefois, les informations dont dispose ce blog montrent que les choses sont loin de se passer de cette manière. Il apparait que jusqu’à présent, seuls les exploitants sont invités (oralement) à justifier par écrit la conformité de leurs opérations à la réglementation en vigueur.

 Commentaire

 Tout se passe comme si les responsables de l’ONSSA tenaient à poursuivre sur les pas de leurs collègues des services de la répression des fraudes selon l’adage : « Faites comme je dis et non comme je fais ». Or si ce slogan s’insérait « harmonieusement » dans la médiocrité de la précédente loi répressive (aujourd’hui abrogée), à présent il heurte de front les lignes directrices pour le travail selon la loi 28-07. Les principes de la nouvelle loi commandent clairement aux fonctionnaires de l’ONSSA de donner l’exemple en se conformant de leur côté à ce que la loi prescrit concernant  la conduite de leurs tâches. Mais ceci n’est pas le cas. Les exploitants, selon toute apparence, semblent fondés de se dire : « si ces fonctionnaires ne veulent pas appliquer ce que la loi prévoit pour eux, nous n’en ferons rien non plus » et voilà comment la réticence des délégués de l’ONSSA à respecter eux mêmes la propre loi, sur laquelle ils sont supposés veiller, provoque chez les exploitants une résistance pour s’y conformer à leur tour. Par ailleurs, il est hautement improbable que le comportement inapproprié des fonctionnaires de l’ONSSA sur le terrain n’ait pas été rapporté, d’une manière ou une autre, à leurs supérieurs au siège de cet organisme. On peut donc considérer que fonctionnaires et cadres de l’ONSSA, organisme de tutelle sur les exploitants de la chaine alimentaire, ont encore du chemin à faire pour être à la hauteur de ce que la loi 28-07 attend de leurs propres prestations.

 Comment sortir de cette ornière

 Si les fonctionnaires sont réticents à appliquer la loi à eux-mêmes pour donner l’exemple ce n’est probablement pas par ce qu’ils sont sourds à entendre le message véhiculé par la nouvelle réglementation, ou bien incapables de lire et comprendre les textes de la loi. Il est plus que probable que ces gens sont mus par un intérêt (à trouver) dont ils perçoivent le « message » de manière plus forte que toute autre information qui leur parviendrait d’ailleurs. Les autorités supérieures ont l’obligation de chercher et trouver l’origine, la nature et le degré d’influence que ce « message » en question a sur l’oreille des fonctionnaires pour l’annihiler par les meilleurs moyens au plus vite. Si ce n’est pas le cas, le Maroc aura une fois encore promulgué une bonne loi mais les efforts auront été investis pour rien. Sa crédibilité vis-à-vis de ses partenaires commerciaux chutera encore un peu plus comme pour dire aux nations africaines qui ont reporté leurs espoirs de voir en nous un modèle à suivre : cherchez ailleurs, nous ne sommes pas encore prêts.

La confusion des exploitants de la chaine alimentaire

Quelqu’un qui fait ses emplettes dans un marché d’une ville marocaine pourrait penser, à voir l’offre de légumes et fruits très variée, abondante et accessible, que le Maroc dispose d’un secteur agroindustriel florissant. Il est vrai que même en présence d’une infrastructure appropriée, une industrie agroalimentaire pérenne ne saurait se concevoir sans la disponibilité de matières premières dans l’environnement proche. Mais force est de constater que la Maroc continue d’exporter essentiellement des produits frais faute de valorisation sur place. Or, la loi 28-07 de sécurité sanitaire des aliments,  entrée dernièrement en vigueur, est dédiée pour une large part au contrôle des produits alimentaires transformés industriellement. Il est vrai que c’est une loi très récente. En effet, avant 2010 nous avions, en guise de réglementation, des textes des services de la répression des fraudes, datant pour beaucoup de l’époque du protectorat, ayant été compilés pour en faire la loi dite 13-83. Considérant cette loi archaïque et répressive (voir article : La crédibilité de l’ONSSA / Seconde partie), les gens qui se risquaient à investir dans le secteur devaient s’adosser sur des appuis solides du sérail politique national pour faire durer leur activité. Au final, quoique le Maroc dispose de matières premières, il ne les valorise industriellement que très faiblement et nous sommes alors contraints de les exporter ailleurs pour des clopinettes. Si on examine de plus près ces unités industrielles de la première heure, qui forment l’essentiel des membres de la Fédération Nationale de l’Agroalimentaire (FENAGRI) et de la Fédération des Industries de Conserve des Produits Agricoles du Maroc (FICOPAM), on peut faire quelques remarques qui leur sont largement communes :

  •  La plupart de ces unités n’ont pas un laboratoire de contrôle intégré au sein de leurs unités
  • La production de conserves végétales s’appuie principalement sur la stérilisation en autoclave
  • Ces entreprises travaillent dans leur majorité pour le marché intérieur

 Eclairage

 L’absence de laboratoire intégré dans une entreprise marocaine est une conséquence directe de l’application de l’ancienne loi 13-83 qui plaçait le contrôle qualité des produits alimentaires sur les épaules des services de la répression des fraudes. En d’autres termes, ces exploitants pouvaient produire et vendre sans se soucier de la qualité de leurs produits. Le développement logique d’une telle approche de travail est la tendance à faire dans la médiocrité, chose que, faute d’alternative malheureusement, le consommateur marocain se devait de faire avec.  Par contre, la création de l’Etablissement Autonome de Contrôle et de Coordination des Exportations (EACCE) avait pour but d’assurer une meilleure qualité des produits prévus pour l’export, à l’origine pour la France. Sous ce rapport, alors que les technologies pour valoriser les produits alimentaires sont nombreuses, il est curieux de constater que nos industriels ont pour la plupart opté pour la stérilisation généralisée de leurs produits en autoclave, solution onéreuse en énergie et gourmande en frais de maintenance et service après vente. Il s’agit, pour environ 95 % des unités industrielles marocaines concernées, d’un même type d’autoclave fabriqué par une grande firme française. Il n’est pas exclu que, d’une façon ou d’une autre, ces investisseurs aient été conseillés, pour ce qui est de l’équipement, avec l’arrière pensée de leur vendre ce type de matériel en particulier, sans aucun égard de l’impact sur le prix de revient des produits à vendre et même si la stérilisation n’est ni un traitement approprié pour certains produits (acidifiés) ni une exigence de la loi pour les commercialiser à l’échelle internationale. Le résultat est qu’en intégrant le coût de l’énergie dans le prix de revient, ces produits sont loin d’être compétitifs et, comme conséquence, il semble que tout ait été fait pour freiner les ambitions marocaines à développer une industrie agroalimentaire compétitive et donc viable.

 Promulgation de la loi 28-07

 Considérant que les consommateurs étrangers qui achètent nos produits, ayant préalablement été vérifiés par l’EACCE, ne sont pas davantage préoccupés pour leur santé que ne l’est le consommateur marocain, la loi 28-07 est venue corriger cette anomalie et décréter que les produits alimentaires produits sur sol marocain doivent obéir aux mêmes règles de sécurité sanitaire des aliments qu’ils soient destinés aux marchés extérieurs ou bien au marché local marocain. Cela sonne bien et démocratique. Sauf que, à l’exception de certaines unités industrielles, dans le secteur de la transformation des produits de la pêche essentiellement, de nombreux professionnels n’avaient aucune expérience de comment le contrôle qualité des produits était effectué. Ils ont en effet été élevés dans l’idée que c’était le Business des services de la répression des fraudes.

 La confusion de l’exploitant

 L’industriel marocain comprend qu’il doit mettre en place l’Autocontrôle selon l’approche du HACCP. On lui dit que pour cela (mise en place du HACCP),  il doit être certifié par un organisme compétent. Il dispose pour ce faire de deux choix entre un organisme public comme le Ministère du Commerce et d’Industrie et un organisme privé étranger comme la SGS, Veritas ou autre (voir : article sur La crédibilité de l’ONSSA). S’agissant des analyses, il a de nouveau à choisir entre les laboratoires publics et des organismes d’obédience étrangère comme l’Institut Pasteur.

 Eclairage

 Mettre sur pied un laboratoire d’analyses de produits alimentaires coûte très cher et la rentabilité doit être envisagée sur le moyen terme. En dehors d’organismes établis depuis longtemps avec la bénédiction du protectorat et qui ont à présent des intérêts et un acquis à défendre, le privé n’investit pas dans ce créneau. D’abord il n’y a aucune visibilité, ensuite, il n’y a pas  d’encouragement de l’Etat pour ce secteur et pas non plus une volonté affichée d’orienter les exploitants vers les laboratoires privés marocains pour effectuer leurs analyses. Alors, en maintenant la mainmise du public et d’organismes privés étrangers sur le travail d’analyses et autres certifications, tout se passe comme si l’Etat avait la volonté de tuer dans l’œuf toute initiative de transfert de responsabilité vers le privé marocain sur ce secteur. Dans ces conditions, comment le  Maroc compte assister les pays africains qui souhaitent être sevrés de la dépendance vis-à-vis de leurs colonisateurs d’hier ? Peut être en sous traitant de nouveau le travail d’expertise à des organismes de ces mêmes pays. Le fait est que Maroc doit devenir lui-même crédible et commencer par recouvrer sa souveraineté sur le domaine de l’expertise autrement tout ce qu’il dira sera ressentie comme de la propagande et rien de plus.

 En guise de conclusion, il y a lieu de rappeler que l’Etat est un et indivisible et parce qu’il ne peut être juge et parti, il doit pleinement revendiquer et assumer son rôle de « contrôleur/arbitre ». En conséquence, les organismes relevant de l’Etat doivent s’éloigner de la certification des unités industrielles  autrement c’est indécent ! L’ONSSA doit aussi faire cesser les rumeurs qui circulent comme quoi il certifie des unités industrielles. Il doit aussi indiquer nettement sur son site web que tout travail fait en dehors des stipulations de la loi, y compris le recours sans raison à des normes étrangères, sera considéré comme nul et non avenu.

La crédibilité de l’ ONSSA (Suite)

La lecture attentive de la loi 28-07 de sécurité sanitaire des aliments montre que le législateur a voulu responsabiliser les intervenants de la chaine alimentaire nationale en leur commandant de procéder à l’Autocontrôle avant la libération de leurs produits dans les circuits de commerce et protéger davantage le consommateur marocain. Dans le même temps, exigence leur est faite à ce que  l’Autocontrôle soit effectué selon l’approche du « Hazard Analysis and Critical Control Points » (HACCP), démarche reconnue par le Codex Alimentarius comme la plus pertinente pour ce type de contrôle pour le commerce globalisé des produits alimentaires. Il en découle que l’application de la loi satisfait aux exigences requises pour l’accès des  produits marocains aux marchés de nos partenaires commerciaux de par le monde. Cela vaut également pour le marché américain reconnu parmi les plus contraignants à l’international sur le plan des normes sanitaires. Ce travail de mise à niveau est nouveau chez nous. Ainsi, avant 2011, date de promulgation des textes d’application de la présente loi 28-07, la loi 13-83 précédente (aujourd’hui abrogée) était similaire à celle qui était en cours aux Etats Unis au début du XXème siècle. Il s’ensuit que la première mouture de la réglementation américaine sur les produits alimentaires et celle en vigueur actuellement aux USA (à laquelle notre loi 28-07 peut être rapprochée)  sont séparées par un espace temps d’un siècle. Pour utiliser une image, nous dirions que ce sont les petits enfants (ou grands petits enfants) des premiers inspecteurs de la FDA (Agence américaine de contrôle des produits alimentaires et des médicaments qui a vu le jour en 1906) qui ont la charge aujourd’hui d’auditer les entreprises agroalimentaires américaines. Pour revenir au cas du Maroc, un grand nombre des fonctionnaires (pour ne pas dire la plupart) de l’Office National de Sécurité Sanitaire des Produits Alimentaires (ONSSA) sont ceux là mêmes qui avaient en charge, avant 2012 (date d’entrée en vigueur effective de la loi 28-07), la surveillance du travail dans la chaine alimentaire selon le mode opératoire de la loi 13-83. En langage imagé, nous dirions que le jour d’avant ces fonctionnaires portaient des blouses sombres pour la loi 13-83 qu’ils ont troquées le lendemain pour des blouses blanches sous la loi 28-07. Alors, en 2014, deux ans après l’abrogation effective de l’ancienne loi, bien malin qui pourrait indiquer quel changement effectif la nouvelle loi 28-07 et les textes pris pour son application ont effectivement produit sur le terrain des entreprises. Mais pour apprécier davantage le changement de situation auquel ont été soumis les fonctionnaires visés de l’ONSSA, nous allons procéder à un récapitulatif du mode opératoire de leur travail sous l’ancienne loi abrogée et le comparer avec comment leur mission est définie par la nouvelle réglementation.

 Le travail sous le régime de la loi 13-83

 Une bonne partie des textes de la loi 13-83 remonte à la période du protectorat voire, pour certains d’entre eux, transcrits des règles françaises sur l’hygiène du XIXème siècle. En y regardant de plus près, il s’agit d’une loi à vocation d’abord répressive sous la tutelle des services de la répression des fraudes. Dans les faits aussi, le fonctionnaire de ces services (verbalisateur) était omnipuissant devant le patron de l’entreprise soumis à son inspection. Le fonctionnaire n’avait de compte à rendre qu’à sa hiérarchie. Son jugement, approprié ou déplacé, est peu ou pas du tout entravé par cette loi ancienne et il a toute latitude pour prendre la décision qui l’arrange à propos de l’entreprise qu’il inspecte. Cette loi 13-83 abrogée, administrée par les services de la répression des fraudes, donnait en réalité au verbalisateur tout pouvoir, par le biais du « jeu de l’expertise et la contre expertise », deux fonctions assumées dans le même temps par les services dont il relève, d’incriminer (s’il le souhaitait) l’entreprise et la livrer pieds et mains liés au tribunal dont le rôle se résumait à entériner la décision en inculpant comme suite la société tombée à tort ou à raison dans le filet de ces fonctionnaires. Alors, indépendamment de toute autre considération, il faut bien convenir qu’i s’agit là d’un pouvoir de nature à libérer un verbalisateur de sa condition de petit fonctionnaire et le propulser très haut vers un stade de nirvana. Devant lui, le patron était prêt à tout pour le satisfaire y compris sur le plan vénal et on sait combien le pouvoir peut être corrupteur. Ceci dit, il ne fait pas de doute que les fonctionnaires de la répression des fraudes sous le régime de la loi 13-83 étaient beaucoup plus craints que respectés. Le plus souvent, ils étaient méprisés même.

 Loi 28-07

 Comparativement à la loi abrogée, dont certains textes seront restés en vigueur pour pratiquement un siècle, la nouvelle réglementation vient juste d’entrer en vigueur et il manque le recul nécessaire pour apprécier comment les « à présent  fonctionnaires de l’ONSSA » interagissent avec les exploitants de la chaine alimentaire pour sa mise en application. Faute d’observations suffisantes sur le terrain, rien n’empêche de se livrer à un raisonnement de simple bon sens. En effet, la loi 28-07, dite de l’Autocontrôle selon le HACCP, est une loi comparable, à des détails près, à celles en vigueur dans d’autres pays à travers l’hémisphère nord de la planète. La loi suppose, comme chez nos partenaires, que les gens qui veillent à sa mise en œuvre font ce métier parce qu’ils ont choisi de le faire et comptent le conduire du mieux qu’ils le peuvent. Ces Inspecteurs/Auditeurs sont supposés être instruits de leurs obligations et devoirs inhérents à la charge qui leur incombe. En conséquence, ils sont humbles, mais fermes sur l’application de la loi, car ils réalisent le poids de la charge qui pèse sur leurs épaules et dont dépend, en partie, la place de leur pays parmi les nations sur ce secteur. Ils savent que leur comportement lors de l’accomplissement de leurs missions doit être exemplaire par ce que le travail subséquent de toute la profession, qui les observe, en dépend. Ils ont donc à cœur de préparer leurs interventions à l’avance, prévenir de leur arrivée et connaissent la réglementation par cœur pour répondre à toutes les préoccupations des entreprises auditées. Ils savent aussi qu’il faut travailler à l’intérieur du cadre qui leur est tracé par la réglementation et font leurs remarques par écrit en prenant soin de les dater et signer. Ils sont polis et déclinent leur identité en arrivant à l’entreprise. Les patrons ne les craindront peut être pas mais, au lieu du mépris, ils auront leur respect et ça, ça n’a pas de prix.

 Commentaire et Conclusion

 A moins d’être optimiste à outrance, il est difficile de croire en la conversion « magique » et immédiate des verbalisateurs (blouses grises) sous la loi 13-83 abrogée en des auditeurs avisés (blouses blanches) sous la nouvelle loi 28-07. Nous pensons que s’il s’était agi d’une entreprise privée, elle aurait procéder en indemnisant bonne partie des « blouses grises » pour qu’ils aillent se reposer chez eux et aurait recruté de nouveaux candidats (sans mémoire de la loi 13-83) pour le rôle des « blouses blanches ». Mais l’Etat est souverain et doit avoir ses raisons de ne pas avoir procédé de cette manière. Il reste que bon nombre des « blouses grises » doit avoir dépassé quinze voire vingt ans d’exercice sous le régime de la loi répressive 13-83 et, selon ce raisonnement, serait mis à la retraite au-delà des quinze prochaines années. Les chances d’une implémentation correcte de la loi 28-07 de sécurité sanitaire des aliments seraient à coup sûr plus élevées au-delà de cette période. Mais les pays africains voient déjà dans le Royaume un leader en mesure de les exonérer d’une dépendance onéreuse et dont ils ne voient pas la fin vis-à-vis de puissances coloniales du passé, particulièrement sur le secteur de la sécurité alimentaire. Il est fort à parier que nos amis africains préféreraient voir le Maroc remplir le plus rapidement possible ce rôle pour le bien de sa stature à l’international et l’intérêt du continent africain.

La crédibilité de l’ ONSSA

Les organisations internationales telles l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé), la FAO (Food and Agriculture Organisation), le Codex Alimentarius et d’autres préconisent aux professionnels de se conformer à la réglementation locale de leur pays avant toute chose. Dans le cas du Maroc, s’agissant de la sécurité sanitaire des produits alimentaires, cela revient à dire que les exploitants de la chaine alimentaire ont l’obligation de mener leurs opérations en conformité à la loi 28-07 de sécurité sanitaire des aliments en priorité. L’Office National de Sécurité Sanitaire des Produits Alimentaires (ONSSA), organisme de tutelle de la chaine alimentaire, est chargé de veiller sur l’application de cette loi et les textes pris pour son application. Cependant, la réalité sur le terrain montre que nous sommes encore très loin de la mise à niveau souhaitée. Il faut rappeler que l’ONSSA, comme d’autres organismes étatiques, a en son sein des gens compétents qui ont à cœur de faire leurs devoirs et d’autres peut être moins enclins à ce service. Mais est ce là l’unique raison du manque d’engouement des professionnels à procéder à leur mise à niveau ? Il est très probable que les sources de résistance soient multiples et imbriquées. Elles ont comme point commun la remise en cause progressive de certains privilèges, voir certaines situations de rentes, qui viennent de loin parfois de l’ère du protectorat (pour ne pas dire la période coloniale). Dans cette note, nous allons examiner un des facteurs de résistance, à savoir le « brouillage », selon notre opinion, activé par certains prestataires de services d’obédience étrangère qui vouent leurs énergies à rendre « inaudible » tout effort de la part de l’autorité de tutelle sur le secteur pour une mise à niveau pilotée par des marocains.

 Les normes ISO à toutes les sauces

 Personne ne conteste l’intérêt des normes ISO, obtenues par consensus, pour harmoniser les points de vue d’académiciens de différents pays à propos d’un élément technico-scientifique ou un autre. Sur le même registre, le concept d’accréditation est à présent galvaudé à tort et à travers et perd de plus en plus de la hauteur de vue qui lui donne sa consistance. Mais dans un cas comme dans l’autre, ces éléments ne sauraient se substituer à la loi. D’aucuns prétendent que parce qu’un exploitant a mis en place tel ou tel référentiel privé, il doit être exonéré de l’application de la réglementation nationale parce que, avancent ils, l’ISO 22000 est bien plus cossu que ne l’est la loi 28-07. Ils se gardent bien de mentionner que les organismes qui délivrent les documents visés sont à l’origine des sociétés commerciales mues d’abord par le profit. De plus, ces gens s’ingénient à signer leurs papiers depuis leurs lieux de domiciliation à l’étranger. Cette approche heurte frontalement la règle qui veut qu’un organisme privé qui pose et/ou signe un document de prestation de service peut être amené à rendre des comptes, le cas échéant, devant une instance de justice, s’il apparait qu’il a failli à son propre devoir en remettant, par exemple, un certificat de complaisance. Or comment faire quand le signataire d’un document incriminé exerce son forfait depuis un pays étranger, disons un pays européen. Ces gens visent à être payés en devises, veulent la reconnaissance de leur signature au sein d’un pays souverain qui leur est étranger et, cerise sur le gâteau, ne veulent être comptable devant qui que ce soit. C’est ce qu’on appelle vouloir le beurre et l’argent du beurre. Il s’agit en réalité de sorte de Diktat éculé qu’aucun pays qui se respecte ne saurait tolérer sur son territoire.

 L’expertise ne serait pas digne des marocains

 Dans leur grande majorité, les exploitants marocains répètent, sans que l’on sache avec exactitude la source de ce « brouillage », que leurs produits seraient refusés à l’export s’ils se référaient uniquement à la loi 28-07 de sécurité sanitaire des produits alimentaires et les textes pris pour son application. En clair, cela signifie qu’ils sont pour ainsi dire forcés d’indiquer la conformité de leurs produits aux normes, françaises en particulier, pour pouvoir les exporter en France et, ensuite seulement, vers les autres marchés européens. Même si la loi 28-07 dans son ensemble (dite de l’Autocontrôle) n’a rien à envier aux réglementations d’autres pays, y compris européens, il est difficile d’exclure l’existence de ce type de pressions occultes. L’ONSSA a par conséquent le devoir d’inciter les exploitants à raisonner autrement et prendre conscience que si notre balance de paiement est chroniquement déficitaire c’est en partie à cause justement du positionnement de notre export qui ne voit le marché européen qu’à travers la porte d’entrée française. Dans ces conditions, s’accrocher encore et encore à cette doctrine ne ferait qu’aggraver le problème et non le résoudre.

 Comment sortir de cette souricière

 Les prestations de service dont il est question relèvent essentiellement du travail d’analyses et de conseils qui sont l’apanage de laboratoires de contrôles des produits alimentaires. Il n’est toutefois pas question de réinventer la roue. Un lauréat qui a réussi haut la main ses études et son travail universitaire en décrochant, par exemple, un PhD ou un diplôme équivalent, devrait pouvoir exercer sans autres difficultés son métier dans la discipline de son Diplôme. Ceci s’applique également à l’ouverture de laboratoires d’analyses des aliments. L’ONSSA reste l’organisme qui a la charge de suivre le travail de ces laboratoires et le faire stopper, le cas échéant, dans le cas de quelqu’un qui se montrerait défaillant. S’agissant de la surveillance de ce type de prestations, l’ONSSA peut adresser aux laboratoires des échantillons appropriés à analyser selon un protocole formalisé. Si les résultats d’analyses d’un laboratoire donné s’écartent significativement de la moyenne attendue, ce dernier peut être averti ou, s’il échoue de manière répétée, l’autorisation d’exercer lui être retirée jusqu’à règlement de ses défaillances. Pour ceux des prestataires portés à remettre des certificats de complaisance, des peines financières lourdes devraient être prévues à leur encontre. Ce travail mené dans la transparence sera sans nul doute apprécié par nos partenaires commerciaux à l’international et rejaillira favorablement sur l’image de l’ONSSA.

 Que l’ONSSA, en guise de conclusion, ait été désigné en tant qu’Autorité de tutelle sur la chaine alimentaire est tout à fait dans l’ordre des choses. Ceci est différent de la crédibilité, qui ne se décrète pas, mais vient plutôt récompenser un travail sérieux et continu sur le terrain et induit alors, comme gratification, le respect des autres organismes séniors étrangers équivalents.

Comment produire les conserves végétales à prix réduits

Il y a de cela plusieurs années, j’avais été appelé pour un travail au profit d’une société italienne des Abruzzes qui fait dans les conserves végétales. Durant mon séjour de quelques jours, j’ai appris que des entreprises locales s’approvisionnaient parfois en olives au Maroc, façonnaient le produit par des procédés simples et exportaient la marchandise obtenue sur le marché américain à un prix largement inférieur à une denrée comparable exportée depuis notre pays! Le « process » simple évoqué a trait à la préparation de ce que les anglo-saxons appellent  « Pickles ». Le procédé consiste à acidifier des conserves végétales, c’est-à-dire rendre leur saveur légèrement vinaigrée, pour leur donner un goût plus agréable au consommateur par une technologie qui permet dans le même temps d’abaisser le coût de la production industrielle tout en en stoppant la multiplication des germes. Le présent article jette quelque lumière sur les caractéristiques et l’intérêt des conserves produites par ce type de technologies simples et efficaces.

 Importance des conserves

 Dans la vie actuelle, où chacun est tenu de toujours faire plus et plus vite, les aliments en conserves sont souvent incontournables. Ils peuvent être à des prix abordables et, surtout, permettent d’économiser le temps de préparation, particulièrement dans le cas des légumes. Ils doivent par contre être débarrassés des germes et cela constitue l’essentiel du travail de préparation des conserves. Traditionnellement, on les stérilise, c’est-à-dire on les met dans un autoclave et on applique dessus des barèmes étudiés de stérilisation pour détruire les microbes que tous les aliments frais contiennent en plus ou moins grande quantité. Le problème avec les autoclaves est qu’ils coûtent chers à l’achat, sont gourmands en électricité et occasionnent des frais d’entretien et de maintenance qui profitent essentiellement à l’équipementier et font revenir les produits soumis à l’autoclavage relativement chers. Dans un monde de plus en plus concurrentiel, la production d’un aliment salubre est un préalable nécessaire alors que la réussite de sa commercialisation reste tributaire de son prix de vente qui doit être compétitif. Dans ce but, la production des conserves évolue de plus en plus vers des technologies économes en énergie qui permettent de mieux garder aux aliments leurs qualités nutritives et de rendre meilleur marché leur production de masse. Les produits acidifiés, qui sont un bon exemple de ces technologies, peuvent rester stables et être consommés sans risque pendant plusieurs années.

 Stérilisation VS Acidification

 Pour détruire tous les microbes que contiendrait un produit qui font peser un risque sur la santé du consommateur, c’est-à-dire les microorganismes qui poussent et ceux qui sont inertes (spores), il faut mettre le produit en question dans un autoclave et appliquer dessus un barème de stérilisation approprié (température au dessus de 100°C sous haute pression) pendant un intervalle de temps déterminé. Le système est coûteux en énergie et le prix de revient de la conserve s’en ressent bien évidemment. Si à présent, au même aliment frais, travaillé de manière propre et hygiénique, on ajoute cette fois la quantité nécessaire d’un produit acide (comme un jus de citron par exemple) pour lui donner un goût vinaigré, les quelques rares microorganismes qui seraient éventuellement encore là ne pourront plus se reproduire et deviendront donc inoffensifs pour le consommateur. Si en plus on chauffe ce produit dans un bain marie, à pression ambiante et température inférieure à 100 °C et donc faible consommation d’énergie, il peut, s’il est fermé proprement dans un bocal, rester, et être consommé, pendant plusieurs années à venir sans problème. L’important dans tout cela est que le prix de revient d’un produit réalisé avec cette « technologie de l’acidification » peut être moins cher de 50 à 80% du prix de revient d’un produit stérilisé à l’autoclave tout en étant généralement supérieur sur le plan de la saveur. Voilà comment des exploitants du secteur agroalimentaire italien, ou autre en Europe, arrivent, à partir des mêmes aliments frais de base qui poussent sur notre sol, avec une main d’œuvre plus chère, à faire des conserves d’un coût inférieur au nôtre et à en vendre beaucoup plus que nous dans les marchés européen et américain.

 Loi et technologies

La loi 28-07, et celles équivalentes d’autres pays, exige de l’exploitant de produire des aliments sains mais ne lui impose pas un procédé à suivre plus qu’un autre. En fait, les technologies sont fixées par la science et il y’en a de très variées. L’industriel sait qu’il doit produire un aliment salubre pour être conforme à la loi et sait aussi que son produit doit être vendu dans une fourchette de prix acceptable pour le consommateur. Pour composer avec ces contraintes, il lui reste à faire le choix judicieux de la technologie la plus appropriée pour le servir. Les gens de la rive nord de la méditerranée ont appris mieux que nous à se débrouiller sur ce terrain là. Si en plus leurs équipementiers ont la possibilité de nous fourguer ça et là des équipements chers (autoclaves par exemple) à tous points de vue pour nous distancer encore davantage sur le plan de la compétitivité, pourquoi hésiteraient-ils à le faire ?

 Exemples de technologies simples et reconnues

 Prenons par exemple le cas d’olives noires arrivées à maturation. Elles sont pour ainsi dire consommables en l’état. Mais non conservées correctement, elles développeront des moisissures et leur consommation peut donner des diarrhées loin d’être agréables. Une astuce utilisée de l’autre côté de la méditerranée consiste à les passer au four (60 °C) pendant quelques heures pour en enlever toute l’humidité. La chaleur d’un côté et l’absence d’eau (nécessaire à la pousse des microbes) de l’autre viennent à bout des germes présent dans les olives fraiches. A présent, si vous enduisez ces olives d’une fine couche d’huile d’olive et vous mettez dans des sachets sous vide, vous avez un produit qui peut être commercialisé sur une durée d’une année voir plus dont le prix de revient est juste légèrement supérieur au prix d’achat de la matière première et qui est succulent à consommer. Dans le même ordre d’idées, certaines de nos régions regorgent de champignons (le bolet par exemple) vendus (séchés) parfois plusieurs centaines d’euros le kilo sur les marchés extérieurs. Contrairement à ce que l’on peut imaginer, sécher n’est pas laisser simplement au soleil, sinon l’aliment se vide d’une bonne partie de ses valeurs nutritives et perd tout intérêt commercial. Un local simplement aménagé, à l’abri du soleil, légèrement venté mais sans excès d’humidité, pouvant servir toute l’année, fera l’affaire comme investissement en plus des ramasseurs de champignons. Est-ce que pour cela, nous avons besoin d’importer le savoir faire de la flopée d’étrangers qui s’activent chez nous dans le domaine et qui font beaucoup d’argent sur le dos de notre fainéantise ! Il y a bien évidemment de nombreux autres exemples à citer de comment valoriser les légumes et fruits par des techniques courantes accessibles également par un clic sur internet. Tout ceci pour dire qu’en utilisant la technologie appropriée pour nos produits frais, que nous bradons actuellement au profit des consommateurs européens et autres pour des clopinettes, nous serions en mesure d’en tirer un bien meilleur profit en en faisant des conserves acidifiées et autres qui peuvent être commercialisées selon les règles de l’art partout dans le monde.

En guise de conclusion, l’ONSSA, qui encourage les traiteurs dans plusieurs villes au Maroc à se mettre en associations, serait bien inspiré d’élargir cette expérience au profit des industriels de l’agroalimentaire. Mieux encore, dire à ces exploitants que pour être compétitifs et vendre davantage de produits transformés industriellement sur le marché globalisé, ils devraient s’orienter vers des technologies simples et innovantes comme évoqué plus haut et arrêter de tout vouloir faire par le biais d’un autoclave car il y a peu de chance qu’ils deviennent compétitifs dans le secteur des conserves végétales par cette approche de travail avant très longtemps.

Légitimité de l’ expertise alimentaire étrangère au Maroc (suite)

Les autorités marocaines ont très vite réalisé que l’implémentation de la loi 28-07 de sécurité sanitaire des produits alimentaires était au delà des possibilités de la plupart des exploitants de la chaine alimentaire nationale et qu’il fallait plutôt prévoir une mise en place progressive dans le temps. Dans ce sens, l’ONSSA a publié la liste des différentes analyses exigibles devant être effectuées par les professionnels et laissé le choix aux opérateurs de les faire dans leurs entreprises s’ils disposent d’un laboratoire intégré ou bien les sous-traiter à un laboratoire extérieur. Nous avons vu (voir : Légitimité de l’expertise alimentaire étrangère au Maroc / Première partie) comment les cabinets conseils étrangers, directement ou via des prête-noms, se sont rendus maîtres du secteur des services aux entreprises agroalimentaires du Maroc. Dans la mesure où le blackout est la norme pour ce qui est du mode opératoire parfois trouble de ces prestataires installés à demeure chez nous, le présent  article est pour faire sortir de l’ombre quelques unes de leurs pratiques qui se rapportent aux analyses de laboratoire et l’implication de ce qui s’apparente à un scandale sur le développement de l’activité des laboratoires d’analyses de produits alimentaires dans notre pays et la crédibilité de l’expertise nationale en général dans ce domaine.

Le leitmotiv des prestataires étrangers

 Ces prestataires ont effectivement un leitmotiv qui a l’adhésion de pratiquement tous ceux qui sont concernés par le sujet, à savoir : investir un minimum et tirer rapidement le profit vers le haut par tout moyen possible. S’agissant de la légèreté de l’investissement, ils ont généralement un bureau avec une secrétaire, quelques employés subalternes et un responsable de circonstance trié sur le volet pour soigner la façade. Ces bureaux, profitant probablement d’un vide juridique en la matière, proposent aux entreprises du secteur agroindustriel national d’effectuer les analyses de laboratoire de leurs produits pour, disent-ils, faciliter leurs opérations d’export. Ils doivent certainement bénéficier d’une logistique de facilitation de la part d’organismes officiels de leurs pays détachés au Maroc, comme les chambres de commerce et les consulats, pour toucher plus aisément des exploitants susceptibles de répondre à leurs sollicitations. Quand on sait la vulnérabilité de cette fraction de citoyens marocains à la question des visas et autres services codifiés opportunément par les pays européens, on peut être certain que l’information pour le bénéfice de ces courtiers d’un mode nouveau, qui pullulent chez nous, doit couler de manière très fluide. Une fois en possession des échantillons à analyser, qui leur sont généralement livrés, ces intermédiaires de tout poil les remettent habituellement à l’un des laboratoires de l’Etat marocain sous leur propre identité, si le circuit est bien huilé et la confiance règne ou, sinon, sous l’identité d’un client complaisant ou bien tout simplement factice. Il est possible que des laboratoires privés soient plus ou moins dans les confidences avec ces gens. Ils reproduisent ensuite les résultats reçus sur leur propre papier à entête avant de remettre le certificat au client. Leur argument de vente pour ces prestations repose sur la soi-disant « crédibilité européenne » que les documents qu’ils éditent sont supposés apporter à l’entreprise locale. Ils sont en réalité peu bavards sur leurs procédés de travail et restent opaques sur tout ce qui relève des opérations de prélèvements, de transports et d’interprétations des résultats. Il n’est pas exclu que, pour pérenniser leur commerce sous couvert de fourniture de services d’ordre scientifique et technique, ces courtiers s’arrangent pour donner des résultats « favorables » au client pour « lui rendre service », comme ils disent, et le garder sous leur coupe. Pour justifier leurs honoraires parfois exorbitants, ils prétendent effectuer toutes leurs analyses à l’étranger.

 Rappel de certains faits

 Pour les candidats souhaitant faire carrière dans le travail de laboratoire, la barre est placée très haut. Il s’agit d’un travail complexe et hautement normalisé. Les opérations de prélèvement et/ou transport et/ou conservation et/ou analyses d’échantillons et/ou contre expertises et/ou interprétation des résultats (parfois statistiques) et/ou préparation de bulletins (ou rapports) d’analyses sont parfaitement codifiés de par le monde par des règles techniques et scientifiques dont l’inobservation vide de tout sens les documents fournis sous ce rapport qui deviennent alors de simples bouts de papiers à jeter à la corbeille. Autrement dit, les profils de responsables de laboratoire reviennent chers à produire et ne courent pas les rues même dans les pays d’origine de ces prestataires à la va-vite qui ont l’impertinence de revendiquer des compétences chez nous dont souvent ils en sont dépourvus dans leurs pays d’origines. Ils auraient sinon un vrai travail bien apprécié et bien payé chez eux au lieu de courir l’aventure en quémandant à droite et à gauche des échantillons à contrôler pour des tiers dans des pays dont ils piétinent la réglementation en vigueur. Ensuite, quand on pense au chemin de croix que nos autorités font subir à un diplômé marocain ayant terminé ses études, parfois haut la main dans les meilleures universités du monde, avant de lui permettre d’exercer le métier pour lequel il a durement bossé, on est en droit de nous étonner de la facilité accordée à des tiers de s’installer sur des créneaux hautement sensibles pour l’image de marque du pays, voire sa souveraineté, en aidant, au bout du compte, ces dilettantes du service aux entreprises à affecter négativement la perception que les autres pays africains, qui veulent voir en nous un exemple à suivre, peuvent avoir de la qualité de l’expertise marocaine dans le domaine agroindustriel.

 Exégèse

 Ces interfaces autoproclamées des prestations de sécurité sanitaire des produits alimentaires tiennent à être perçues comme les entités qui effectuent elles-mêmes toutes les opérations depuis les analyses jusqu’à l’émission des bulletins d’analyses et, au-delà, les documents de certification. Cela leur permet bien sûr de justifier leurs factures onéreuses souvent payées en devises. L’absence totale d’information sur le circuit qu’ils font suivre à leurs échantillons et, en particulier, où est ce qu’ils procèdent aux analyses des produits qu’ils reçoivent, ont de quoi inquiéter. Sur le plan purement commercial, on peut éventuellement comprendre que ces gens veuillent être discrets sur des aspects de leurs opérations. Mais, le contrôle qualité est le dernier rempart avant la distribution des produits alimentaires dans les circuits commerciaux. C’est donc un acte sérieux sur lequel repose en grande partie la prévention des dangers sur les consommateurs. Il s’agit de travail de spécialistes qui doit absolument être protégé de ces opportunistes mercantiles. Par suite, la remise par ces courtiers d’un certificat d’analyses qui se rapporte à un échantillon qui leur a été remis par le client même, contrôlé ailleurs que chez eux, avec le but affiché de libérer ensuite dans le commerce un (ou plusieurs) lot(s) de marchandises est une transgression flagrante qui devrait, compte tenu des risques potentiels qu’elle pose sur la santé des consommateurs, être traitée devant tribunal. La décrédibilisation systématique des opérations sur le contrôle qualité de nos produits vient vraisemblablement de ces pratiques diffuses qui doivent être stoppées sans délai. En plus, ces gens donnent le mauvais exemple aux marocains qui souhaitent s’installer sur ce créneau pour servir leur pays. En effet, rendre service à un exploitant c’est lui montrer ses erreurs et comment les corriger mais non lui dire que tout va bien chez lui juste pour des questions pécuniaires.

En guise de conclusion, ceux des étrangers qui désirent s’installer pour servir les entreprises du secteur agroindustriel marocain devraient pouvoir le faire selon les règles en vigueur chez nous et dans le cadre  de réciprocité avec leurs pays d’origine. Ils doivent, en particulier, avoir exercé ce métier chez eux et disposer d’une expérience solide de quelques années. Dans le cas où ils effectuent leurs analyses dans un laboratoire tiers, ils devraient justifier d’un contrat en bonne et due forme avec ce dernier et produire, au besoin, l’original du document d’analyses aux autorités compétentes. Aucune certification venant d’un pays étranger ne devrait être acceptée à moins d’un protocole d’accord dans ce sens du Maroc avec le pays en question.  Les personnes concernées auraient intérêt à parler notre langue au moins pour communiquer avec leurs clients ne maîtrisant pas une langue étrangère. Sans quoi ces gens auront, si ce n’est en cours, une influence exécrable sur le développement de l’expertise que le Maroc aspire à avoir sur le domaine de l’agroalimentaire pour lui-même et pour les pays africains qui comptent sur nous pour recouvrer leur souveraineté sur des secteurs vitaux pour leur indépendance économique.

Légitimité de l’expertise alimentaire étrangère au Maroc

Au lendemain de la deuxième guerre mondiale, le matériel d’analyses physicochimiques était à ce point performant qu’il devenait possible, par spectrométrie de masse,  de déceler la présence d’une molécule donnée parmi plus d’un million de milliards d’autres. Alors, au lieu de chercher à pousser plus loin encore la performance de l’analyse de laboratoire, il semblait plus pertinent d’essayer de comprendre, en somme, la raison et/ou la signification de la présence de molécules données parmi d’autres et leurs rôles pour faire dans la prévention. C’est en adoptant une telle approche de travail que les américains ont mis au point le nouvel étalon de mesure de la qualité de travail dans l’agroalimentaire désigné ensuite « Hazard Analysis and Critical Control Points » (HACCP). Il lui a été vite trouvé une appellation française « Analyse des Dangers et Maîtrise des Points Critiques ». Mais l’expression n’a pas trouvé preneur et les choses auraient pu en rester là. Le HACCP aurait alors continué sa trajectoire, pilotée depuis les Etats Unis, et gagner, au-delà de l’Europe, l’adhésion des pays africains qui l’auraient adopté comme étalon de mesure pour leur commerce à l’international comme leurs collègues d’Asie et d’Amérique du sud. Mais, s’agissant d’un outil de travail anglo-saxon, il aurait fait apparaitre les européens, particulièrement ceux parmi eux qui comptent sur leur secteur agroalimentaire pour doper leur balance commerciale,  comme de simples colporteurs et cela était définitivement inacceptable pour l’Europe agricole.

HACCP vs ISO 22000

Une lourde armada pour dénigrer le HACCP a ensuite été réveillée dans l’Europe de prestige pour venir à bout de cet « intrus » dont le but, réel ou supposé, était de faire dévier le commerce des produits agroalimentaires des pays africains de leur cours « normal » et de priver certains pays européens de leurs statuts de souverains sur le continent. D’abord, un brouillage savamment orchestré s’est répandu pour propager l’idée que le  HACCP  ne présentait pas les « caractéristiques » d’une norme et, par conséquent, ne pouvait se prêter à une mise en application par les professionnels du secteur agroalimentaire. En parallèle, un effort teigneux et musclé de déconsidération du HACCP aboutira au lancement de l’ISO 22000 avec la bénédiction de l’organisme éponyme. Cette fois, les besogneux ont bruyamment crié victoire en assenant qu’ils tenaient enfin leur norme européenne. Dans les faits, ils ont repris le HACCP et l’ont affublé d’une carapace administrative cossue pour réduire sa taille apparente et mettre «  mieux en valeur » l’importance du travail d’obédience administratif et littéraire qui l’entoure. Il a ensuite été décrété que dorénavant c’est l’ISO 22000 qui était la « norme » à prendre en considération pour commercer avec l’Union Européenne. Les illusionnistes derrière cette entourloupe ont fait d’une pierre trois coups : D’abord ils ont donné l’impression qu’ils innovent, particulièrement devant nous autres africains qu’ils n’ont jamais voulu voir sinon comme de bonnes poires. Dans les faits, il n’y a pas un point utile de l’ISO 22000 qui n’ait pas été prévu déjà dans le HACCP. Ensuite, ils se sont donné une raison ad hoc pour resserrer les vis sur le opérateurs africains concernés en intimant aux différents pays l’ordre de se référer exclusivement au référentiel ISO 22000 sous peine de voir le marché de l’Union européenne être bloqué à l’entrée de leurs produits en signe de rétorsion. Il faut rappeler qu’une partie importante des matières premières africaines du secteur en question pénètre l’Europe continentale par les portes françaises. En troisième lieu, ils ont mis à leur propre disposition un moyen supplémentaire pour plumer encore un peu plus les pays africains en concoctant rapidement des myriades de sociétés conseils pour puiser davantage dans les poches des entreprises sous couvert de l’assistance pour mettre en place le référentiel ISO 22000 devenu incontournable. Cerise sur le gâteau, les américains, mis sur la touche, ne pouvaient que constater comment leurs collègues d’outre-Atlantique, français et autres, festoyaient sur le dos de leur « rejeton, le HACCP » ficelé européennement par un tour de passe-passe qui restera dans l’histoire et sans un kopeck pour eux.

La Réglementation marocaine à l’épreuve

Pour un ogre, qui digère en apparence le HACCP pour le faire sien sous l’appellation complaisante ISO 22000, la loi marocaine « 28-07 » de sécurité sanitaire des aliments prend l’allure d’une bouchée. Il y a lieu de préciser que les américains ont mis quatre décennies à imaginer, mettre au point et peaufiner le HACCP en tant qu’instrument innovant pour mieux gérer les dangers d’origine sanitaire dans le secteur agroalimentaire. Réaliser alors qu’il a été « ingénieusement » kidnappé pour servir sous la bannière ISO 22000 les intérêts européens en Afrique peut effectivement choquer. Au Maroc, il n’y a qu’à voir la confusion dans laquelle se trouvent les exploitants de la chaine alimentaire nationale. La première question qu’ils posent à un prestataire de service, surtout s’il s’agit d’un laboratoire marocain, est s’il est accrédité (certifié) ou non. Le client ne semble même pas intéressé de savoir si le laboratoire est dûment autorisé par les pouvoirs publics marocains. De plus, la certification et/ou l’accréditation s’entend par l’une ou l’autre de la ribambelle de sociétés, creuses pour bon nombre d’entre elles, fondées et/ou dirigées parfois par d’anciens oisifs européens dans leurs pays d’origines, qui ont trouvé là matière à faire de l’argent facilement sur le dos de sociétés marocaines et africaines innocentes. Si ce n’est pas une décrédibilisation de la réglementation marocaine, piétinée à loisir autant que la crédibilité de l’ONSSA, ça lui ressemble comme deux gouttes d’eau. En face de ces professionnels du brouillage, que faisons nous : rien ! Nous leur avons cédé le terrain par forfait. C’est la conclusion qu’on est en droit de tirer quand on réalise à quel point l’ONSSA apparait laxiste et mou sur ces questions. L’organisme de tutelle devrait taper fermement sur la table et faire comprendre que sur sol marocain, c’est la loi votée par le parlement de ce pays qui est en vigueur et ceux qui voient les choses autrement n’ont qu’à aller les appliquer ailleurs et chez eux  de préférence. Les exploitants nationaux doivent également comprendre qu’ils sont requis d’appliquer la loi marocaine point barre ! Le cas échéant, la loi 28-07 prévoit ce qu’il y a lieu de faire dans des circonstances d’exception. S’agissant de l’export, c’est à l’EACCE qu’ils doivent remettre des compléments d’information à sa demande si nécessaire. D’un autre côté, les gens qui se cachent derrière la soi-disant satisfaction à d’autres référentiels en lieu et place de la réglementation nationale, ou ceux qui les poussent à ce comportement, doivent être rappelés à l’ordre ou bien mis en demeure d’aller faire leur propagande ailleurs sous d’autres cieux. Car enfin, le rôle de l’ONSSA ne se limite pas, comme une propagande alimentée on ne sait d’où voudrait le faire croire lors de leurs passages ici et là dans des souks et/ou des épiceries de quartier, à traquer les petits délinquants occasionnels. C’est tout un secteur clé de l’activité industrielle nationale qui attend sur leurs initiatives pour se hisser au dessus de la moyenne des standards internationaux de l’industrie agroalimentaire. Cela passe d’abord et avant tout par l’application de ce que le législateur  a défini pour eux comme mission, à savoir le contrôle et l’arbitrage relevant des opérations sur la chaine alimentaire et les exploitants qui les conduisent. Leur mandat n’inclut en aucune façon d’effectuer eux-mêmes des opérations de certification et/ou d’accréditation au profit de qui que ce soit sous peine de donner du grain à moudre à ceux qui s’entêtent à nier au Maroc la souveraineté sur son expertise. L’Etat est un et indivisible et ce qui s’applique à l’ONSSA sous tutelle du Ministère de l’Agriculture et de la Pêche Maritime doit s’appliquer dans les mêmes termes aux organismes relevant du Ministère de l’Industrie, du Commerce, de l’Investissement et de l’Economie Numérique. Enfin, les responsables de l’ONSSA doivent se réveiller et prendre conscience que leur crédibilité est quotidiennement sapée par « les soldats du brouillage » évoqués plus haut dont la raison d’être est de maintenir le commerce agroalimentaire national sous séquestre au profit de leurs donneurs d’ordre. Ces gens déconsidèrent notre réglementation comme sans valeur pour eux, ne jurent que par leurs normes faites sur mesure pour favoriser le commerce des produits de leurs pays. Bien pire, l’application de ces normes barrent le passage aux produits d’autres nations avec qui le Maroc peut être intéressé de commercer.

 

En guise de conclusion, il ne sert à rien de chercher des décorations à l’étranger pour justifier de son travail pour le Royaume. Si de telles décorations incitent à faire passer les intérêts d’un Etat tiers avant ceux de son propre pays, alors le jeu ne vaut pas la chandelle.