Le commerce africain post-OMC

Dans les années soixante-dix du siècle passé, alors étudiant à Lausanne, il m’arrivait d’écouter une émission hebdomadaire phare en ce temps-là de la radio-suisse romande qui s’intitulait « Fête comme chez-vous » que présentait l’animateur vedette, feu Michel Dénériaz. A l’occasion de l’une de ces émissions, il avait entonné, avec les participants, la chansonnette « Vive nous » que les romands chérissaient. Il y avait  de quoi. En plus d’être alors le pays le plus riche du monde (par tête d’habitant), la Suisse a la particularité de vivre dans l’opulence, le calme et  la sérénité.

Sur notre continent, même s’il y a reconnaissance que l’Afrique est potentiellement très riche, les populations qui y vivent ont été dans l’ensemble appauvries. De nombreuses raisons permettent d’expliquer cette anomalie, qui relèvent de notre colonisation passée, dont certaines qui ont trait au pillage systématique de nos ressources agricoles et agroalimentaires sont abordées çà et là dans ce blog.  Ce qui compte pour nous à présent c’est de se dire que l’on peut sortir de ce ghetto si on a la volonté de le faire.

Il est utile de rappeler, sous ce registre, qu’au lendemain de la dernière grande guerre, l’Allemagne était un pays complètement délabré et l’ensemble de sa population plongée dans une misère noire. Les allemands devaient, en même temps, trouver moyen de survivre dans une Allemagne ravagée, nettoyer le pays des millions de bombes, parfois encore actives, larguées pendant le conflit par les alliés partout dans les villes et les campagnes et commencer à reconstruire le pays. Assistés par les américains, les autorités allemandes ont fait appel à la population pour qu’elle apporte son aide à ce chantier titanesque. Les gens, qui n’avaient pour bon nombre d’entre eux plus de papier d’identité et/ou de légitimation devaient simplement indiquer leurs noms et prénoms et préciser leur type d’activité et/ou leur savoir-faire. Sur cette base, et sur rien d’autre, de l’argent, car il en fallait, leur était remis pour leur permettre d’effectuer les tâches qui leur étaient allouées. Les américains, qui apportaient l’essentiel de cet argent par le biais du Plan Marshall, n’exigeaient aucune garantie réelle pour l’avance de cet argent et les responsables allemands faisaient confiance à leurs citoyens pour le bon usage de cette manne. On sait ce que l’Allemagne est redevenue ensuite.

D’autres pays se sont également retrouvés momentanément piégés dans la misère et en sont sortis en faisant confiance à la loyauté et au génie de leurs citoyens. Cela a notamment été le cas du Japon et de la Corée du Sud.

La colonisation, aussi dévastatrice sinon davantage que la guerre même, a laissé, dans le cas du Maroc, un pays choqué, épuisé avec des caisses vides. Par suite, depuis son indépendance de la France coloniale, le Maroc donnait, pour des considérations qui dépassent les intérêts de ce blog, largement l’impression de faire du sur-place. Par exemple, il y a une trentaine d’années, notre pays n’avait pas à un certain moment de quoi payer en devises un chargement de céréales et le bateau a dû repartir de Casablanca sans décharger sa cargaison ! Mais, depuis une vingtaine d’années, le Maroc a entrepris de reprendre son destin et son libre arbitre en main. Le résultat ne s’est pas fait attendre. Aujourd’hui, il suffit qu’un organisme institutionnel marocain exprime sur le marché international un besoin de financement pour recevoir plusieurs fois le montant voulu et sans garantie de l’Etat.

Il y a au Maroc consensus national à ce que cette reprise en main du pays a commencé en redonnant confiance aux marocains en eux-mêmes et ce qu’ils peuvent accomplir à travers, par exemple, le lancement de l’Initiative Nationale pour le Développement humain, ou INDH (http://www.indh.ma/) par Sa Majesté le Roi Mohammed VI dans les années deux-mille. Un grand nombre de jeunes et moins jeunes ont reçu de l’argent, plus ou moins, pour s’employer à des tâches qui leur ont permis de regagner confiance dans le travail rémunérateur. L’argent leur a été remis sur une base de confiance dans leur savoir-faire sans autre exigence de garantie de quelque nature que ce soit. Or, la garantie matérielle a toujours été un préalable pour accéder à un prêt bancaire quel qu’en était le montant. En réalité, cette exigence de garantie matérielle systématique pour accéder à un crédit bancaire est à l’origine d’une grande partie de nos maux en Afrique et a contribué grandement à nous maintenir dans le statut de sous-développés. Et cette contrainte porte l’empreinte des bailleurs de fonds principalement européens pour maintenir un statu quo qui profite au sein de l’élite marocaine à une petite minorité active qui a à cœur de nous maintenir dans le statut de colonisés économiques.

Après la pleine réussite de cette première initiative au profit des plus démunis, Sa Majesté le Roi Mohammed VI a donné ses instructions, dans son discours à l’ouverture de la session parlementaire d’Octobre passé, pour le renouvellement de cette approche mais en plus grand et avec plus de moyens pour consolider le développement économique du pays. Déjà, les jeunes qui ont des projets peuvent à présent bénéficier de prêts sans conditions préalables de garantie réelle ou de garantie personnelle et partout au Maroc.

Pour apprécier la valeur de ces initiatives, il y a lieu de rappeler que, s’agissant du secteur agroalimentaire africain, il est largement subordonné, directement ou commercialement, à des donneurs d’ordre européens. Par ailleurs, selon nos connaissances, l’UE avait pris ses précautions et pousser le Maroc à s’engager pour réserver aux européens les mêmes avantages commerciaux qu’il serait amené à offrir à un autre acteur commercial. Somme toute, les européens ont pensé à tout pour rester le maître d’œuvre de nos projets agricoles et agroalimentaires jusqu’à la fin des temps. Avec les initiatives royales susmentionnées, dont bénéficieront les marocains (africains) d’abord, le Royaume se libère de manière élégante de cette obligation de faire pareil pour les européens. En somme, nous reprenons notre souveraineté sur nos richesses agricoles et sur leur transformation ainsi que notre libre arbitre pour les exporter là où nous le souhaitons et d’abord en Afrique.

Mais l’export est tributaire à présent de l’adhésion à des normes de référence qui ont la confiance des consommateurs. Avec le blocage de l’OMC, pour avoir été lourdement décrédibilisée (voir sous http://alkhabir.org/fr/renaissance-commerciale-africaine/), l’Europe continentale perd un argument de poids qui lui permettait de brandir la menace de recourir à cet organisme contre un pays africain qui ne respecterait pas à la lettre les normes UE. Ensuite, il y a le fait que le marché UE s’essouffle et, de l’avis de certains exportateurs, ce marché est de plus en plus spéculateur et de moins en moins rémunérateur. Il y a donc besoin, pour nos opérateurs africains, de voir, tout en gardant nos débouchés européens, pour conquérir d’autres marchés plus rémunérateurs qui se trouvent en Amérique et en Asie. Or ces pays appliquent depuis toujours les normes FDA. Ces normes dérivent à présent de la nouvelle loi américaine de sécurité sanitaire des aliments dite Food Safety Modernization Act ou FSMA. La loi en question est présentée de manière didactique dans le manuel : https://www.ifsh.iit.edu/sites/ifsh/files/departments/fspca/pdfs/FSPCA_PC_Human_Food_Course_Participant_Manual_V1.2_Watermark.pdf

En diversifiant notre export, nous aurons plus de chance de profiter de toutes les ressources potentielles africaines dont nous disposons. Et qui sait, peut-être que nous pourrions à un moment dans l’avenir entonner à notre tour la chansonnette : « Vive nous  les africains ».

Nous souhaitons bonne chance à tous nos opérateurs des secteurs agroalimentaires africains.

La Renaissance commerciale africaine

Dans les échanges commerciaux actuels avec le reste du monde, notre Continent a pris le train en marche. Ou, plutôt, on l’a poussé à le prendre en application de règles faites en dehors de sa volonté ou de ses intérêts, mais auxquelles l’Afrique n’avait d’autre choix que de s’y soumettre.

Ces règles, dont les fondements ont été posés par les USA au lendemain de la dernière grande guerre, ont été conçues pour gérer principalement les litiges d’ordre commercial dressant un Etat souverain contre un autre. En ces temps-là, l’Amérique avait une longue et confortable avance sur tous les autres pays dans pratiquement tous les domaines et ne se préoccupait guère de la concurrence éventuelle d’un pays tiers. Après le GATT (Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce), l’OMC (Organisation Mondiale du Commerce), toujours à Genève, est l’organisme chargé de veiller au respect des règles en question.

Pour faire simple, un Etat qui se sent lésé par les pratiques commerciales d’un autre Etat soumet, à l’instar de ce qui se fait devant les tribunaux, ses doléances à l’OMC et attend sur l’avis de cette juridiction internationale pour la suite. Lorsque, dans son avis motivé, l’OMC donne raison aux arguments de l’Etat plaignant, il préconise en même temps des mesures commerciales de compensation pour le dommage subi.

Dans l’attente du verdict, le pays lésé peut bien sûr continuer à commercer avec d’autres partenaires sur d’autres marchés plus acceptables à son goût.

Sous ce rapport, si l’un ou l’autre des pays de l’OCDE (Organisation de Coopération et de Développement Economique), ou bien d’autres pays comme la Chine, ont soumis des doléances devant l’OMC par le passé, les pays africains n’ont pas été enclins à faire appel aux consultations de cet organisme. En effet, le recours au service de l’OMC n’est pas simple et peut être très onéreux pour nos pays désargentés. Il y a lieu de préparer un dossier solidement documenté et argumenté, c’est-à-dire fait par des experts initiés, que l’on trouve habituellement dans les pays occidentaux, qui reviennent très chers.

Par ailleurs, si l’on considère certains cas répertoriés, ces experts ne présentent pas toujours une garantie de neutralité suffisante dans les dossiers qui leur sont confiés. Ceci surtout s’il s’agit de la mise en cause de leur propre pays. Ensuite,  il y a le délai que prend l’OMC pour rendre son verdict en première instance qui se compte en années. De plus, avant que la décision de l’OMC ne soit exécutoire, elle est susceptible d’être contestée devant l’organe d’appel (voir plus bas) et, de nouveau, l’arrêt peut prendre à son tour de nombreuses années. Pour toutes ces considérations, peu de pays à faibles moyens comme les nôtres en Afrique pouvaient se permettre les services de l’OMC.

Dans la pratique, nos pays exportateurs de produits du secteur agroalimentaire avaient pris l’habitude de réorienter, en cas d’échec d’une première exportation, le produit vers un autre pays plus conciliant. Ainsi, il y a une trentaine d’années et plus, il était arrivé, par exemple, que des conserves de sardines marocaines, dont le taux d’histamine avait été jugé hors standard par l’Allemagne, fussent acceptées en France ou en Italie.

Mais, dans les années quatre-vingt-dix, les pays européens, dont les réglementations locales (de chacun des  pays) restaient différentes les unes des autres comme elles l’ont toujours été, ont accéléré la mise en place de nouveaux « standards sanitaires harmonisés », applicables à leurs postes frontières extérieurs. En somme, une harmonisation décidée dans le but de verrouiller le marché communautaire et mieux peser sur les négociations commerciales conduites séparément avec, en particulier, chacun de nos pays africains démunis.

A partir de ce moment-là, les exportations de produits du secteur agroalimentaire de nos pays africains ont commencé à souffrir sérieusement parce que le refus d’un produit par un pays de l’UE fermait la porte de l’ensemble du marché unique. L’UE a trouvé dans cet arsenal de normes privées, faites sur mesure pour administrer l’accès à leur marché commun, un nouveau moyen de coercition formidable pour exploiter de façon illégitime les Matières Premières alimentaires africaines à leur profit presque exclusif tout en exerçant une pression baissière sur les prix. Ce stratagème a bien fonctionné dans le cas de pays africains au point que, apparemment, l’UE s’est senti l’empressement de le tester ailleurs dans leurs négociations dans d’autres Forums.

Pour donner plus de poids à cette entourloupette inédite d’instrumentalisation du  marché communautaire à des fins de négociations commerciales, l’UE a complété son attirail en se drapant de certains attributs qui relèvent d’un pays souverain tels que drapeau, hymne, ambassades etc. Le but supposément recherché par l’UE, qui absorbe la très grande majorité des exportations du secteur agroalimentaire africain, était de peser plus lourdement, entre autres, sur les négociations de toutes sortes avec nos pays africains, pris séparément, pour les prix des produits échangés et pour les préférences commerciales. Non seulement le Bloc européen pouvait, à travers la Commission de Bruxelles, recourir contre un pays récalcitrant en usant d’instruments pour restreindre son commerce avec l’UE, mais il lui est devenu possible d’user, le cas échéant, d’autres moyens  de sanction relevant du domaine diplomatique.

Pour dire les choses de manière profane, l’UE a, en quelque sorte, déformé astucieusement l’utilisation prédéfinie des règles du commerce de l’OMC. Alors que ces règles devaient servir pour traiter des litiges entre deux Pays en désaccord, sur la base de normes Codex, l’UE s’est, de son propre chef, approprié le droit d’en faire usage dans ses négociations sur la base de standards privés dans des rapports de 28 Etats européens, plus l’UE considéré sous ce rapport comme un Etat distinct, contre des pays africains pris individuellement l’un après l’autre. Difficile dans ces conditions de ne pas avoir gain de cause à chaque fois, surtout si de telles tractations sont couplées à des menaces de sanctions d’ordre commercial et/ou diplomatique.

Le recours à l’instrumentalisation, hors Codex, des standards UE pour influer sur les négociations a toutefois montré ses limites quand le Bloc européen s’en est servi dans le cadre des discussions dans les Forums du Cycle de Doha. L’Inde a été parmi les premiers pays à dénoncer les manœuvres du Bloc européen. Mais cette pratique UE, qui perdure, aura duré suffisamment longtemps pour ne laisser aucun doute aux yeux des responsables américains que le but pour lequel l’OMC a été mis en place à l’origine a été complètement dévoyé par l’UE pour servir ses intérêts commerciaux exclusifs au vu et au su de tous. Alors, agissant selon l’adage « Au sommet de l’effort, il y a l’action », les USA ont mis leur véto au renouvellement des juges de l’organe d’appel de l’OMC rendant de facto cet organisme inopérant depuis le 11 Décembre passé.

Bien évidemment, les échanges relevant du domaine commercial international, comme c’est le cas pour d’autres domaines, auront toujours besoin de règles. L’OMC devra donc être repensée à la lumière des transformations apparues dans le monde depuis la dernière grande guerre. Dans ce cadre, il y a le fait que l’Afrique est consciente, en particulier, de son fort potentiel sur le plan agroalimentaire et voudrait légitimement en profiter comme de juste. Les responsables de la Zleca (Zone de libre-échange continentale africaine), en cours de mise en place, devront donc naturellement avoir leur mot à dire dans l’élaboration et la mise en œuvre des nouvelles règles de gestion du commerce international qui seront dévolues à l’OMC dans sa version à venir.

La renaissance du commerce africain à l’international est à ce prix.

L’Afrique du post-Brexit

L’accord que le Maroc a signé ces derniers jours avec la Grande Bretagne (synonyme d’Angleterre pour cet article), qui entrera en vigueur au lendemain de la consommation, en cours, du divorce (Brexit) entre la Grande Bretagne (GB) et l’UE, a pour but « de restituer dans le contexte des relations bilatérales entre le Maroc et le Royaume-Uni, l’ensemble des avantages qu’ils s’accordaient mutuellement dans le cadre de l’accord d’association Maroc-UE ». Il s’ensuit que, d’une volonté commune, les conditions de l’accord d’association (libre-échange) entre le Maroc et l’UE seraient transposées dans le nouveau cadre des  relations Marocco-Britanniques. Ceci comprend bien évidemment les échanges relevant du secteur agroalimentaire, sujet d’intérêt pour ce blog. Si la question des « Quotas » des produits agricoles (auxquels le Maroc peut être soumis), qui visent pour l’essentiel à protéger les intérêts des pays euro-méditerranéens au sein du marché UE, ne devrait pas jouer un rôle significatif dans le flux des échanges Marocco-Britannique qui se profilent, il en sera autrement de la question des normes, ou barrières non tarifaires. En effet, les britanniques seront amenés à recouvrer toute leur latitude sur l’application de leurs propres standards (en stand-by en attente du divorce en question) de Sécurité Sanitaire des Aliments que la Food Standards Agency (FSA) ne manquera pas d’appliquer aux postes frontières britanniques dès l’entrée en vigueur de l’accord signé entre le Maroc et la GB, évoqué plus haut. La GB étant un importateur net de produits agroalimentaires, les produits frais en particulier, nos exportateurs doivent donc se préparer à cette échéance relativement proche pour profiter convenablement des opportunités de ce marché aussi rémunérateur que celui des USA. Sur ce chapitre, l’approche de travail de la FSA, pour protéger la santé du consommateur britannique et veiller à l’application de la réglementation en vigueur, est plus proche du rôle de la FDA pour le marché US que de l’European Food Safety Agency (EFSA) pour le marché commun. Alors que les agences américaine et britannique ont un pouvoir réel d’intervenir chacune sur son marché cible pour l’assainir au profit du consommateur et le respect de la loi, l’EFSA a simplement un rôle de conseil auprès de la Commission de Bruxelles. L’assainissement de chacun des marchés des pays appartenant à l’UE relève strictement des lois gouvernementales de chaque pays membre. De nombreux rapports étatiques de pays membres de l’UE, ou bien de Bruxelles même, montrent que l’application de la loi sur la Sécurité Sanitaire des Aliments peut différer notablement d’un pays de l’UE à un autre. En ce qui nous concerne au Maroc, cela s’est traduit par le fait que la grande majorité de nos exportateurs de produits alimentaires sur le marché UE ont pris l’habitude d’effectuer leurs opérations selon les normes françaises. Dans ce cadre, l’observation montre qu’il n’est pas rare qu’un Bulletin d’Analyses de laboratoire, renseigné sur la base d’analyses effectuées sur le prélèvement de quelques échantillons, suffise, aux yeux de notre Etablissement Autonome de Coordination et de Contrôle des Exportations (EACCE), appelé également « Morocco foodex », pour autoriser l’export de l’ensemble du lot fabriqué sur le marché UE. Mais, cela ne sera très probablement plus suffisant pour l’export sur le marché britannique individualisé. En effet,  la FSA et la FDA reconnaissent la supériorité du HACCP (Hasard Analysis and Critical Control Points), éventuellement supplémenté par des analyses de laboratoire, en tant qu’étalon de mesure de la qualité d’un produit alimentaire. Or, la confirmation de l’application du système HACCP par une Unité de production alimentaire nécessite la certification par une Autorité compétente. En conséquence, les entreprises, marocaines en particulier et africaines en général, intéressées par l’export sur le marché britannique qui s’offre bientôt à nous, feraient mieux d’intégrer dès à présent cette dimension incontournable de la certification de leurs « Processes » pour y accéder selon les règles de l’art.

Ensuite, l’adoption du travail selon la démarché HACCP améliorera, au-delà du marché britannique, les chances des entreprises de notre secteur agroalimentaire à percer sur le marché US qui présente des opportunités uniques pour nos exportateurs de produits agroalimentaires, particulièrement les produits frais. Sous ce rapport, la FSMA (Food Safety Modernization Act) a mis en place pour la première fois des règles modelées scientifiquement pour le commerce (l’export pour ce qui nous concerne)  de fruits et légumes frais (non transformés) sur le marché US. S’agissant des produits issus d’une ferme, et travaillés au sein de la ferme même, les règles à respecter sont très souples et n’engagent pas de frais supplémentaires pour le management de la ferme. La même situation s’applique aux produits d’une coopérative, ou un ensemble de coopératives travaillant en collaboration. Ces règles sanitaires se durcissent dès que des acheteurs domiciliés ailleurs se mettent entre la ferme, ou coopérative(s), et le marché US. Dans ce cas, le travail à accomplir par ces gens pour se mettre en accord avec la FSMA, et les frais générés pour ce processus, augmentent considérablement. Pour dire les choses simplement, il est fini le temps  où des intermédiaires, européens en particulier, nous achetaient des produits (olives, câpres, piment séché et autres) à des prix dérisoires pour les revendre sur le marché américain avec des marges mirobolantes en jouant principalement sur l’étiquetage. Par ailleurs, l’adoption par nos entreprises de la démarche HACCP les familiarisera davantage avec le raisonnement en termes de risque que peut poser le procédé de fabrication d’un produit donné dans un environnement donné. Cet effort salutaire constituera alors un préambule précieux pour aller vers l’adoption du HARPC (Hazard Analysis Risk-Based Preventive Control). Ce nouveau système, qui représente la pierre angulaire de la nouvelle réglementation américaine FSMA, est construit sur le mode du HACCP mais s’applique, au-delà des points critiques spécifiques au HACCP, à toute étape ou opération (indiquée dans l’analyse des dangers) de l’ensemble du système de fabrication dans son environnement, comprenant les cGMP (Current Good Manufacturing Practices). En quelque sorte, c’est un HACCP d’application plus large.

Sur un autre plan, si la FDA, comme la FSA d’ailleurs, se réserve la surveillance de la loi en vigueur et la protection du consommateur, l’Agence fédérale américaine met la responsabilité pleine et entière de la production d’aliments conformes à la FSMA sur les épaules des opérateurs américains. S’agissant des produits importés, c’est à l’importateur américain que la loi confie la tâche de veiller par tout moyen approprié, décrit dans la loi, sur la conformité du produit importé aux exigences de la FSMA. Le bon côté de cette réglementation est que, une fois leurs produits enregistrés sur le portail dédié de la FDA, nos exportateurs  n’ont plus à se soucier de l’administration américaine mais de traiter seulement avec leur partenaire commercial américain. Dans cette perspective, l’importateur américain et l’exportateur marocain (africain) sont tous deux intéressés à ce que leurs opérations réussissent pour apporter du profit à chacun. Moins de souci administratif fait gagner du temps, de l’argent et le repos de l’esprit. Nous souhaitons donc bonne chance à nos exportateurs africains avec la FSMA.

Indiscrétions du Brexit

Le projet d’accord du Brexit négocié jusqu’à fin 2018 par l’Ex-Première Ministre britannique Theresa May avec la Commission UE incluait, après la formalisation du « divorce » des deux parties, une  étape transitoire avec un « Backstop », ou « filet de sécurité » — Sorte de dispositif qui vise à éviter l’instauration, entre l’UE et la Grande Bretagne (GB), d’une frontière inter-irlandaise, entre la République d’Irlande (état souverain intégré à l’UE)  et l’Irlande du nord (partie intégrante du Royaume Uni) — Mais, conséquence de cet arrangement, la Grande Bretagne devait rester dans le giron douanier UE, le temps pour les « deux divorcées » de définir une solution durable qui garantisse l’intégrité du marché unique (exigence de la Commission UE) tout en maintenant une circulation fluide des marchandises, et des personnes, inter irlandaises (exigence irlando-britannique). Or, tel qu’il est, le projet d’accord susmentionné n’apporte pas de réponse sur la date effective de sortie de la Grande Bretagne du giron douanier UE. Ceci est de nature à paralyser tout effort de la GB de chercher à nouer des relations commerciales pour son propre compte avec d’autres pays hors UE. Considérant que cette contrainte est inacceptable, les parlementaires anglais (britannique est équivalent d’anglais pour cet article) ont refusé le projet présenté par Mme Theresa May, même décliné en différentes versions.

Après Mme May, c’est au tour de Monsieur Boris Johnson, nouveau premier Ministre britannique, de faire  face aux responsables UE pour la suite du règlement de ce dossier de « Divorce » GB/UE. Monsieur Johnson a, en substance, introduit une nouvelle approche, radicalement différente de celle de Mme Theresa May, pour négocier une sortie de cet imbroglio de « divorce » avec la Commission UE. Au lieu de faire des propositions selon la démarche imposée par l’UE à sa prédécesseure, Monsieur Johnson a transféré ce « Stress » sur l’UE en leur faisant comprendre que lui-même n’en fera rien et que, dorénavant, c’est à l’UE de faire le nécessaire (voir plus bas) pour permettre une sortie acceptable des Britanniques du marché unique. Les raisons de ce changement radical de Paradigme de la part des britanniques ne semblent pas évidentes à première vue. Nous pouvons toutefois cogiter sur la base des informations du Brexit accessibles au public pour tenter d’y voir un peu plus clair.

Il y a quarante-six ans, le premier Janvier 1973, la Grande Bretagne a vu sa demande (après d’autres échecs suite principalement à l’opposition du Président de Gaulle) d’intégrer le marché commun (qui allait devenir l’UE) enfin acceptée. La République d’Irlande a, dans le sillon de la GB, fait son entrée au marché unique en même temps. En ces temps-là, un ingénieur anglais était payé un salaire mensuel moyen d’environ trois cent francs suisses (de l’époque), équivalent de ce que touchaient les apprentis stagiaires suisses âgé.e.s de seize à dix-huit ans. Ceci pour dire que l’économie anglaise vivait un passage à vide dramatique et les anglais essayaient coûte que coûte d’accrocher leur wagon à une grosse locomotive pour revitaliser leur économie. Une fois au sein de l’Europe communautaire, les anglais ont retroussé leurs manches et travaillé dur pour retrouver leur esprit industrieux, et des affaires, comparable à celui du « Made in Germany ». Depuis,  l’ascension de la stature britannique n’a pas cessé de se renforcer à ce jour. De plus, les anglais ont toujours été un contributeur net au projet de l’Union, c’est-à-dire qu’ils donnaient plus d’argent direct à l’UE qu’ils n’en recevaient en retour.

Depuis le Référendum de 2016, somme toute en phase avec le dernier discours du Président Trump devant les Nations Unies, indiquant qu’un pays qui a confiance en soi n’a pas besoin de se protéger sous l’ombrelle d’un quelconque Bloc — allusion bien sûr au Bloc UE comme jugée par l’intervention subséquente à la même tribune du Président du Conseil Européen, Monsieur Donald Tusk —,  les anglais veulent illustrer cette confiance retrouvée en eux-mêmes en manifestant leur désir de tracer (de nouveau) leur propre parcours parmi les nations par eux-mêmes et pour eux-mêmes. Mais, la question de savoir pourquoi ce que Theresa May a négocié il y a moins d’une année (Backstop) semble tout d’un coup obsolète pour le nouveau Premier Ministre reste pleine et entière! De plus, Monsieur Johnson donne l’impression à présent de vouloir négocier avec l’UE en position de force !

Sous ce rapport, quoique l’UE (sans les anglais) compte encore 27 pays, le tandem franco-allemand est le duo qui influe le plus sur l’orientation de la politique économique et commerciale de l’UE vis-à-vis  d’autres pays tiers. Les anglais, qui auront séjourné près d’un demi-siècle au sein de l’UE, le savent très bien. De plus, s’agissant de l’Afrique (chasse encore gardée de l’UE) et ses ressources d’ordre agricole, domaine qui intéresse ce Blog, la voix de l’Allemagne existe mais elle est souvent façonnée par celle de la France qui réside à demeure chez nous en Afrique francophone. A titre d’exemple, les instances commerciales et économiques allemandes opérant dans le privé au Maroc (ailleurs en Afrique probablement aussi) sont souvent dirigées par des français qui n’oublient jamais de prendre en considération l’intérêt de la France dans leurs actions. Pour le dire simplement, la France nous fait comprendre, nous autres francophones, qu’elle nous aide pour accéder au marché UE et fait comprendre aux allemands d’abord, et autres membres de l’UE, qu’ils ont meilleur temps de passer par elle pour le bien de leurs affaires en Afrique francophone. Seulement voilà, l’Afrique compte également une bonne moitié de pays anglophones où l’intervention des anglais peut être plus prépondérante que celle des français. Dans cette perspective, une fois sortie du bloc UE, et Boris Johnson ne cesse de répéter qu’il le fera au 31 Octobre prochain, la GB peut se révéler un outil tout aussi pertinent pour réussir ses affaires en Afrique, anglophone tout particulièrement. L’Allemagne, qui a perdu ses anciennes colonies grâce, en particulier, à des méthodes de représailles (après la première grande guerre) diplomatiques de la France, comprend ce dilemme et ne veut pas faire de faux pas cette fois-ci avec un alignement inconditionnel derrière la France au sujet du Brexit. De là, probablement, ses  prises de position nuancées voir quelques fois plus proches de la position anglaise que celle de la France. Il semblerait que les anglais, qui ont bien intégré cette divergence de vues franco-allemande sur le Brexit, aient décidé de profiter de cette brèche au maximum. Ils font comprendre, à leur manière, que le « Stress » du Brexit est davantage du côté de l’UE que du côté britannique. Dans ce cadre, ils sont déjà en prospection en Afrique pour promouvoir, localement chez-nous par exemple, une relation stratégique avec le Royaume du Maroc. En Afrique australe, ils ont entrepris de réactualiser leurs relations longtemps privilégiées avec cette zone de notre Continent, etc.

Sur un autre plan, les produits agricoles nécessaires aux consommateurs britanniques, qui leur viennent à présent principalement de l’UE, pourront dès le premier novembre prochain être suppléés par des exportations à partir du Maroc et autres pays africains, plus fraiches et largement moins chères. L’Allemagne, pour ce qui la concerne, doit vraisemblablement déjà s’être préparée pour nouer une relation forte avec la GB post-Brexit pour continuer les relations privilégiées entre les deux pays. Dans ces conditions, la solution du maintien de l’intégrité du marché unique post Brexit, primordiale selon les propos du négociateur en chef de l’UE sur le Brexit, Monsieur Michel Barnier, restera une épine dans les pieds des décideurs de Bruxelles. C’est, comme nous le comprenons, le sens à donner au « Stress » du Brexit qui se trouve à présent du côté de l’UE. Si on ajoute à cela le peu d’enthousiasme de Boris Johnson à accepter une nouvelle prolongation de séjour de la GB parmi le Bloc UE, il est facile de déduire que ce sera sorte de Bérézina au sein de la Commission UE dès Halloween prochain. Et ce n’est, selon notre opinion, que le prélude à l’autre grande catastrophe qui attend le Bloc avec le démantèlement douloureux prévisible de la zone Euro qui ne manquera pas d’y faire suite.

Nous autres africains aurons, pour la première fois, la possibilité de mettre en concurrence plusieurs marchés pour l’export de nos ressources au premier rang desquels l’USA, la GB et ce qui sera resté du Bloc UE.

La Cour des Comptes accable l’ONSSA

Ces derniers jours, plusieurs médias nationaux ont fait part de la sortie du Rapport-réquisitoire de 2018 de la Cour des Comptes sur le travail de l’ONSSA (Office National de Sécurité Sanitaire des produits Alimentaires). L’extrême défaillance du travail de l’Autorité de tutelle sur notre secteur agro-industriel marocain peut être résumée par la phrase dans le rapport : «la santé du consommateur se voit exposée à des dangers réels», ce qui se passe de commentaire. Ce rapport vient confirmer nos nombreuses observations concordantes illustrées par une multitude de cas détaillés dans plusieurs articles de ce blog dont un exemple piquant est rapporté sous : http://alkhabir.org/fr/lamateurisme-sommet-de-lonssa/. Ceci étant, Monsieur Driss Jettou, un responsable charmant et persuasif doublé d’un grand serviteur de l’Etat marocain, Président de la Cour des Comptes qui signe ce rapport, devrait, selon nous, être le dernier à devoir paraître surpris des éléments à charge contre les responsables de l’ONSSA. D’abord, nombreux sont ceux parmi les fonctionnaires de cet organisme, qui a vu le jour en 2009, qui continuent simplement les pratiques d’un autre âge qu’ils ont apprises alors qu’ils travaillaient sous la précédente appellation de « Direction des Services Techniques et de la Répression des Fraudes », un organe aux méthodes de travail rétrogrades laissé en cadeau par l’ex-colonisateur au Maroc. Ensuite, les verbalisateurs de cette direction en question (Dieu veuille leur pardonner) faisaient beaucoup de zèle pour distinguer entre la qualité des produits pour consommation locale, c’est-à-dire pour nous les marocains (contrôle laxiste), et ceux pour export sur la Métropole, où un contrôle serré devait être effectué (nos archives). Ces pratiques au relent colonial — longtemps assumées par l’EACCE (https://www.eacce.org.ma), qui préfère s’appeler à présent « Morocco Foodex » — abolis dans la nouvelle loi 28-07 de sécurité sanitaire des aliments de 2010 (même rigueur de contrôle pour tous les produits), étaient encore en cours alors que Monsieur Jettou était Ministre du Commerce, de l’Industrie et de l’Artisanat dans le Gouvernement de feu Monsieur Abdellatif Filali au milieu des années quatre-vingt-dix. C’est d’ailleurs en cette qualité que Monsieur Jettou, venu inaugurer à la tête d’une commission gouvernementale l’ouverture du Salon de l’Alimentaire du Maroc (SAM) de  Casablanca en Février 1996, s’était arrêté devant le stand que nous y  tenions sous l’Intitulé « Cabinet d’Expertises Dr. Essadki » à l’occasion de ce premier événement du genre au Maroc.

Lors de cette brève rencontre, Monsieur Jettou nous avait assuré, moi-même, mon Staff et le public présent, que le Gouvernement a comme priorité des priorités de transférer les opérations de Contrôle Qualité des produits alimentaires au secteur Privé. Nous n’avions aucune raison de remettre en cause une telle annonce, faite en public par un Ministre qui passait pour être le plus crédible du Gouvernement marocain du moment. Nous nous en sommes au contraire réjouis en pensant que l’ère de l’impunité avait sonné pour une institution (Répression des Fraudes) qui comptait en son sein un nid foisonnant de fonctionnaires véreux (nos archives). Nous avions même, naïvement, relayé cette information un peu partout parce que véhiculée par une source (le Ministre Jettou) que tout le monde considérait comme sûre à l’époque. Dans les faits, rien n’a changé dans les années qui ont suivi. Et en 2006, dix années plus tard, en l’absence d’une suite aux affirmations du Ministre, et en rapport avec la sortie de mon livre « Les Rouages de la Répression des fraudes » donnant d’innombrables exemples, compilées lors de mes interventions en tant qu’expert assermenté près la Cour d’Appel de Casablanca, de la continuation du travail d’obédience mafieuse de certains responsables en question, j’avais remis (à ses services à la Primature à Rabat) un exemplaire du livre (annoté de ma main spécialement pour lui) à l’attention de Monsieur Jettou, devenu entre-temps Premier Ministre. Mais, contrairement à ma note de félicitation (depuis la Suisse où j’étais en mission de travail de quelques années pour un Cabinet d’Audit américain) pour sa désignation par Sa Majesté le Roi Mohammed VI en tant que Ministre de l’intérieur, à laquelle Monsieur Jettou m’avait répondu cordialement, il n’y a jamais eu de suite ou d’écho après la remise à ses services de mon livre-réquisitoire sus-évoqué.

S’agissant du Rapport-réquisitoire de la Cour des Comptes, présidée par Monsieur Jettou, il semblerait que Monsieur le Président revisite, dans ce travail, des pratiques et comportements des services de l’ONSSA qui sont, en somme, dans la droite ligne de pratiques de leurs prédécesseurs de la Répression des Fraudes, c’est-à-dire  en dehors de la loi en vigueur sur laquelle ces fonctionnaires sont supposés veiller et qu’ils ont toujours foulée aux pieds en connaissance de cause (voir plus bas). Ceci étant, Monsieur Jettou a toujours été perçu comme un responsable sérieux et au-dessus de tout soupçon. Il n’y a donc aucune raison de considérer qu’il nous racontait des bobards en 1996 au sujet de la volonté de l’Etat de transférer (selon les règles) les activités des Contrôles-Qualités au secteur privé. Mais, à ce jour, c’est-à-dire vingt-cinq ans après, cela ne s’est pas fait. La conclusion la plus raisonnable c’est qu’il y a au sein des services de l’Etat marocain des centres de résistance farouchement opposés à ce choix. Ce qui est probable, même si personne n’ose en parler, c’est que ces résistances doivent être extrêmement fortes et assumées par de hauts fonctionnaires influents au sein des Rouages du Gouvernement.

Sous ce rapport, nous citons juste deux exemples de nos archives pour illustrer comment l’ONSSA et/ou le LOARC  (Laboratoire Officiel d’Analyses et de Recherche Chimique), qui a un monopole de fait sur les analyses de laboratoire de produits alimentaires au Maroc, laissent le Tribunal se brûler les doigts pour leur permettre de tirer les marrons du feu à leur profit. En 1996, un importateur d’une boisson alcoolisée a été mis en prison, et y a passé une année et a vu, comme conséquence, ses activités totalement détruites, avant que la Cour d’Appel de Casablanca (avec comme Procureur Général du Roi Moulay Taïeb Cherkaoui et Premier Président Hammou Mestour) ne prenne conscience (à laquelle nous avons modestement contribué) de la supercherie des documents du LOARC — pièce maitresse du dossier d’inculpation — et le libère. Sous ce rapport, le Bulletin d’Analyses en question du LOARC (dans nos archives), en porte-à-faux par rapport à la réalité intrinsèque du produit, était soit erroné soit frauduleux. Mais le directeur du LOARC qui a signé le Bulletin d’Analyses comportant, à supposer que ce soit le cas, une erreur grotesque (facile à repérer), n’a jamais été inquiété d’une manière ou une autre. Aujourd’hui, vingt-cinq ans après le dossier cité, une cargaison de thé en provenance de Chine est toujours en souffrance au port d’Agadir depuis Mars 2018, un an et six mois (voir sous : http://alkhabir.org/fr/lonssa-lignorance-de-loi/) suite à une coalition de procrastination entre l’ONSSA et le LOARC complétée par l’émission par ces gens de documents frelatés, c’est-à-dire portant des ratures et rajouts à la main (nos archives), remis au Tribunal au mépris de l’exigence que personne ne doit remettre au Tribunal des documents susceptibles d’induire la Cour en erreur ! Les responsables de ces organismes devaient savoir (il ne peut en être autrement) qu’ils n’avaient, à l’origine, aucun élément de preuve scientifique ou technique conforme à la loi pour bloquer cette cargaison. Il s’agit purement et simplement d’un abus de pouvoir abject. Ils continuent toutefois d’user et abuser de procédures dilatoires dans le but apparent d’épuiser la patience du Tribunal Administratif d’Agadir qui finirait, ils le supposent probablement, par épouser leur point de vue « officiel » ou de classer le dossier. Contrairement à l’imaginaire perturbé de ces contrôleurs (visés) à la petite semaine, les professionnels étrangers comprennent bien et savent tirer les conséquences de ce type de malversations qui visent à occulter la médiocrité de ces gens dans leur travail et, au bout du compte, les investisseurs et hommes d’affaires sérieux sont rebutés et cherchent un autre pays pour leurs affaires et il ne nous reste que les colporteurs que nous méritons. Il est étrange qu’on ne rencontre ce type d’agissement que chez nous où des responsables sans conscience au travail, au sein de l’ONSSA en particulier, épuisent les efforts et l’argent de l’Etat pour servir des desseins qui n’ont rien à voir avec les buts supérieurs qui leur sont tracés par l’Autorité suprême de l’Etat ou avec la réglementation qui encadre leur travail. Dans la mesure où cette gabegie perdure depuis toujours sans une solution en vue, il y a bien lieu de parler de services de l’Etat agissant impunément dans une zone de non-droit. Comme nous le comprenons aussi, le Rapport-réquisitoire de la Cour des Comptes  contient des éléments qui doivent renforcer cette perception de la médiocrité du travail de l’ONSSA en attente d’une solution à ce Conundrum.

Pourtant, le travail que peut faire l’ONSSA (il y a malgré tout des fonctionnaires honnêtes dans cet organisme) qui soit utile pour notre pays ne manque pas et le Président de la Cour des Comptes est bien placé pour le savoir et le faire entendre. A titre d’exemple, Monsieur Jettou a joué un rôle de premier plan, étant Premier Ministre dans les années deux mille, dans les négociations et la signature de l’accord de libre-échange entre le Royaume du Maroc et les USA en 2006. Il est donc bien placé pour réaliser tout le bénéfice que notre pays peut récolter pour sa population en orientant partie de son export sur ce marché très lucratif et sur lequel nos exportateurs bénéficient de très bons avantages concurrentiels sur nos compétiteurs de la rive nord de la Méditerranée comme l’Espagne et l’Italie (voir sous : http://alkhabir.org/fr/fda-secours-pme-agroalimentaires-africaines/). Bien évidemment, dans cet objectif, un travail préalable doit être fait par l’Etat par le biais de ses organismes dédiés au premier rang desquels il y a justement l’ONSSA pour faire ouvrir les yeux de nos opérateurs sur les opportunités qui nous sont offertes par le marché américain, particulièrement depuis la promulgation de la loi sur  la modernisation de la sécurité alimentaire, ou FSMA (voir sous :http://alkhabir.org/fr/fsma-nouveau-paradigme-controle-preventif/). Mais, peut-être que les responsables actuels de l’ONSSA ne considèrent pas cet accord d’un bon œil auquel cas nous devrions nous demander pour qui roulent ces gens ?

Pour conclure, nous dirions que Monsieur Driss Jettou n’a apparemment pas pu influer sur le projet de transfert du travail de Contrôles Qualités au secteur privé du temps où il officiait au sein de l’Exécutif. Espérons que son présent Rapport-réquisitoire sera entendu comme il se doit pour améliorer les prestations de cet organisme névralgique qu’est l’ONSSA au profit des opérateurs et exportateurs nationaux du secteur agroalimentaire marocain. Et, également, pour montrer la voie à suivre, comme le souhaite Sa Majesté le Roi Mohammed VI, à d’autres pays africains frères et amis.

 

La PAC en route pour l’extrême-onction

L’UE a, en chantiers plus ou moins avancés, des accords de libre-échange avec de nombreux pays dont le Brésil, l’Argentine, le Paraguay et l’Uruguay dans le cadre du Mercosur, avec le Canada et aussi le Japon. Le Bloc a aussi en vue de nouveaux accords avec plusieurs autres pays. L’UE met ce type d’accords qu’elle signe avec des pays tiers sous le Label du Multilatéralisme et considère, sous ce rapport, que les accords bilatéraux que recherche l’Administration américaine sont contraires à l’esprit du Multilatéralisme. Il s’agit là d’un facteur parmi d’autres qui exacerbent les relations déjà tendues entre les  deux grands protagonistes transatlantiques sur le plan commercial, diplomatique et autres (voir plus bas). Il reste que les tractations pour ce type d’échanges avec l’UE sont complexes et laborieuses. L’accord doit en effet recevoir l’avis favorable de chacun des 27 pays du Bloc, ensuite être soumis pour ratification à une quarantaine de parlements locaux avant de finir devant le parlement UE pour validation et signature définitive. La procédure est donc longue et tortueuse, pouvant durer de nombreuses années, et peut à chaque moment être retardée et/ou bloquée par l’un ou l’autre des nombreux groupes activistes d’un pays ou un autre de l’UE. Le blocage peut venir aussi des hautes instances d’un pays suite, par exemple, à des querelles de personnes comme l’a rapporté dernièrement la presse internationale à propos d’un différend entre les Présidents français et brésilien. Toutefois, les plus bruyants des groupes européens de pression sont sans conteste les opérateurs du secteur agricole français qui ne veulent entendre parler d’aucun accord de libre-échange quel qu’il soit qui remettrait en cause les privilèges que ces militants français ont acquis depuis la création du marché unique européen et la mise en œuvre de la PAC (Politique Agricole Commune).

S’agissant de la nourriture, le choix européen d’ultra-protéger leur secteur agricole, pour garantir leur autonomie alimentaire, dérive à l’origine de leurs souvenirs de la dernière grande guerre pendant laquelle de nombreux pays européens ont souffert de la faim. Cependant, les privilèges accordés aujourd’hui aux professionnels du secteur agricole UE peuvent ressembler à une politique de rente en permettant à des éleveurs, parfois avec seulement quelques dizaines de vaches laitières, de vivre comparativement  confortablement, voire de s’offrir des congés payés. Mais l’Allemagne, le premier des contributeurs nets de la PAC qui permet ces largesses, semble être fatiguée de soutenir ces subsides et ne cache plus son agacement à l’égard de telles dépenses qui profitent en premier lieu aux pays latins de l’UE. Il est hautement probable qu’après le « Brexit », et la sortie de l’UE de la Grande Bretagne, autre gros contributeur net de la PAC, les allemands seraient encore plus réticents à l’avenir pour soutenir les versements occasionnés par la PAC. Pour le moment, le lobbying agressif de la France aide à faire durer le système de subventions au secteur agricole UE tel qu’il est. Les français considèrent en effet que la protection du secteur agricole/agroalimentaire UE bénéficie à toute l’Europe y compris l’Allemagne. Pour comprendre cette affirmation, il est utile de rappeler que, considérant les normes mises en place par l’UE Agricole (synonyme de France Agricole), en dehors du Codex et/ou autre réglementation internationale, les produits agricoles et agroalimentaires africains, ou en provenance d’autres pays comparables, peuvent être interdits d’accès au marché UE même s’ils sont conformes au Codex. Et dans ce cas de figure, comme le montrent différents exemples documentés, nos exportateurs concernés deviennent les victimes de spéculateurs européens bien rodés qui leur achètent leurs matières premières agricoles refoulées à des prix dérisoires avant de les acheminer selon des stratagèmes élaborés sur le marché UE et les revendre avec des marges substantielles au profit de tous les pays européens l’Allemagne y compris.

Pour ce qui concerne la querelle « Multilatéralisme VS Bilatéralisme » qui oppose l’UE aux USA, il y a lieu de jeter un éclairage sur ces concepts pour mieux analyser le raisonnement sous forme de sophisme de l’UE. La Commission de l’UE, le « Gouvernement des 27 », négocie effectivement les traités d’accords de libre-échange et les signe. Formellement, il s’agit d’un « acte bilatéral » entre deux entités comme le feraient par exemple les Etats Unis et un autre pays tiers. Mais alors que dans ce dernier cas, la loi fédérale s’applique exactement de la même manière aux produits importés du pays tiers quel que soit le port américain d’entrée ; la réglementation UE, dans le cas du Bloc européen, peut être interprétée et appliquée différemment selon la compréhension que le pays souverain de l’UE (qui comprend le port d’entrée de la marchandise) veut bien lui donner. Les exemples existent qui montrent que cette compréhension peut largement différer d’un pays à un autre de l’UE et se traduire in fine par un manque à gagner sur le plan économique et/ou commercial pour le pays exportateur du produit. Compte tenu que la plupart de nos produits d’Afrique de l’Ouest pénètre le marché UE via la France, il s’ensuit que notre compréhension de la réglementation UE se confond avec celle que la France en fait. Cela n’est toutefois pas le cas pour d’autres pays qui font entrer leurs produits (les mêmes) par différents ports de l’UE. Parmi les pays concernés par ce cas de figure, il y a les USA, par exemple, qui s’est plaint dans le passé des traitements différents de ses produits exportés selon justement le port d’accès au marché UE. Par ailleurs, quoique cela ne soit pas évident de prime abord, le système réglementaire UE d’importation/distribution de nos produits africains, et autres semblables, est tout sauf innocent. Selon des rouages bien conçus (non abordés dans cet article), le système facilite aux officiels européens d’accepter à leur guise les produits qu’ils souhaitent faire accéder au marché unique. Il leur permet dans le même temps de rejeter tous les autres produits selon des canevas qui ne prêtent pas le flanc à la critique. Pour faire simple, le protocole permet, par exemple, de fermer le marché UE « selon les règles de l’art » à tout exportateur africain qui aurait des velléités de recherche d’autres débouchés pour ses produits en dehors de l’UE.

Pour revenir aux tensions US/UE, il y en a qui pensent, dont nous-même, que le schisme transatlantique actuel est trop profond et très sérieux pour être expliqué seulement par un différend d’ordre commercial. Le contentieux serait plus global et remettrait en cause, sur tous les plans, les fondements mêmes des relations internationales telles qu’elles ont été posées après la dernière Grande Guerre. A l’époque, on a vu naître le FMI, la Banque mondial, l’OMC et d’autres organismes internationaux qui organisent les relations de pays à pays sur le plan commercial, économique, diplomatique et autres. Les pays y avaient chacun une place et droit à donner son point de vue et, le cas échéant, sanctionner une décision en lui accordant sa voix au vote. Ce schéma, conçu et validé en ce temps-là par les USA, était relativement simple et consacrait l’omnipuissance des Etats Unis qui avait, compte tenu de ses moyens et capacités, prééminence sur chacun des pays du globe pris individuellement. Après la chute du mur de Berlin, et la réunification allemande, les pays européens ont défendu bec et ongle le projet et obtenu que l’UE ait un statut équivalent à celui d’un Etat souverain avec drapeau, hymne, ambassades et représentations diplomatiques etc. En faisant ainsi, ils ont apparemment pris les USA au dépourvu et, comme conséquence, ils ont chamboulé toutes les règles et pratiques suivies jusqu’alors au niveau des instances de régulation internationale. Par ce tour de passe-passe, la voix de l’UE est devenue plus imposante au niveau de l’OMC, du FMI, du Codex Alimentarius et ailleurs. En quelque sorte, les européens imposent dorénavant aux américains l’obligation de transiger à propos de quoi que ce soit avec l’UE au niveau de chaque organisme régulateur international. Sous ce rapport, lorsque, il y a quelques années, les américains ont, au FMI, adopté une position contrariant celle de l’UE sur la dette grecque, les européens, l’Allemagne au premier rang, ont brandi la menace de mettre sur pied un FMI parallèle. Il semblerait donc que l’Allemagne, qui a perdu la guerre militaire il y a une éternité de cela, soit revenue, drapée cette fois de la couverture opportune de l’UE, dans le but de prendre sa revanche sur le plan économique et commercial. Pour l’Uncle Sam, ce nouveau paradigme germano-franco-européen est simplement au-dessus de tout ce que les américains seraient prêts à tolérer.

Les américains sortiront très probablement vainqueurs de ce bras de fer (multilatéralisme, tarifs et autres) qui les oppose au Bloc UE. Il ne fait plus de doute non plus que l’avenir de la PAC, qui attend sa fin, est derrière elle à présent. En effet, de nombreux pays qui convoitent un accord de libre-échange avec l’UE sont intéressés davantage par la technologie allemande que par les produits fermiers de l’Hexagone. Mais à présent que les américains ont, dans le sillage de la guerre commerciale avec la Chine, mis le turbo pour fragiliser l’économie allemande, la France veut croire à l’opportunité de son leadership sur l’UE. Cette querelle franco-allemande ne fait que commencer mais emportera à coup sûr avec elle ce qui reste du système de la PAC. Ce qui est probable aussi, c’est que les normes UE en vigueur actuellement resteront en place pour l’avenir prévisible et continueront d’impacter négativement l’exportation de nos ressources agroalimentaires africaines vers le marché unique européen. Si l’Afrique, comme elle y a intérêt, veut changer les choses, la Zleca (Zone de Libre-Echange Continentale Africaine) devrait mettre en priorité le chantier de mise en œuvre de normes africaines adossées au Codex Alimentarius le plus rapidement possible.

L’UE Agricole à l’épreuve des accords de libre-échange

La déclaration du Président Trump de Vendredi passé, mentionnant la supériorité des vins californiens sur les vins français, fera certainement date. Jusqu’à présent, les américains se sont contentés de défendre leurs produits agroalimentaires, dont le vin fait partie, face aux coups de boutoir répétés de l’UE Agricole (synonyme de France Agricole). Avant, le but était pour les USA d’affirmer, en somme, que leurs produits, préparés en conformité des principes de Sécurité Sanitaire les plus rigoureux,  comme reconnu par l’OMC, étaient tout aussi bons que les produits de la France Agricole. Mais il semble que cette manière de communiquer ait été hautement snobée par les responsables européens concernés. Alors, selon l’adage « la meilleure défense c’est l’attaque », le Président américain vient, cette fois, de monter la pression sur l’agroalimentaire français en ridiculisant le vin, le plus emblématique des produits français à l’export. Les français sont furieux. Ils écoulent en effet des dizaines de millions de bouteilles de vin et de spiritueux annuellement  sur le marché américain et autant, sinon plus, ailleurs dans le monde. De leur côté, les britanniques, qui apprécient le vin mais ne cultivent pas la vigne sur leur île, devraient recevoir le commentaire du Président Trump comme un clin d’œil qu’ils n’en manqueront pas après le Brexit. Mais, pour ceux qui ont vu le film culte français du milieu des années soixante-dix L’Aile ou la Cuisse, la déclaration du Président américain doit faire « se retourner dans sa tombe » l’acteur légendaire, le défunt Louis de Funès.

Toujours sur le chapitre de « qui fait mieux que l’autre », les allemands, soutenus par le grand nombre d’américains résidents dans la République Fédérale d’Allemagne en ces temps-là, ont consolidé, sur des décennies, le mythe du « Made in Germany » à l’export autour  de leurs  machines-outils, les voitures en premier lieu. Les USA doivent probablement considérer qu’ils ont contribué à la diffusion mondiale de la crédibilité du « Made in Germany » de l’après-guerre mais qu’ils ont été mal payés de retour (voir plus bas). Pas plus tard qu’Hier, jeudi, l’ambassadeur américain à Berlin, Richard Grenell, n’a pas pris de gants pour rappeler ce fait aux allemands. La France, de son côté, avec l’aide des pays anglo-saxons qui y viennent pour passer du bon temps depuis toujours, a construit un  mythe équivalent autour de ses produits de terroir dont le vin occupe une place privilégiée. Ayant mis ce « socle » en place, les français ont pris soin de construire dessus avec ruse et adresse toutes sortes de mérites qu’ils attribuent eux-mêmes à leurs produits agroalimentaires, le vin entre tous, qu’ils ont propagés partout sur la planète et que le film évoqué plus haut résume de façon subtile. De nombreuses normes et expertises organoleptiques françaises de toutes sortes, plus ou moins ésotériques, sont avancées pour soutenir ces efforts de marketing. Ceci n’enlève bien sûr rien à la contribution de la France à la gastronomie universelle (voir sous : http://alkhabir.org/fr/legs-utile-de-france-maroc/). Nous devons néanmoins nous rappeler que l’Italie (Rome) a précédé la France dans l’art de la vinification et reste à ce jour le premier producteur et le premier exportateur de vin et compte de très grands crus appréciés dans le monde entier.

L’approche de l’Allemagne pour promouvoir le « Made in Germany » pour leurs produits industriels aura été comparable à celle des français pour leur vin.

Mais ces efforts ont été nourris  durant la période que les français appellent les trente glorieuses (années cinquante, soixante et soixante-dix) du siècle passé, qui ont constitué aussi des années de forte tension des USA avec les  soviétiques. En ce temps-là, l’Europe en général, la France et l’Allemagne en particulier, bénéficiaient de bien des égards de la part de l’Amérique intéressée de se faire aider dans sa lutte contre les pays communistes pendant la guerre froide. L’art, la gastronomie, la culture, le théâtre, la musique et les films français, entre autres, se développaient à profusion mondialement et faisaient la une des médias aux côtés d’événements internationaux tels les livres de l’opposant au régime soviétique Aleksandr Solzhenitsyn et autres. Ce temps est toutefois révolu depuis une éternité à présent et le monde a beaucoup changé depuis. Au risque d’une « guerre militaire » appréhendée pendant la guerre froide a succédé une vraie « guerre commerciale » et, dans cette nouvelle lutte, l’UE apparait être un adversaire des USA peut être plus coriace encore que la Chine. Sous ce rapport, toutes les observations montrent aujourd’hui que les américains ont bien pris conscience du Défi que l’UE pose sur leur Business à l’international. En conséquence, tout laisse penser que l’Amérique travaille assidûment pour démystifier l’un après l’autre les piliers plus ou moins sophistiqués, mais bancals,  sur lesquels l’Europe continentale a choisi de reprojeter sa puissance repensée dans le monde, prioritairement sur notre continent africain. Par exemple, l’Euro à son lancement devait, selon ses géniteurs, supplanter le Dollar (voir ci-après: la guerre des matières premières) comme première monnaie d’échange à l’international. L’endiguement présumé de l’Uncle Sam de cette ambition, supposément conçue par Feus Helmut Kohl et François Mitterrand, a fait que, vingt ans après son introduction, les échanges effectués en  Euro représentent moins de 10 pour cent et sont concentrés d’abord dans le commerce Afrique/ UE. Dans cet esprit, les frictions US/UE des trente dernières années ont failli pousser l’Allemagne, en tant que figure de proue de la puissance de l’Europe commerciale, dans les bras de la Chine en signe de défiance probable à l’Amérique. L’Allemagne a même amorcé, il y a quelques années, un rapprochement en fanfare avec l’Empire du milieu. Il est possible que ces gesticulations aient irrité au plus haut point la partie américaine et a peut-être un lien avec la découverte subséquente, sur sol américain, du pot aux roses afférent au « Dieselgate ». Le scandale des moteurs trafiqués dont il s’agit a ensuite été élargi à des véhicules d’autres marques allemandes. Comme conséquence, la rigueur du « Made in Germany » est à présent sérieusement écornée et commence à affecter négativement le Mythe de l’efficience des prestations germaniques qui faisaient jusqu’à présent une unanimité consensuelle à l’échelle mondiale. Il n’est pas exclu non plus que la récession aux portes de laquelle se trouve l’Allemagne actuellement soit juste le signe avant-coureur de nombre d’autres déboires que l’Uncle Sam lui mijoterait pour la suite. Sur ce registre, le Président Trump s’est dit prêt à décider sur l’application de taxes supplémentaires sur les voitures et pièces de rechanges importés de l’Allemagne avant la fin de cette année déjà.

Voyant les marchés traditionnels, en premier lieu celui des USA, lui glisser entre les mains l’un après l’autre, l’UE s’est alors engagée dans une course frénétique pour la signature d’accords de libre-échanges un peu partout dans le monde. Mais, considérant tout ce grabuge transatlantique, il circule à présent dans les cercles de l’UE agricole des histoires sur le mode de la théorie des complots. Par exemple, l’accord de libre-échange avec le Canada, le CETA (Accord économique et commercial global), ne serait qu’un Cheval de Troie mis au point par les américains pour inonder de leurs produits agroalimentaires le marché de l’UE. Et l’accord de libre-échange avec le Mercosur (Brésil, Argentine, Paraguay et Uruguay) serait pire encore parce qu’il s’y ajoutera des produits non conformes pour la consommation de l’homme européen. Sur le même ton, alors que l’UE se dit prête à travailler sérieusement (sic !) avec la Zleca (Zone de libre-échange continentale africaine) à l’avenir, nous ne savons pas en ce moment même quel est (éventuellement) le risque posé sur l’homme européen  qu’on lui collera.

 En réalité, la balance commerciale de la France Agricole est excédentaire actuellement avec l’Afrique seulement. Multiplier les accords de libre-échange ne produira pas de miracles sur ce plan. Alors, il est peut-être grand temps pour que le Bloc UE réalise qu’en dehors de toute autre considération, la PAC (Politique Agricole Commune) a développé chez l’UE Agricole une addiction maladive à l’argent facile et, dans le même temps, une baisse de rentabilité et un oubli dommageable des principes de concurrence qui sous-tendent le travail à l’international. C’est pourtant un illustre personnage français et grand poète, Monsieur Jean de la Fontaine, qui, dans son poème  « Le Laboureur et ses Enfants », instruisait ses concitoyens « Que le travail est un trésor ». Peut-être que ce serait utile pour la France Agricole de revenir se ressourcer chez ce grand sage.

 

L’imbroglio de l’UE Agricole

Les statistiques de 2018, dévoilées dernièrement, ont montré que, pour la première fois de son histoire récente, la France est devenue importatrice nette de nourriture. La PAC (Politique Agricole Commune) aura finalement profité à d’autres pays de l’UE qui, comme la Pologne (produits d’origine végétale) et l’Espagne (produits d’origine animale), lui ont pris des parts de marchés sur le secteur agroalimentaire au sein même du marché communautaire. Quoique les responsables français continuent de clamer la meilleure qualité de leurs produits sur les autres concurrents, et les normes françaises supérieures à celles défendues par l’EFSA (Autorité européenne de sécurité des aliments), les consommateurs européens achètent là où ils trouvent le meilleur rapport Qualité/Prix et l’impression est que ce rapport s’éloigne de plus en plus du « Made in France ». Ce comportement des citoyens de l’UE est renforcé par la baisse continue du pouvoir d’achat des européens comme conséquence, en particulier, du déclin de l’export de l’UE pour manque de compétitivité du Bloc face à la concurrence internationale. Finalement, les raisons du déclin de la France Agricole (synonyme dans cet article de l’UE Agricole) sont nombreuses et variées (voir plus bas) qui vont toutes dans la direction d’un amoindrissement irréversible de l’influence de l’UE Agricole  dans le monde. Dans le même temps, il s’agit d’une opportunité dont la Zleca (Zone de libre-échange Continentale africaine) devrait profiter pour rééquilibrer à l’avenir les relations commerciales de notre continent avec nos partenaires sur le marché globalisé.

Nous revenons un peu en arrière pour retracer sommairement le parcours qui a conduit l’Europe Agricole à jouer les premiers rôles dans le domaine agroalimentaire mondial avant de contraindre, sous peu, l’UE à respecter les mêmes normes que les autres opérateurs du secteur agro-industriel du marché mondial.

Au lendemain de la deuxième guerre mondiale, deux Blocs d’intérêts divergents se sont constitués. D’un côté, le Comecon regroupant l’URSS (Union des Républiques Socialistes Soviétiques), des pays de l’Europe de l’Est et d’autres  pays communistes ailleurs dans le monde et, de l’autre, les Etats Unis d’Amérique avec comme principal allié les pays d’Europe de l’Ouest. Chaque Bloc avait ses propres règles spécifiques pour les échanges commerciaux sur leurs marchés respectifs. Les Etats-Unis considéraient alors le Bloc communiste comme un risque existentiel pour l’Amérique et ont cherché à le contenir par tout moyen. Dans ce but, pour cimenter une alliance forte avec ses alliés européens, les américains ont, semble-t-il, accepté de faire certaines concessions. Par exemple, ne pas se mêler des affaires de la France gaullienne, un allié récalcitrant, sur le continent africain. Depuis, la France considèrerait ce « tacite acquiescement américain » circonstanciel comme son privilège qu’elle partage à sa guise avec ses partenaires de l’UE. Sous ce rapport, un peu à l’image du marché intérieur du Comecon, rendu hermétique au commerce occidental parce que l’on  appelait en ces temps-là un « Rideau de Fer », la France Agricole s’est évertuée à s’arroger le marché africain par un « Rideau de normes » qu’elle s’est arrangée pour les faire adopter par le régulateur de l’UE. Comme conséquence, il est devenu très difficile pour les autres pays de la planète de commercer avec les pays de notre continent sans passer par les « normes UE ». Ce statu quo aurait pu continuer pour des générations à venir si la chute du mur de Berlin, et l’effritement de l’empire soviétique, n’avaient permis de rebattre les cartes. Par exemple, l’intérêt des USA d’un partenariat fort, et coûteux pour eux, avec l’Europe de l’Ouest contre les soviétiques n’avait plus tellement de raison d’être. Sur ce, l’Uncle Sam a commencé, comme les autres puissances mondiales, à montrer de plus en plus d’intérêt pour commercer directement avec les pays africains comprenant aussi les pays du Moyen-Orient. S’agissant de zones considérées par les européens comme leur pré-carré, l’UE Agricole s’est mobilisée en conséquence pour bloquer l’enthousiasme des américains pour le commerce dans ces zones. Alors, la France Agricole a fait les choses de manière structurée et soutenue. D’abord en dramatisant toutes les pratiques agroalimentaires des américains qu’elle considère comme présentant des risques sur la santé des consommateurs. Et le fait que les USA aient gagné contre ces assertions devant l’OMC (Organisation Mondiale du Commerce) n’a en aucune façon découragé le militantisme français. Ensuite, depuis les années quatre-vingt-dix, l’UE agricole a inondé les exportateurs africains avec de nouvelles exigences spécifiques (normes en dehors du Codex Alimentarius) à respecter pour accéder au marché de l’UE. Le cas échéant, le non-respect de ces « normes » conduit à des restrictions de l’export de l’opérateur « fautif » sur le marché communautaire. Il s’agit, considérant que l’UE est le principal débouché de nos Matières Premières africaines, d’un argument fortement dissuasif pour les opérateurs de notre continent. Ceci peut expliquer, entre autres, pourquoi l’accord de libre-échange prometteur décidé entre le Maroc et les USA il y a quinze ans fait toujours du surplace.

On peut déduire de ce constat que, malgré leur puissance et leur expérience, les américains n’ont pas été en mesure d’avoir le dessus sur les argumentaires fabriqués et avancés par l’UE Agricole pour s’opposer au commerce normal de nombreux produits agroalimentaires US sur le marché de l’UE. Par ailleurs, cette propagande de l’UE Agricole complique grandement la tâche aux américains pour pénétrer les marchés dépendants de l’UE comme le marché africain. Il faut dire aussi que l’argumentaire européen en question évoque également le fait que les prix des denrées alimentaires américaines « discréditées » sont tout aussi chers que ceux des produits européens. Ceci pour enlever tout intérêt financier pour le consommateur européen du « Made in USA »

Mais, parfois, la solution vient de là où on l’attend le moins. En effet, l’UE vient de signer un accord de libre-échange avec le Mercosur (Brésil, Argentine, Paraguay et Uruguay). Cette zone, les américains la considèrent à leur tour comme leur zone d’influence et les pratiques dans l’agroalimentaire y sont d’obédience FDA (Agence fédérale américaine de contrôle des aliments et des médicaments) depuis toujours. La France Agricole avance déjà les arguments de « Bœuf aux hormones » et « Poulet au Chlore » dans le but de bloquer les ratifications de l’accord conclu entre le Mercosur et l’UE. Mais, cette fois, des produits latino-américains d’origine animale, qui sont consommés partout dans le monde, y compris en Suisse, ont le rapport Qualité/Prix de leur côté, ce que recherche la plupart des consommateurs de l’UE.

Quoi qu’il en soit, l’UE Agricole sera dorénavant entre le marteau et l’enclume pour ce qui est de l’accord du Mercosur. D’un côté le consommateur européen qui cherche à acheter au meilleur rapport Qualité/Prix et favorisera donc les produits du Mercosur. De l’autre, la France Agricole, représentée majoritairement par les agriculteurs français qui sont relativement peu nombreux mais qui donnent de la voix pour ne pas avoir été habitués aux principes de compétitivité et rendus dépendants de la rente de la PAC. De belles batailles en perspective et, une fois n’est pas coutume, ce sont les américains qui seront dans les loges comme spectateurs ce qui ne serait pas pour leur déplaire.

S’agissant de notre continent, nos responsables continentaux feraient bien de suivre attentivement comment l’UE Agricole finira de sortir de cet imbroglio et d’en tirer les conséquences pour des discussions futures de l’avenir de la Zleca face à une UE décidée à garder notre marché africain sous tutelle.

Une FDA continentale pour la Zleca

Habituellement, nous réservons les écrits de ce blog aux activités du secteur agroalimentaire. Pour les besoins de cet article, nous joignons à notre intérêt le secteur pharmaceutique Marocain, que nous connaissons, et Africain sur lequel nous avons des échos. La raison est que nous avons collaboré et/ou  travaillé avec ce secteur pour de nombreuses années d’abord à Lausanne (Suisse) en tant qu’Assistant à la Faculté de Médecine, ensuite à Bâle (Suisse), en tant que chercheur junior dans l’une des plus grandes multinationales, et ici à Casablanca en tant qu’Attaché scientifique et Administratif de l’un des groupes de la place. Maintenant, il y a le fait que la presse locale rapporte, ces derniers temps, que le secteur pharmaceutique marocain est en grande déprime et accumule depuis un moment les bourdes comme des ruptures de stock, le manque de médicaments essentiels pour des patients et autres défaillances qu’on n’a pas vues durant les trente-cinq dernières années. Ailleurs en Afrique, la presse internationale parle des cas de médicaments médiocres (substandard), des génériques d’antibiotiques notamment, prescrits à des malades et, au lieu de guérir, les produits ont précipité le décès de patients (voir plus bas). Au moment de l’entrée en vigueur de la Zleca (Zone de Libre Echange Continentale Africaine), le sujet a retenu notre attention pour cette réflexion qui se veut pédagogique sans trop focaliser sur les noms ni de médicaments décriés ni sur des Laboratoires pharmaceutiques incriminés ni sur les noms de responsables impliqués du privé ou du public.

S’agissant du Maroc, l’encouragement actif de la France métropolitaine, au tournant de l’indépendance, pour la naissance d’un secteur productif local de médicaments peut paraitre énigmatique à première vue. En effet, l’industrie pharmaceutique, plus que la plupart des industries, est une profession hautement capitalistique qui est tributaire d’une activité Recherche/Développement dynamique. A l’époque dont nous parlons, seule la Faculté des sciences de Rabat était relativement opérationnelle (pouvait importer quelques rats de laboratoire par exemple). De plus, en dehors de l’alcool et du sucre, où la demande du secteur pouvait partiellement être satisfaite par la production locale, l’ensemble des autres besoins (Matières Premières, consommables, équipement, matériel, savoir-faire etc.) devait être importé de la France métropolitaine. En effet, compte tenu que le colonisateur avait pris soin de verrouiller par des règlements et normes (certains sont toujours en vigueur), l’activité du secteur de la santé nationale en sa faveur, il était plus que recommandé d’importer les fournitures énumérées de la Métropole. Et, dans la mesure où la France n’est pas connue pour produire sur son sol une bonne partie des articles mentionnés (qu’elle-même importe d’ailleurs), l’achat de ces outils pour le marché marocain auprès d’intermédiaires français les rendait particulièrement onéreux. Comme conséquence, les prix des médicaments au Maroc revenaient relativement beaucoup plus chers aux patients comparés à leurs coûts ailleurs dans le monde. Mais, les partenaires français y ont trouvé l’occasion de se servir copieusement dans les poches des industriels marocains en évitant eux-mêmes de payer quoi que ce soit à l’administration locale. Il est probable que la France métropolitaine ait agi dans d’autres pays de l’Afrique francophone de la même manière qu’ici au Maroc.

A présent, si les risques sanitaires peuvent concerner aussi bien les produits alimentaires que les produits pharmaceutiques, la gravité des dangers potentiels n’est pas du même degré ainsi que les incidences éventuelles sur la santé du consommateur ou patient. Dans cette perspective, la gestion des menaces en question doit être adaptée au type de risque véhiculé par la prise d’un aliment d’un côté et, de l’autre, suite à la prescription d’un médicament (voir plus bas). Par exemple, dans le cas d’une infection d’origine alimentaire, les chances sont grandes pour que quelques heures, ou quelques jours, après la consommation d’un repas, des symptômes (communs aux maladies d’origine alimentaire) telle que la fièvre, vomissements, maux de tête et autres apparaissent comme signes annonciateurs de problèmes sanitaires plus graves à venir. Cela peut permettre, en quelque sorte, de prendre les devants et chercher les soins médicaux appropriés. Dans le cas d’un médicament falsifié, l’effet peut être beaucoup plus pernicieux car il faut prendre en considération l’« effet placebo ». Ceci veut dire qu’à l’idée de recevoir un médicament prescrit, des malades peuvent, provisoirement, se sentir mieux même si le produit est factice. Dans ces conditions, si le médicament administré est frauduleux et que son effet nuisible ne se révèle que bien plus tard (produit cancérigène et autres), le patient peut avoir le sentiment (effet placebo) de guérison momentanée alors qu’en réalité des effets désastreux, sous l’action du médicament défectueux, couvent dans son corps à son insu pour émerger à un moment où il sera trop tard pour remédier au problème. Pour cette raison, la qualité et la rigueur du contrôle des médicaments sont plus impérieux ici que dans de nombreuses autres sphères d’activité.

Sous ce rapport, les données disponibles laissent penser que certaines sociétés qui exercent sur le créneau des médicaments génériques, principalement en Chine et en Inde, définissent les critères de Contrôle/Qualité en fonction du pays auquel ils destinent le produit pharmaceutique à l’export. La fabrication la moins soignée (réduction de la teneur en principe actif par exemple) et le contrôle subséquent le plus laxiste (Bulletins d’Analyses falsifiés) est réservé aux produits destinés à nos pays africains. Apparemment, ces professionnels de type mafieux se renseignent bien sur le sérieux (ou permissivité) du contrôle du pays de leur intérêt pour ne pas prendre de risque « inconsidéré » pour leur business. Ceci explique notamment les résultats de sous dosage récurrents que l’on trouve dans des antibiotiques importés en Afrique et qui nuit gravement (désastre des résistances bactériennes) à la santé de nos concitoyens. Parallèlement, ce constat corrèle avec le manque de rigueur du contrôle qualité institutionnel dans nombre de nos pays africains qui est décrié régulièrement par des organisations non gouvernementales. Par contre, ces mêmes entreprises de génériques procèdent à des opérations de fabrication correctes et des contrôles rigoureux et sans faille sur les lots de produits qu’ils destinent, par exemple, au marché américain qui est considéré le plus sévère dans le monde pour la vérification de la qualité des produits pharmaceutiques. Les grandes firmes pharmaceutiques mondiales confirment régulièrement que la réussite de l’épreuve du contrôle qualité de la FDA améliore notablement les chances de commercialisation réussie d’un médicament à l’international.

Mais tous les pays n’ont pas les moyens de s’offrir des structures de contrôle du niveau de la FDA. Par exemple, les informations rendues publiques après le désastre du « benfluorex-Mediator » en France ont montré qu’en plus de coûter très cher à mettre en place, les structures de contrôle des médicaments dans L’Hexagone sont loin d’être simples à gérer. Néanmoins, le résultat du désastre du médicament susnommé, avec des centaines (voire des milliers) de morts et le compte continue, reste impardonnable pour les familles victimes de la catastrophe. On déduit également que si la gestion de telles structures de contrôle des médicaments est considérée comme onéreuse et complexe pour un grand pays comme la France, autant dire que l’effort est largement au-dessus des possibilités d’un pays africain individuel. Dans le même temps, se passer d’un organisme de contrôle de produits pharmaceutiques, locaux ou importés, n’est pas une option non plus. Sinon, nos  pays africains risquent de devenir des places de recyclage de produits médiocres (substandard) voire tout bonnement périmés.

Dans le passé, des pays européens ont eu recours à l’assistance de la FDA pour les aider à remettre sur pied leurs structures de contrôle détruites lors de la dernière grande guerre. Une idée serait que nos futurs responsables sur la Zleca ouvrent un dialogue avec la FDA (Agence Fédérale Américaine de Contrôle des aliments et des Médicaments) avec le souhait de bénéficier du même type d’assistance dont les européens ont profité avant nous. Il n’y a aucune raison de penser que la FDA leur refuserait un service qu’elle a rendu à un autre continent dans le passé.

L’internationalisation du commerce africain

Les règles (asymétriques) appliquées au commerce avec les pays du continent africain ont, pour l’essentiel, été posées et entretenues par l’un ou l’autre des pays de l’UE, ex-colonisateurs de l’Afrique. Sur le plan économique et commercial elles visent, hier comme aujourd’hui, à maintenir nos pays fermement attachés aux européens et leur mainmise sur nos richesses. A ce propos, le « marché européen » peut être compris comme  le « marché français » dans de nombreux pays en Afrique francophone. Nous nous référons dans cet article au cas du Maroc, mais la situation peut être comparable dans d’autres pays du continent. Ainsi, à titre d’exemple, il y a environ une trentaine d’années, l’essentiel du parc automobile national était constitué chez nous de véhicules de marques françaises. Les exportateurs de véhicules asiatiques comparables ont dû fournir un effort colossal pour accéder au marché marocain. Au départ, ils ont dû se résigner, entre autres, à payer 10% de taxes de plus que leurs concurrents de l’UE. Aujourd’hui encore, les européens continuent de bénéficier de grands avantages hérités, et préservés, de l’époque coloniale comme de meilleurs emplacement pour leurs show-rooms, ou bien des circuits bien huilés d’importations et distribution de pièces détachées et une administration majoritairement acquise à leur cause, etc.

En plus des véhicules, des investisseurs non-européens ont réussi à s’implanter chez-nous sur des marchés de niche tels que l’aéronautique ou l’éolien. Mais l’investissement dans l’agroalimentaire, secteur clé de l’économie nationale, où le Maroc bénéficie d’un potentiel d’avantages comparatifs très favorables, en ressources naturelles et autres, est toujours dominé par des opérateurs franco-européens (français ou autre européen). En plus de la  connaissance de nos « us et coutumes », l’autorité « coloniale résiduelle » (la ribambelle d’organismes qui travaillent pour l’UE), qui a des yeux partout, a pesé de tout son poids pour verrouiller le secteur agroalimentaire par de nombreux règlements et lois qui sont, pour une bonne partie, encore en vigueur à ce jour. Le « mérite » en revient à certains bras cassés, parmi nos responsables des Ministères de tutelle, qui se complaisent dans les basses besognes du « copier/coller » et du maintien en application, contre tout bon sens, de textes réglementaires mis en place parfois du temps du protectorat pour servir les intérêts du colonisateur. L’essence des lois en question est de pérenniser les types d’échanges qui favorisent largement les franco-européens au détriment d’autres investisseurs intéressés. Autrement dit, les textes réglementaires dans leur globalité visent à maintenir l’importation de produits finis « Made in UE » (Made in France), payés chèrement en Euro, et l’exportation de Matières Premières bradées vers l’Europe. L’exemple de l’accord de libre-échange signé entre le Maroc et les USA depuis bientôt quinze années, et resté à ce jour lettre morte, illustre bien à quel point les franco-européens sont omnipotents sur notre marché national. La multitude des outils (textes réglementaires et pratiques) employés dans ce sens sont abordés dans d’autres articles de ce blog. Dans ces conditions, un investisseur non européen désireux de s’engager dans un segment ou un autre de notre secteur agroalimentaire, et qui tient à pérenniser sa présence, n’a eu, à ce jour, d’autre choix que de se faire adoubé par le lobby franco-européen ou bien, ce qui revient au même, prendre comme partenaire un franco-européen. Sous ce rapport, le passage en revue des opérateurs qui comptent dans le secteur agroalimentaire marocain, tous segments confondus, montre que cette règle a effectivement été largement suivie.

Aussi, parmi les entreprises évoquées plus haut, qui sont bien installées sur le marché national, certaines font valoir des documents de certification et/ou de contrôle qualité qui sont édités et signés à l’étranger (nos archives). Dans la mesure où, à notre connaissance, le Royaume du Maroc n’a pas signé avec les pays de l’UE d’accord de reconnaissance mutuelle de ce type de service, la validation illicite de tels documents pour l’usage sur notre marché national participe du mépris caractérisé que nos voisins du nord, aidés en cela par leurs commis locaux, ont pour nos institutions ainsi que pour notre souveraineté nationale. Selon notre opinion, cette supercherie, vérifiable à tout moment, est d’abord à mettre au compte de certains fonctionnaires (qui ont fait leur temps) de l’ONSSA (Office National de Sécurité Sanitaire des Aliments), l’organisme de tutelle sur notre secteur agroalimentaire, qui enfreint, de facto, la réglementation en vigueur au Maroc alors qu’il est supposé veiller sur sa saine application. Les données disponibles montrent que de tels documents d’essence coloniale circulent largement ailleurs en Afrique véhiculant de cette façon le même type de mépris à l’égard des réglementations locales. Alors, si, malgré sa grande richesse, l’Afrique compte le plus grand nombre de déshérités dans le monde, la responsabilité incombe aujourd’hui, selon nous, à ceux de nos responsables fainéants susmentionnés, au Maroc en particulier, plus encore qu’aux agissements passés de responsables coloniaux.

Sous ce rapport, Sa Majesté le Roi Mohammed VI a insisté à de nombreuses reprises sur la solidarité du Maroc avec d’autres pays africains amis et le devoir que notre pays a de contribuer au Co-développement de notre continent africain. S’agissant du secteur agroalimentaire, notre opinion est qu’avant d’aborder un tel programme d’assistance aux autres, le Maroc devrait se délester du type de responsables évoqués plus haut pour regagner en crédibilité auprès des pays désireux d’embrasser le marché globalisé sans règles restrictives d’essence coloniale.

Ceci mis à part, l’UE doit se rendre à l’évidence que le temps de l’exclusivité qu’ils ont eu sur le Commerce/Economie africaine est à présent derrière eux. L’internationalisation du commerce africain qui a démarré est irréversible. En plus d’autres pays comme la Chine, le Japon, l’Inde, la Russie, la Turquie, les pays du Golfe et autres, il y a dorénavant l’USA qui s’intéresse à commercer directement avec notre Continent. A ce propos, le passage en revue des écrits et autres annonces de responsables UE dans les médias dernièrement laissent paraître une UE qui a perdu de sa superbe. Les européens se posent à présent en victime de ceux qu’ils qualifient de « requins »  qui leur en veulent comme la Chine, la Russie et, une première, les Etats Unis. Au lieu de reconnaitre leurs erreurs sur les souffrances et pillages qu’ils ont infligés à l’Afrique, et indemniser en conséquence, ils persistent dans un discours soporifique en promettant à l’ensemble du continent un accord de libre-échange avec à la clé la création rapide de dix millions d’emploi. Il faut être tombé sur la tête pour croire à de telles balivernes assimilant la création d’un emploi à la préparation d’un pot de yoghourt ! De mémoire d’historien, ils ont appauvri ce continent et pillé ses ressources et, à présent, ils promettent de faire en cinq ans ce qu’ils ont refusé de faire en quatre siècles.

En fait, pourquoi les autres puissances en voudraient-ils aux européens ? Il serait bon qu’ils nous le disent. Faut-il rappeler qu’à part l’Allemagne, encore en sursit, les autres pays du continent européen ont de la peine à exporter quoi que ce soit de façon compétitive. Peut-être que les puissances en question trouvent que les européens n’ont plus les moyens de leur politique et qu’il est  grand temps pour l’UE de laisser le commerce africain mieux respirer !